Logement social : prônant eux aussi la « rupture », les bailleurs sociaux réclament le « retour d'un État fiable et financeur »
Par A.W., Ã Paris

En finir avec la ponction sur les recettes des bailleurs sociaux, maintenir les aides à la pierre et tenir les engagements financiers dans les programmes de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Alors que le secteur du logement social fait face à « une crise profonde », la présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH), Emmanuelle Cosse, a appelé le futur gouvernement à « répondre » à la situation actuelle.
La « rupture » annoncée par le nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, devra ainsi « passer par la fin du désintérêt pour notre secteur et cela doit se traduire dans la prochaine loi de finances », a réclamé l’ancienne ministre du Logement sous François Hollande qui représente désormais les bailleurs sociaux, à l’occasion de l’ouverture du Congrès HLM, qui se déroule jusqu'à jeudi à Paris.
Nombre de demandes record
Un congrès « unique » puisque « l’instabilité politique de la période est telle qu’aucun représentant du gouvernement ne peut [y] participer » et ainsi répondre à ses revendications, tous les ministres étant démissionnaires et cantonnés à la gestion des affaires courantes.
Pourtant « la crise du logement est profonde, elle touche toutes les catégories sociales, tous les âges, tous les territoires », elle « bloque des parcours de vie et crée un ressentiment terrible, terreau d’une crise sociale et politique en devenir », a déploré la présidente du Mouvement HLM, en rappelant que son secteur « loge la France qui travaille dans des secteurs smicardisés, la France des femmes qui peinent à élever seules leurs enfants, la France des retraités sans patrimoine, la France des salariés de première ligne ».
Or la situation s’est encore dégradée depuis l’an passé. Ce sont désormais près de 2,9 millions de ménages qui sont en attente d'un logement social, dont près de 2 millions qui patientent pour entrer dans ce parc. Une hausse de presque 300 000 par rapport à la fin de l'année 2023. La semaine dernière, l’ancienne leader écologiste avait alerté sur l’« accélération de l'évolution de la demande » avec dorénavant « 100 000 nouvelles demandes en un semestre », contre « 100 000 nouveaux demandeurs en un an » auparavant. Et à peine une demande sur dix est satisfaite, selon l’Agence nationale du contrôle du logement social (Ancols) qui pointe, outre le ralentissement des créations de logements sociaux, également le manque de rotation.
« La raréfaction de l’offre locative privée et l’étranglement de l’accession à la propriété dirigent vers nous des milliers de ménages qui ne trouvent plus d’autres solutions », a expliqué Emmanuelle Cosse.
Absence de « véritable politique du logement »
« À la crise structurelle s’ajoute un constat préoccupant : l'absence de véritable politique nationale du logement » qui n'est « plus une priorité depuis plusieurs années », alors que « loger dignement les Français est une mission de l'État », s’est désolé Patrick Bloche, premier adjoint de la mairie de Paris, qui accueille cette année le congrès HLM. « Face à cette carence, ce sont les collectivités, les bailleurs sociaux et les associations qui tiennent debout la politique du logement dans notre pays », a-t-il estimé. Mais « ne pas investir massivement dans le logement, c’est creuser les inégalités sociales et territoriales ».
Pour preuve, les plus précaires sont touchés de plein fouet. « On n'a jamais eu de chiffres d'expulsions aussi durs, de taux de pauvreté aussi élevé, ni autant de personnes à la rue », a dénoncé, un peu plus tard, le directeur général de la Fondation pour le logement des défavorisés, Christophe Robert, dont le référent en Île-de-France a assigné en justice, aujourd’hui, les préfets des huit départements franciliens, en compagnie de la Fédération des acteurs de la solidarité en Île-de-France et du Secours Catholique.
En cause, la trop faible attribution de logements sociaux aux ménages les plus précaires en dehors des quartiers prioritaires : « 13 ou 14 % » au lieu des 25 % obligatoires. Selon une note d’ATD Quart Monde présentée hier, sur les 38 327 logements attribués en 2024 à l'échelle de la métropole du Grand Paris, « seulement 5 243 ont bénéficié aux 25 % les plus pauvres ».
