Le Sénat autorise la création nette de débits de boisson sous licence IV dans les communes rurales
Par Franck Lemarc
En dehors de l’article 17 de ce projet de loi, sur l’installation des pylônes de télécommunication, qui a fait l’objet d’âpres débats et sur lequel Maire info reviendra dans une prochaine édition, le texte du gouvernement a été très largement amendé tant en commission qu’en séance publique : en commission, 91 amendements ont été adoptés. En séance (alors que l’examen du texte n’est pas terminé), 101.
Licences IV
Parmi les amendements adoptés en commission qui concernent les maires, quelques-uns sont à retenir.
C’est le cas par exemple du nouvel article 26 bis qui intéressera particulièrement les maires des communes rurales : il déroge au droit commun pour permettre l’installation de cafés avec une licence IV dans les communes de moins de 3 500 habitants, même si la commune n’en comptait aucun auparavant. Rappelons que depuis 2000, l’ouverture d’un nouvel établissement muni d’une licence IV est interdite par la loi. Une ouverture n’est donc possible que par transfert, « après rachat de la licence à un propriétaire souhaitant s’en défaire », indiquait un guide du gouvernement en 2019. L’amendement sénatorial permettrait donc, pour trois ans, la création « nette » de débits de boisson sous licence IV, afin de contribuer à « dynamiser » les petites communes.
Rappelons qu'il s'agissait d'un prolongement de la loi Engagement et proximité de décembre 2019, qui avait permis la création de licences IV pendant trois ans, pour les seules communes de moins de 3 500 habitants qui n’en disposaient pas au moment de la publication de la loi.
L’article 20 du texte permet à l’autorité compétente en matière de délivrance des permis de construire de déroger aux règles du PLU pour développer l’usage des pompes à chaleur et des énergies renouvelables. Si cette autorité est l’État (le préfet pour les installations d’énergies renouvelables), la dérogation ne peut être accordée « qu’après avis conforme du maire de la commune d’implantation ». Un amendement sénatorial à complété cet article en ajoutant à ces possibilités de dérogation les réseaux de chaleur et de froid, ainsi que les « revêtements réflexifs en toiture ». Un autre amendement au même article prévoit qu’il serait possible de déroger aux règles du PLU sur la hauteur ou l’emprise au sol des bâtiments lorsqu’il s’agit de bâtiments « faisant preuve d’exemplarité environnementale ».
Marchés publics et aménagement commercial
En séance, d’autres amendements intéressants ont été validés.
Le gouvernement a prévu la création d’une plateforme unique destinée à la commande publique, baptisée Place, où chaque acheteur aura un profil réutilisable autant de fois que nécessaire. Le texte initial prévoyait expressément d’exclure les collectivités territoriales de ce dispositif. Les sénateurs, arguant que les collectivités « pèsent plus que l’État le secteur hospitalier réunis » dans la commande publique, ont autorisé celles-ci à utiliser Place, « si elles le souhaitent », contre l’avis du gouvernement.
Un amendement important en matière d’assurances des collectivités a été adopté, là encore contre l’avis du gouvernement : il obligerait les assureurs, en cas de résiliation d’office d’un contrat d’assurance avec une collectivités, d’adresser à celle-ci la notification de résiliation « six mois au moins avant sa prise d’effet », afin de laisser à la collectivité le temps de passer un nouveau marché public d’assurance.
Un amendement sur l’aménagement commercial, venu lui du gouvernement, a été adopté. Au moment où le gouvernement pousse à la requalification des zones commerciales, ce qui induit d’importants travaux dans ces zones, se pose la question de la continuité de l’activité des commerces concernés. L’amendement permettrait à un commerce d’être transféré, temporairement (le temps des travaux) dans une autre zone, sans avoir besoin de demander une nouvelle AEC (autorisation d’exploitation commerciale). Cette possibilité serait soumise à plusieurs conditions : la surface de vente du commerce déplacé ne doit pas être supérieure à l’ancienne, et l’opération ne doit pas engendrer d’artificialisation des sols.
À propos d’artificialisation, un amendement a acté (contre l’avis du gouvernement) l’exemption totale et de droit de tous les projets d’implantation industrielle du décompte des enveloppes ZAN, pour la période 2021-2031.
Recensement de la population
Sur un tout autre sujet, un amendement du gouvernement prévoit d’autoriser toutes les communes à faire appel à des prestataires privés, dans le cadre d’un marché public, pour réaliser les opérations de recensement de la population. Cette possibilité existait à titre expérimental depuis la loi Pacte de 2019. Cette expérimentation, selon le gouvernement, ayant conduit à des résultats « incontestablement positifs », ayant permis « des gains de temps substantiels et un meilleur taux de collecte », le gouvernement souhaite généraliser cette pratique – sans la rendre, évidemment obligatoire.
Enfin, un amendement a été adopté, avec l’assentiment du gouvernement cette fois, pour pérenniser le passage à 100 000 euros HT du seuil permettant de passer un marché public de travaux sans publicité. Une telle possibilité existe déjà, mais de façon dérogatoire et seulement jusqu’au 31 décembre prochain. L’amendement rendrait cette disposition pérenne.
Maire info reviendra, dans une prochaine édition, sur les problématiques spécifiques posées par l’article 17 de ce texte et la façon dont le Sénat y a répondu.
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