Maire-info
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Édition du vendredi 7 juin 2024
Conseils municipaux

La modulation des indemnités des conseillers municipaux en fonction de leur assiduité désormais autorisée dans toutes les communes

C'est une décision importante que vient de prendre le Conseil constitutionnel, saisi par une commune du Nord : moduler les indemnités en fonction de l'assiduité dans les seules communes de plus de 50 000 habitants est contraire à la Constitution. Cette limitation est donc supprimée. 

Par Franck Lemarc

« Dans des conditions fixées par leur règlement intérieur, le montant des indemnités de fonction que le conseil municipal des communes de 50 000 habitants et plus alloue à ses membres peut être modulé en fonction de leur participation effective aux séances plénières et aux réunions des commissions dont ils sont membres. »  Cet article L2123-24-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) est issu de la loi Engagement et proximité de 2019. Il permet, si la commune délibère dans ce sens, de réduire jusqu’à 50 % le montant de l’indemnité d’un élu insuffisamment assidu aux réunions liées à son mandat. 

Rappel des faits

En 2020, la commune de La Madeleine, dans le Nord, a délibéré sur les indemnités de fonction des élus et ajouté une décision s’appuyant sur cet article du CGCT : les élus absents sans justification à plus de deux réunions par trimestre se verraient retirer 25 % de leur indemnité. 

Le problème est que la commune en question n’a qu’une vingtaine de milliers d’habitants, donc moins de 50 000, ce qui signifie que la loi ne l’autorise pas à prendre ce type de décision. C’est ce qu’a fait valoir un conseiller municipal devant le tribunal administratif, en demandant l’annulation de cette délibération. 

La commune a contre-attaqué en contestant cet article du CCGT, estimant qu’il constituait une rupture d’égalité entre les communes. Le tribunal administratif de Lille a transmis cette question au Conseil d’État, lequel a, à son tour, transmis la question au Conseil constitutionnel, sous forme de QPC (question prioritaire de constitutionnalité). Si le ministère de l’Intérieur, consulté par les magistrats, a estimé qu’il n’y avait aucun problème avec cet article, le Conseil d’État a, lui, jugé tout à fait sérieuse la question de savoir si cette différence de traitement entre communes de plus et de moins de 50 000 habitants était justifiée, en l’espèce. 

Pas de « différence de situation » 

Le Conseil constitutionnel avait trois mois pour répondre à cette QPC déposée le 5 mars. Il l’a fait hier. Notons que pour cette séance, Jacqueline Gourault, membre du Conseil constitutionnel, a demandé à ne pas siéger – dans la mesure où elle était ministre des Relations avec les collectivités territoriales au moment où cette loi a été portée. 

Les Sages ont rappelé, dans leur décision, que « la loi doit être la même pour tous », comme le veut l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ce principe d’égalité peut souffrir des exceptions, mais il faut que celles-ci soient justifiées ou par une réponse différente à des situations différentes, ou par des motifs d’intérêt général. En cas de différence de traitement, il est nécessaire que celle-ci soit « en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». 

Il y a bien une « différence de traitement », dans le cas qui nous occupe ici, entre les communes de plus et de moins de 50 000 habitants. L’objet de cet article est « d’assurer l’assiduité des conseillers municipaux aux réunions de l’organe délibérant », poursuivent les Sages. Or, « au regard de cet objet, il n’y a pas de différence de situation entre les communes de 50 000 habitants et plus et les autres communes, les conseillers municipaux étant tous soumis à la même obligation de participation aux réunions des organes et commissions dont ils sont membres. » 

Conclusion : cette différence de traitement, qui n’est « pas non plus justifiée par un motif d’intérêt général », est « contraire au principe d’égalité devant la loi ». Les dispositions contestées sont donc contraires à la Constitution. 

Abrogation immédiate

Lorsque le Conseil constitutionnel déclare un article de loi inconstitutionnel, il peut ou bien l’abroger immédiatement, ou bien décider de son abrogation à une date ultérieure, de façon motivée. Ici, les Sages ont jugé que « aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité ». Celle-ci prend donc effet dès la publication de la décision du Conseil.

L’article L2123-24-2 du CGCT est donc immédiatement modifié : à la première phrase, les mots « des communes de 50 000 habitants et plus »  sont désormais supprimés. Conséquence concrète : toutes les communes qui le souhaitent, quel que soit leur nombre d’habitant, peuvent désormais délibérer pour moduler, si elles le souhaitent, les indemnités des élus en fonction de leur assiduité. 

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