Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 7 octobre 2019
Transports

Gratuité des transports : d'abord un problème de « libre administration »

Après le Sénat, qui a consacré à cette question une mission parlementaire, c’est la Gart (Groupement des autorités responsables du transport) qui s’est penché sur la gratuité des transports, à l’occasion des Rencontres nationales du transport public qui se sont tenues la semaine dernière à Nantes. 
Car il ne fait guère de doute que cette question va s’inviter, davantage que les années précédentes, dans la campagne des élections municipales de mars prochain. Sans que l’on doive parler de lame de fond, on peut dire qu’un nombre croissant d’autorités organisatrices ont fait le choix de la gratuité – totale ou partielle – pour l’usager ces dernières années, avec, dans certains cas, un succès spectaculaire en termes de fréquentation, comme c’est le cas à Dunkerque. C’est également en ce moment que le Luxembourg se prépare à basculer dans la gratuité totale de son réseau de transports publics, trains compris – il sera le premier État à le faire à l’échelle d’un pays.
Le Gart a donc décidé « d’objectiver »  le débat, à travers une étude, dans le but non seulement d’analyser les différents types de gratuité (« de quoi parle-t-on ? » ) mais également leurs impacts. 

Quelle gratuité ?
Car il existe plusieurs types de gratuité – si l’on accepte déjà le terme même de « gratuité », ce qui pose problème dans la mesure où un service public a toujours un coût et n’est jamais gratuit. La question est donc de savoir qui supporte tout ou partie de ce coût entre l’usager, la collectivité et, dans ce domaine particulier, les employeurs, qui sont un des principaux financeurs du transport public urbain à travers le versement transport. 
Lorsque l’on parle de gratuité pour l’usager, plusieurs cas sont possibles, allant de la gratuité totale à la gratuité à certaines heures, ou sur certaines parties du réseau, voire pour certains usagers seulement (jeunes, personnes âgées, chômeurs…).

Un choix politique
Le Gart tient à réaffirmer dès le début de son étude qu’il n’a pas pour objectif de donner des instructions aux collectivités, mais uniquement de fournir des données objectives pour aider les élus à prendre une décision éclairée. Partageant, sur ce sujet, le point de vue défendu par l’AMF, le Gart rappelle que choisir ou non la gratuité sur son réseau est une question de « libre administration des collectivités locales »  et « un choix politique ». Il s’agit bien d’un « arbitrage entre les différentes dépenses publiques non contraintes », dépendant du contexte local, de la configuration de l’agglomération, du rendement du versement transport, etc. 
Sur les trente réseaux français qui pratiquent la gratuité, le Gart en a choisi sept (Aubagne, Bernay, Châteauroux, Dunkerque, Libourne, Neuves-Maisons et Niort), représentant chacun des strates démographiques et des caractéristiques géographiques différentes. 

Idées reçues
Parmi les « enseignements »  que tire le Gart de son enquête, il en est au moins un qui est « contraire à une idée reçue » : on entend souvent dire que la gratuité conduit à une augmentation des incivilités, voire des dégradations. Cette idée n’est « pas avérée »  par l’étude, écrit le Gart, au contraire : « Une régulation sociale plus forte s’instaure dans les véhicules en l’absence de contrôle »  et la gratuité amène « un fort sentiment d’attachement de la population vis-à-vis du réseau ». 
Le Gart relève que la gratuité a bien un impact immédiat sur la fréquentation. Il reste à savoir si cette augmentation de la fréquentation est durable et pérenne, ce qui ne peut s’envisager « sans une politique d’offre volontariste ». Mais au-delà de la hausse de la fréquentation, il n’existe, selon le Gart, aucun élément objectif « permettant de démontrer que la gratuité apporte des réponses à des problématiques sociales telles que l’isolement de certaines catégories de population, ou encore, l’insuffisance de mixité sociale ». Pas plus qu’il n’est réellement possible de démontrer que la gratuité prend, ou non, des parts modales à la voiture particulière. Rappelons que l’un des arguments des adversaires de la gratuité est que celle-ci aspirerait vers les transports collectifs davantage les piétons et les cyclistes que les automobilistes – et serait donc contre-productive. Rien ne permet actuellement d’infirmer ou confirmer cette idée, selon le Gart, qui espère que « l’observatoire de la gratuité »  que le Sénat souhaite mettre en place apportera des données objectives. 
L’association conclut également de son enquête que la gratuité totale, si elle paraît pertinente sur certains réseaux, ne peut s’envisager sur « les réseaux de grande taille », et en particulier ceux qui utilisent des modes lourds (métro et tramway). Dans ce cas, estime le Gart, « les enjeux financiers sont tels qu’il ne serait pas envisageable pour ces réseaux de se priver de recettes tarifaires importantes sans lesquelles leur capacité d’investissement serait drastiquement réduite ». 
Enfin, le Gart pose d’intéressantes questions sur le financement de cette gratuité, qui ne peut, en dernière analyse, qu’être appuyé sur une augmentation du versement transport ou une hausse des impôts locaux. Le premier étant particulièrement combattu par les organisations patronales et les seconds souvent impopulaires dans la population… l’équation ne semble pas facile à résoudre.

Franck Lemarc

Télécharger l’étude du Gart.


 

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