Emmanuel Macron plaide pour une « nouvelle organisation politique »
Par Franck Lemarc
« Le mandat que vous m’avez démocratiquement confié est un mandat de cinq ans, et je l’exercerai pleinement jusqu’à son terme. » Lors de son allocution d’une dizaine de minutes, hier, Emmanuel Macron a clairement écarté toute possibilité de démission, alors que plusieurs partis politiques (LFI et le RN) ainsi qu’un certain nombre de ténors de la droite appellent à une présidentielle anticipée. Le chef de l’État espère à présent la mise en place d’un gouvernement de coalition, comme il l’avait, du reste, déjà souhaité après la dissolution.
Une censure « anti-républicaine »
Le président de la République a commencé son allocution en justifiant la dissolution de l’Assemblée nationale, décision qui n’a « pas été comprise », a-t-il reconnu, mais qui n’en était pas moins « nécessaire ». Au sortir des élections législatives, une situation « inédite » est apparue, avec une Assemblée nationale où « aucun parti (…) ne peut prétendre avoir seul la majorité ». Dans ce cadre, Emmanuel Macron s’est justifié d’avoir fini par choisir Michel Barnier, le seul Premier ministre « susceptible de rassembler la majorité la plus large à l’Assemblée et au Sénat, de la droite républicaine au centre ».
Emmanuel Macron a eu des mots très durs contre le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national qui ont censuré, mercredi soir, le gouvernement Barnier, les accusant d’avoir constitué « un front anti-républicain ». Si l’on comprend le bon mot en référence au « front républicain » des récentes élections, on peut s’étonner en revanche de voir qualifiée « d’anti-républicaine » la censure d’un gouvernement. Celle-ci est en effet – tout comme l’usage du 49-3 – en tout point conforme à la Constitution de la Ve République.
Emmanuel Macron a fustigé « l’extrême droite et l’extrême gauche » unis « pour créer le désordre ». Et pointé « le reste du Nouveau Front populaire » – « des forces qui hier encore gouvernaient la France » – qui a choisi de « les aider ».
Le comportement de LFI et du RN est, selon le chef de l’État, uniquement guidé par leur obsession de l’élection présidentielle, qu’ils veulent « préparer, provoquer, précipiter ». Mais le chef de l’État a rappelé, à juste titre, qu’une élection présidentielle ne résoudrait pas le problème de l’instabilité politique puisque l’Assemblée nationale ne peut être dissoute avant « dix mois » - c’est-à-dire septembre prochain. Comme l’écrivait en effet Maire info dans son édition du 3 décembre, ce n’est pas cet été que de nouvelles législatives pourraient être organisées, mais à la rentrée : le délai constitutionnel pour dissoudre à nouveau débutera au 7 juillet prochain (un an après le second tour des élections législatives), et il est idifficilement envisageable d’organiser un scrutin entre fin juillet et début août.
De toute façon, le chef de l’État a balayé toute idée de démission, et affirmé qu’il entendait poursuivre son mandat jusqu’en 2027. Si cette affirmation doit être prise avec précaution – le même Emmanuel Macron avait exclu toute idée de dissolution encore quelques semaines avant celle-ci, au printemps dernier –, il est néanmoins évident qu’une présidentielle anticipée n’est pas à l’ordre du jour immédiat.
« Arc de gouvernement »
Emmanuel Macron va donc nommer un nouveau Premier ministre « dans les prochains jours » : il ne se passera pas deux mois, comme l’été dernier, avant que le pays ait un gouvernement. Ce Premier ministre sera chargé de composer « un gouvernement d’intérêt général représentant toutes les forces politiques d’un arc de gouvernement » , qui à tout le moins « s’engagent à ne pas le censurer ».
Il s’agit naturellement, dans l’esprit du chef de l’État, de tenter de casser la coalition du Nouveau Front populaire et de tenter d’isoler La France insoumise : « l’arc de gouvernement », aussi appelé « arc républicain » sous l’ère Borne- Attal, désigne tous les partis hors LFI et RN. Il s’agirait donc de former un gouvernement allant des Républicains jusqu’au Parti communiste, incluant le centre macroniste, les socialistes et les écologistes. Emmanuel Macron, en faisant cette proposition, répond à la main tendue par le Parti socialiste, mercredi, y compris avec la formule sur « l’engagement à ne pas censurer » : Boris Vallaud, président du groupe socialiste, lors de son discours au moment du vote de la motion de censure, avait très exactement fait cette proposition, marquant une rupture de la position du PS par rapport aux mois précédents, où le parti défendait la seule perspective d’un gouvernement NFP dirigé par Lucie Castets.
Les jours à venir vont donc apporter la réponse aux nombreuses questions qui se posent encore : quelle personnalité sera capable, à Matignon, de réaliser une alliance allant des Républicains au PCF ? Les partis de gauche, hors LFI, vont-ils accepter le « deal » et prendre la responsabilité de risquer de faire exploser le NFP ? Et surtout, est-il possible d’imaginer un tel gouvernement d’union entre des partis qui ne sont d’accord à peu près sur rien, comme l’a montré le récent débat budgétaire ?
Priorité au budget
Sur le budget, justement, Emmanuel Macron s’est voulu plutôt rassurant, loin des discours catastrophistes de ses lieutenants à la veille de la censure : la fameuse « loi spéciale » sera déposée « avant la mi-décembre » (le délai légal est le 19 décembre), et elle « appliquera pour 2025 les choix de 2024 ». Autrement dit, cette loi spéciale, comme l’exige la loi organique relative aux lois de finances, va simplement reconduire à l’identique les crédits ouverts dans la loi de finances pour 2024. Au passage, le chef de l’État a répondu à la question que beaucoup se posent depuis quelques jours : la loi spéciale peut-elle intégrer des éléments modificatifs au budget de 2024, par exemple pour modifier les barèmes de l’impôt sur le revenu, afin d’éviter que des millions de foyers voient leurs impôts augmenter. La réponse est bien non : Emmanuel Macron a en effet expliqué qu’il faudra « un nouveau budget » pour « protéger les Français contre des hausses d’impôts mécaniques ». Ce budget devra être adopté « en tout début d’année », a précisé le chef de l’État. Cela dit, même si pour une raison ou une autre ce ne pouvait être le cas, rien n’empêcherait le Parlement de voter, en début d’année, une loi de finances rectificatives pour modifier les barèmes de l’impôt sur le revenu.
Emmanuel Macron a conclu son allocution en évoquant les « trente mois » qui restent avant la prochaine élection présidentielle, qui doivent pour lui être « trente mois d’actions utiles pour le pays », « pour faire de la France un pays plus fort et plus juste ». Il a brièvement décrit ses orientations, qui semblent plus un appel du pied au côté droit de l’Assemblée nationale qu’au NFP : « Je ne crois pas pour ma part que l’avenir de la France puisse se faire avec plus d’impôts, plus des normes, ou avec quelque laxisme face au narcotrafic ou dans la multiplication des divisions. » Emmanuel Macron a également dit sa volonté de ne pas « abandonner notre ambition climatique ».
Dès aujourd’hui, les consultations vont débuter en vue de la nomination du Premier ministre : le chef de l’État devrait recevoir, à partir de ce matin, les responsables des principales forces politiques, hors RN et LFI.
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