Pointant « l’échec total » de la politique de l’offre mis en œuvre ces dernières années, Emmanuelle Cosse a rappelé qu’« il y a des gens qui ont fait le pari, en 2017, de casser les dispositifs économiques » en pensant qu'étant donné que « la population baisse, les besoins en logement vont être plus faibles ».
« On nous disait : "N’ayez pas peur, dans 25 ans, il y aura une totale adéquation entre le nombre de logements disponibles et la population". Mais on ne peut pas dire à ceux qui rencontrent des difficultés de logement : "Attendez 25 ans et tout ira bien". Ce discours n’est pas entendable, on gâche des vies », a critiqué l’ancienne ministre, assurant que « les prévisions démographiques sont à chaque fois erronées ».
Capacités financières insuffisantes
Le Haut-commissaire à la stratégie et au plan, Clément Beaune, a lui aussi confirmé « le drame de l'absence de pluriannualité » et souligné un « problème de visibilité » en raison des changements réguliers de règles et de budgets : « On a perdu des capacités de stabilité et de prévision. Ne pas savoir quelles sont les évolutions démographiques des bassins d’emplois et des territoires, et ne pas pouvoir échanger avec les collectivités et les bailleurs, c’est un énorme problème de myopie sur nos besoins budgétaires et fiscaux ».
Attendant ainsi « le retour d’un État fiable, pilote et financeur », Emmanuelle Cosse s’est toutefois félicitée de tenir ses objectifs en 2025 avec la production annoncée de 100 000 nouveaux logements sociaux (contre 85 000 nouveaux HLM agréés en 2024) et la rénovation énergétique de 125 000 autres.
« Nous résistons et nous nous accrochons au respect du calendrier de la loi Climat et Résilience. Mais ces efforts ne pourront être tenus à ce niveau, durablement », a-t-elle souligné en renvoyant à une étude récente de la Banque des territoires qui vient de montrer l’impossibilité pour les bailleurs sociaux de concilier à la fois réhabilitations massives et hausse de la construction neuve de HLM, en l’état actuel des choses.
Selon elle, les bailleurs sociaux n'auront tout simplement pas les capacités financières suffisantes pour produire à un rythme élevé des nouveaux logements sociaux chaque année et atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. « Nous ne ferons pas de magie et nous ne pourrons pas continuer sans soutien », a ainsi rappelé la présidente de l’USH, en lançant un nouvel appel au « Premier ministre et à l’ensemble des forces politiques, à entendre les alertes des acteurs du logement ».
Trois « ruptures »
Des alertes qui devront se « traduire, demain, dans un plan d’investissement soutenu par le budget national ».
La « rupture » voulue par Sébastien Lecornu pourrait ainsi « s’incarner par le retrait de la RLS », la réduction de loyer de solidarité, « cette ponction inique et délétère sur nos ressources [qui] pèse lourd et poursuit son sinistre travail de sape » puisque « l’autofinancement des organismes est en baisse de 31 %, les trésoreries de 7 %. Les plus de 10 milliards qui ont été prélevés au secteur pour alimenter le budget de l’État entravent aujourd’hui nos capacités d’investissement », a critiqué Emmanuelle Cosse.
La rupture pourrait également « se traduire par des engagements mutuels avec l’État par le biais du Fonds national des aides à la pierre », un outil de pilotage de la création de logements sociaux qui est menacé, faute de financements prévus à partir de l'année prochaine. « Elle doit enfin s’exprimer dans le financement de l’Anru : l’État doit tenir ses engagements financiers et apporter, enfin, ce qu’il doit pour permettre au programme de rénovation urbaine de se poursuivre et relancer un nouveau programme » alors que celui-ci « n’aura versé que 13 % de sa contribution » à la fin de l’année.
À noter que le nouveau président de la Fédération des offices publics de l'habitat (FOPH), Michel Ménard, a, pour sa part, réclamé une loi de programmation sur le logement. Tout comme Marie-Noëlle Lienemann, présidente de la Fédération des sociétés coopératives d'HLM.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Fibre : des aides allant de 400 Ã 1 200 euros pour les raccordements complexes
Formation et mutualisation, les deux piliers de la « commande publique responsable »
L'État va assouplir les conditions de tir sur les loups attaquant des élevages








