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Édition du mercredi 1er juin 2022
Culture

Les collectivités apportent près de trois quarts des financements du spectacle vivant

Le secteur du spectacle vivant est particulièrement soutenu par les collectivités territoriales, comme le souligne un rapport de la Cour des comptes publié vendredi dernier. Il y est néanmoins pointé que l'offre des spectacles dans tous les territoires peine à atteindre ses objectifs de démocratisation et de diffusion.

Par Lucile Bonnin

La politique du spectacle vivant ne repose plus uniquement sur des aides attribuées par l’État ou par le ministère de la Culture : les communes, intercommunalités, départements, et régions sont des partenaires désormais privilégiés des acteurs du spectacle vivant. 

C’est d’ailleurs ce que montre concrètement le bilan que dresse la Cour des comptes dans un rapport intitulé Le soutien du ministère de la Culture au spectacle vivant et publié le 27 mai dernier. Les magistrats s’intéressent aux modalités du soutien du ministère de la Culture au secteur et analysent « les évolutions structurelles de la politique mise en œuvre par le ministère de la Culture jusqu’en 2020. » 

« L’intervention croissante des collectivités territoriales » 

Premier constat soulevé par les magistrats de la rue Cambon : « Le spectacle vivant bénéficie de financements publics importants apportés tant par l’État que, de manière croissante, par les collectivités territoriales. » 

Le ministère de la Culture continue de jouer son rôle dans le développement de ce secteur notamment financièrement. Un précédent rapport datant de septembre 2021 montrait que, face à la crise sanitaire, le secteur a « bénéficié de soutiens publics considérables », « principalement déployées via deux opérateurs du ministère de la Culture, le Centre national de la musique (CNM) et l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP). » 

Ce nouveau rapport met en lumière un point intéressant : les collectivités territoriales jouent de plus en plus un rôle déterminant dans le soutien au spectacle vivant notamment d’un point de vue financier puisqu’elles apportent désormais « près des trois quarts des financements du spectacle vivant ». 

Concrètement, l’enquête a permis d’évaluer les financements des collectivités territoriales, en particulier ceux des communes, et de constater qu’ils ont progressé depuis 2015 et représentent au minimum 2,47 milliards d’euros en 2019 contre 703 millions du ministère de la Culture. Cette estimation de la part des dépenses culturelles des collectivités a été calculée à partir des données DGFiP et des enquêtes 2006 et 2010 du ministère de la Culture relatives aux dépenses culturelles des collectivités locales.

Les dépenses de fonctionnement des collectivités en faveur du spectacle vivant augmentent, sauf pour les départements. En considérant le périmètre de dépenses élargi, les financements des communes et EPCI passent d’environ 2,6 milliards d'euros à 3,2 milliards d'euros entre 2014 et 2019, soit une augmentation de 25 %. 

Cette implication croissante des collectivités va de pair avec une diversification des dispositifs et mécanismes d’aides, « qui se rapprochent désormais du système d’aide des DRAC : aides aux projets, soutiens conventionnels, appels à projets divers. » 

Une politique culturelle trop centrée sur l’offre 

Ce basculement doit cependant, selon la Cour des comptes, amener l’État à « ajuster ses modes d’intervention dans un contexte où il n’est plus le seul ni même le principal acteur »  - sauf pour les Centres de développement chorégraphique nationaux (CDCN). Les magistrats préconisent notamment de consolider la capacité de l’État à la « mise en cohérence de l’offre. » 

Les relations entre ministère et collectivités sont perçues comme « constructives »  mais des progrès « doivent être réalisés en matière de collecte et d’exploitation des données relatives à l’activité, aux moyens et aux résultats des structures. »  La remontée des données de billetterie à des fins d’information statistique est quasiment inexistante et ainsi, le déploiement de l’outil SIBIL (Système d'Information BILletterie) fait naître beaucoup d’attentes en termes de visibilité de l’activité du spectacle vivant dans les territoires. 

Enfin, le rôle crucial des DRAC dans l’animation de la politique du spectacle vivant au niveau régional devrait également être mieux valorisé par l’échelon central du ministère, au moyen notamment d’orientations stratégiques mieux hiérarchisées. Alors que les collectivités jouent désormais un rôle majeur, le réseau territorial de l’État gagnerait en effet à être davantage mobilisé au service d’une vision stratégique réaffirmée. 

Démocratisation culturelle « en demi-teinte » 

« Jusqu’en 2008, dans la tranche 20-24 ans, près d’un jeune sur deux avait fréquenté un spectacle ; 10 ans plus tard, la proportion descend à un sur trois », pointe la Cour des comptes. Les écarts entre les classes sociales perdurent et « la faible diffusion des spectacles, la difficulté à produire des séries ou à augmenter le nombre de représentations, constituent le point faible de la politique publique de soutien développée depuis 50 ans. » 

La Cour des comptes préconise en la matière d’établir « des objectifs de diffusion plus ambitieux en associant l'ensemble des parties prenantes (État, collectivités, organisations professionnelles du secteur) »  et d’ « associer l’objectif de renforcement de la diffusion des spectacles à celui du renouvellement des publics et de démocratisation », en associant plus étroitement les DRAC à l’élaboration de la politique nationale du spectacle vivant. Deux objectifs doivent être atteints : celui de l’accessibilité en matière de proximité, de tarifs, d’accès aux personnes handicapées et celui de l’élargissement des publics notamment par le biais de l’éducation artistique et culturelle (EAC). 

Télécharger le rapport de la Cour des comptes. 

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