Indépendance de la Nouvelle-Calédonie : le « non » l'emporte moins largement qu'il y a deux ans
« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la souveraineté et devienne indépendante ? » Pour la deuxième fois en deux ans, les habitants de l’archipel, français depuis 1853, ont majoritairement répondu « non » (53,26 % contre 46,74 % pour le « oui » ) à cette question qui divise un nord indépendantiste et un sud loyaliste depuis des décennies. Une avance qui ne cesse de s’effriter avec les années. Le très haut niveau du taux de participation et l’appel du Parti travailliste, lancé en faveur du « oui » alors qu’il invitait les électeurs à s’abstenir en 2018, peuvent en partie l’expliquer.
Victoire du « non » mais la dynamique est du côté du « oui »
Moins de 10 000 voix (9 970 précisément) séparaient, en effet, hier les deux camps (81 503 contre 71 533) : c’est quasiment deux fois moins qu’il y a deux ans. Lors du référendum du 4 novembre 2018, qui portait sur le même enjeu, l’écart entre le « non » et le « oui » s’élevait à 17 787 voix (78 360 contre 60 573) mais, donnée significative, le taux de participation était moins important (80,63 % en 2018 contre 85,69 % cette année). La mobilisation a donc profité aux indépendantistes, qui ont gagné près de 11 000 voix en deux ans quand le camp loyaliste a, de son côté, convaincu à peine plus de 3 000 nouveaux électeurs. Ainsi, si le « non » s’est largement imposé à Nouméa, sur l’île de Grande Terre, avec 76,7 % des suffrages exprimés, son score est en baisse de près de trois points par rapport à 2018 (80,51 %). À l’inverse, à Koné, chef-lieu de la province nord, deux électeurs sur trois se sont prononcés en faveur du « oui » : c’est plus de deux points de plus qu’il y a deux ans (66,6 % contre 64,32 % en 2018).
« Un troisième référendum est possible »
Emmanuel Macron a réagi à ce résultat au cours d’une allocution télévisée retransmise hier. Après avoir salué une « participation exceptionnelle », faisant de ce référendum un « deuxième rendez-vous démocratique réussi », le chef de l’État a affirmé que « les Calédoniens ont confirmé leur souhait de maintenir la Nouvelle-Calédonie dans la France. C'est une marque de confiance dans la République ». Et aussitôt de nuancer : « J'accueille également ces résultats avec humilité parce que j'entends la voix de celles et ceux qu'anime la volonté de l'indépendance » . Pour le président de la République, « le moment est venu de répondre et de considérer tous les scénarios. L'État, sans se départir de son impartialité garantie par les Accords de Matignon, s'engagera dans cette voix. »
Signés le 26 juin 1988 par une délégation indépendantiste menée par Jean-Marie Tjibaou et une délégation anti-indépendantiste dirigée par le député Jacques Lafleur, sous l'égide du gouvernement français de Michel Rocard, ces accords prévoyaient, pour rappel, « la reprise de l'autorité administrative directe de l'État français sur le territoire pour une année », « la libération des prisonniers kanaks », la tenue d'un « référendum national à l'automne suivant portant sur les nouvelles institutions à mettre en place », « la création de trois provinces : Sud, Nord et îles Loyauté » et « l'organisation d'un scrutin d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie dans les dix ans ».
Ils ont mis un terme à une décennie d'affrontements entre les indépendantistes et les loyalistes, dont le paroxysme a été atteint sur l'île d'Ouvéa le 22 avril 1988, à deux jours du premier tour de l'élection présidentielle et des élections régionales en Nouvelle-Calédonie. L'attaque puis la prise d'otages menée dans la gendarmerie de Fayaoué par des indépendantistes kanaks avait fait quatre morts parmi les gendarmes. 27 autres ont été constitués prisonniers. L'opération Victor conduisant à leur libération, le 5 mai, s'était terminée en bain de sang.
Fin de l’accord de Nouméa en 2022
Dix ans plus tard, en 1998, l’accord de Nouméa, signé sous l'égide de l'ancien Premier ministre Lionel Jospin, prévoyait un transfert d'un certain nombre de compétences à la Nouvelle-Calédonie mais surtout l'organisation avant novembre 2018, d'un référendum sur l’accession à sa pleine souveraineté. Le texte indiquait alors qu'une deuxième consultation - voire une troisième - pourrait être organisée dans les deux ans qui viennent en cas de victoire du « non » au premier et deuxième référendum. « L’avenir, c’est la dernière étape des accords de Nouméa, a confirmé le chef de l’État. Un troisième référendum est possible. C’est à vos élus du Congrès de le décider. L’État, fidèle à sa parole, se tient prêt à l’organiser si c’était leur choix. » L'accord d'un tiers des membres du congrès de la Nouvelle-Calédonie est nécessaire pour réclamer la tenue de ce troisième référendum qui devra intervenir d’ici octobre 2022.
« On ne négocie pas de la même manière avec plus de 46% qu'avec 43%, observait hier, le chercheur Pierre-Christophe Pantz sur France info. Plus on se rapproche du point d'équilibre, plus ça oblige le camp victorieux à être à l'écoute du camp indépendantiste. » « On a tous dit 'oui' ce soir au dialogue, c'est la bonne nouvelle », s'est réjouie la loyaliste Sonia Backès. De son côté, le président du Congrès, Roch Wamytan de l'UC-FLNKS et Nationalistes a indiqué que, « nous sommes dans un déroulé qui remonte à une trentaine d'années et nous irons jusqu'au troisième référendum. Nous n'avons pas d'hésitation à le dire. »
Quoi qu’il se passe, l’accord de Nouméa prendra fin en 2022, a confirmé Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, ce matin sur France inter. « A terme, a conclu Emmanuel Macron, les dispositions transitoires inscrites dans la Constitution devront soit céder la place à des dispositions pérennes, si le choix du maintien dans la République est confirmé, soit être retirées, si la Nouvelle-Calédonie choisit l’indépendance. Il nous revient tous ensemble de préparer cet avenir ».
Ludovic Galtier
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