Bâtiments anciens : les sénateurs souhaitent adapter et faciliter la rénovation énergétique
Par A.W.
Le Sénat a adopté hier, en première lecture et à l’unanimité, une proposition de loi visant à « adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien ». Un texte qui doit permettre de combler les lacunes de la législation actuelle qui favorise les matériaux récents, pas forcément adaptés lors des réhabilitations de ces bâtiments.
Pointant « le caractère complémentaire des objectifs de lutte contre la précarité énergétique, de limitation de l'artificialisation et de préservation du patrimoine », ce texte doit désormais être examiné par l’Assemblée.
Réglementation inadaptée
Les 11 millions de bâtiments anciens du pays représentent plus d'un tiers du parc existant en France. Parmi eux, 70 % sont considérés comme des passoires énergétiques où « vivent les plus fragiles de nos concitoyens », a rappelé le sénateur socialiste de la Moselle Michaël Weber, à l’origine cette initiative.
Celui-ci déplore ainsi que la réglementation actuelle en matière de rénovation thermique (découlant de la loi « Climat et Résilience » de 2021) repose « exclusivement sur des critères d'évaluation et des modèles de calculs conçus pour des bâtiments neufs ». Un état de fait qui incite les propriétaires à utiliser des techniques d'isolation et de matériaux contemporains dont « la compatibilité n'est pas assurée avec un bâti ancien ».
Or « des travaux de rénovation inadaptés peuvent causer la perte des qualités intrinsèques aux modes constructifs anciens, à commencer par leurs qualités (...) de régulation naturelle de la température et du taux d'humidité. Elle peut être la cause de l'apparition de pathologies, réduisant potentiellement l'espérance de vie du bâtiment et portant atteinte au confort et à la santé des occupants », explique l’élu mosellan dans l’exposé des motifs de son texte.
Résultat, la rénovation énergétique dans le bâti ancien est « un investissement qui peut s'avérer contreproductif s'il ne respecte pas ses modes de fonctionnement, distincts de ceux du bâti moderne ». Critiquant « les pratiques actuelles reposant majoritairement sur des solutions standardisées et des matériaux à haute empreinte carbone », Michaël Weber estime que « la constitution d'une filière de rénovation du patrimoine bâti, reposant sur des matériaux bio et géo sourcés à faible impact environnemental, est une nécessité ».
DPE et spécificités du bâti ancien
Afin d’améliorer la performance énergétique des bâtiments anciens tout en préservant leurs qualités intrinsèques et leur valeur patrimoniale, la proposition de loi prévoit donc d’adapter la législation « aux spécificités du bâti ancien ».
En premier lieu, elle permettrait d’intégrer dans le Code de la construction et de l'habitation une définition de ce terme. Serait donc désormais considéré comme ancien, tout bâtiment « construit avant 1948 selon des techniques et des matériaux traditionnels ». Le texte introduit aussi « une réglementation thermique multicritère », qui prendrait en compte non seulement « la performance énergétique » mais également « d'autres aspects essentiels comme le confort d'été, la qualité de l'air intérieur, l'impact environnemental des matériaux et la préservation du patrimoine architectural ».
Point le plus important, les sénateurs ont décidé d’adapter les critères d'évaluation et les modalités de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) aux « spécificités des bâtiments anciens » afin de tenir compte « des atouts bioclimatiques de ce type de bâti, souvent négligés par les méthodes standards ». Les recommandations de travaux seraient ainsi « adaptées aux contraintes techniques, architecturales et patrimoniales pesant sur le bâtiment ainsi qu’aux caractéristiques hygrothermiques des matériaux le composant ».
Le texte prévoit, en outre, de s’assurer de « compétences spécifiques » pour « tous les auditeurs réalisant les audits énergétiques, lorsque le bâtiment présente un intérêt patrimonial ».
Inscrite à l'origine dans le texte, une mesure intégrant certaines particularités des bâtiments anciens (sensibilité à l'humidité, ventilation naturelle assurée par la non-étanchéité des fenêtres, équilibre hygrothermique à ne pas perturber) dans les objectifs généraux de qualité sanitaire des bâtiments a été finalement rejetée. Elle aurait permis d’engager la responsabilité du maître d’œuvre en cas de « rénovation inadaptée entraînant la détérioration du bâtiment ancien ».
Accès facilité à MaPrimeRénov’
Reste que plusieurs parlementaires ont regretté que le texte n'intègre pas de volet financier pour soutenir ces rénovations.
La ministre en charge du Logement, Valérie Létard, a toutefois annoncé la parution d’un décret visant à faciliter l'accès à MaPrimeRénov' aux propriétaires ayant contracté un prêt à taux zéro dans l'ancien. Il relèverait également de 80 % à 90 % du coût des travaux le plafond des aides publiques et privées en matière de rénovation énergétique. « Un accompagnement significatif pour aller reconquérir et acquérir du logement ancien », s'est-elle réjouie.
Elle a par ailleurs rendu public un guide de « bonnes pratiques » à l'attention des professionnels, diagnostiqueurs ou auditeurs énergétiques, spécifiquement dédié au bâti ancien.
Plus globalement, la ministre du Logement a annoncé une série de dix mesures pour mieux encadrer les diagnostiqueurs afin de rendre le DPE « irréprochable ». Les contrôles de diagnostiqueurs vont ainsi être multipliés par quatre, avec une inspection par an pour chacun et les sanctions seront plus sévères. Jusqu'à deux ans d'interdiction d'exercer en cas de fraude, contre six mois actuellement.
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