Décrets d'attribution : l'architecture du gouvernement enfin précisée
Par Franck Lemarc
À chaque changement de gouvernement, c’est un moment attendu : au-delà de la nomination des ministres eux-mêmes et de l’intitulé de leur portefeuille, c’est la parution des décrets d’attribution qui permet de connaître le périmètre exact de chaque ministère et ses priorités. Au Journal officiel de ce matin https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/jo/2024/10/11/0242, une vingtaine de ces décrets est parue, correspondant aux attributions des ministres de plein exercice.
« Partenariat avec les territoires »
On en sait donc un peu plus ce matin sur les priorités qui seront celles de Catherine Vautrin, nouvelle ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, qui, rappelons-le, a sous sa tutelle trois ministres délégués ou secrétaires d’État (Françoise Gatel à la Ruralité, au Commerce et à l’Artisanat, François Durovray aux Transports et Fabrice Loher à la Mer et à la Pêche, tous trois anciens ou actuels élus locaux). Le décret d’attribution de Catherine Vautrin est le plus long et le plus touffu de la liste, ce qui donne la mesure de l’ampleur de ses missions.
La rédaction du décret met un accent particulier sur la ruralité : la ministre devra veiller « à ce que chacun des territoires dispose des moyens de surmonter ses fragilités et de développer son potentiel en fonction de ses spécificités et à l'accompagnement des territoires dans leur développement et à la réduction des inégalités territoriales ; elle est, à ce titre, responsable de la politique de lutte contre les inégalités entre les territoires, notamment au profit des territoires ruraux ». C’est Catherine Vautrin qui sera donc chargée de « préparer et mettre en œuvre la politique du gouvernement à l’égard des collectivités territoriales », d’animer le « dialogue » avec elles et de préparer « les orientations du gouvernement concernant les finances locales ». Elle co-participera, avec le ministre de la Fonction publique, à l’élaboration des orientations du gouvernement concernant la fonction publique territoriale. Elle sera également « associée », par le ministère de l’Intérieur, à « l'élaboration de la législation électorale concernant les collectivités territoriales ».
Changement notable par rapport au précédent gouvernement : la couverture numérique du territoire ne sera plus gérée par un ministre chargé du Numérique, comme c’était le cas avant, mais dans celui de Catherine Vautrin. En effet Clara Chappaz, secrétaire d’État chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, est placée auprès du ministre de l’Enseignement supérieur, ce qui laissait penser qu’elle ne s’occuperait pas de la couverture numérique du territoire. C’est bien le cas : il entre dans les attributions de Catherine Vautrin de « piloter le déploiement des infrastructures numériques (…) et (de mettre) en œuvre la politique d'inclusion numérique visant à garantir l'accès et l'appropriation, par l'ensemble de la population et dans tous les territoires, des usages et services numériques ». La ministre s’occupera donc également de la lutte contre l’illectronisme.
Il est à noter aussi que le ZAN fait son entrée dans le décret d’attribution : la ministre devra « définir les règles en matière de lutte contre l’artificialisation des sols ».
Le décret liste enfin les attributions de la ministre en matière de transports, de mer et de pêche, sans nouveauté notable. Notons que comme c’est le cas depuis plusieurs années, la Direction générale des collectivités locales (DGCL) reste sous la tutelle de Catherine Vautrin, et non plus sous celle du ministère de l’Intérieur comme cela a été le cas pendant des décennies.
Intérieur
Le décret d’attribution du ministre de l’Intérieur met l’accent dès le début, lui, sur l’immigration. Bruno Retailleau aura pour tâche de « préparer et mettre en œuvre la politique du gouvernement en matière d'entrée, de séjour et d'exercice d'une activité professionnelle en France des ressortissants étrangers, de lutte contre l'immigration illégale et la fraude documentaire intéressant les ressortissants étrangers, d'asile et d'accueil et d'accompagnement des populations immigrées ».
Comme une volonté de rassurer ceux qui craignaient, du fait des idées très conservatrices en la matière de Bruno Retailleau, des reculs sur certaines question sociétales, le décret précise en toutes lettres que le ministre est garant de la lutte « contre les discriminations en raison des orientations sexuelles et des identités de genre, ainsi qu'à l'égard des personnes intersexuées ».
Transition écologique
Ministre de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, Agnès Pannier-Runacher, contrairement à Christophe Béchu qui avait dans son portefeuille les collectivités territoriales, pourra se concentrer strictement sur les questions liées à l’écologie. Certaines de ses attributions touchent directement aux collectivités néanmoins, puisqu’elle est chargée d’élaborer la politique de l’eau, la protection de la biodiversité, l’économie circulaire (et donc la gestion des déchets), la lutte contre le gaspillage alimentaire, la qualité de l’air, l’aménagement du littoral, les énergies renouvelables… À noter que la ministre est également chargée de la prévention des risques – c’est la première fois que cette question est mentionnée dans l’intitulé même du ministère.
Logement et rénovation urbaine
La question a heurté les associations : la politique de la ville n’apparaît pas dans l’intitulé du ministère confié à Valérie Létard. Elle apparaît bien, en revanche, dans les attributions de celle-ci, puisqu’elle sera chargée « du logement, de la construction, de l'urbanisme, de l'aménagement foncier, de l'hébergement d'urgence, de la politique de la ville et de la rénovation urbaine ». Notons que Valérie Létard aura elle aussi un rôle à jouer en matière de mise en œuvre du ZAN, puisqu’il lui revient d’« élaborer et mettre en œuvre les règles relatives à la planification urbaine, à l'urbanisme opérationnel, à l'occupation du sol ainsi qu'à la lutte contre l'étalement urbain et au renouvellement urbain ».
Au-delà, les attributions de la nouvelle ministre sont classiques : construction, rénovation, réhabilitation des logements, lutte contre l’habitat indigne, efficacité énergétique, règles sur le logement social et les « relations locatives » …
La santé, un décret bien vague
Il n’y a rien de particulièrement notable dans les décrets d’attribution des autres ministres, assez classiques. On peut simplement être surpris de la brièveté et du peu de précision de celui qui décrit les attributions de Geneviève Darrieusecq, ministre de la Santé et de l’Accès aux soins. Très généraliste, ce décret ne contient pas le mot « désertification médicale » et ne dit rien de la grave crise qui touche l’hôpital en général et les services d’urgence en particulier. Quand d’autres décrets d’attribution se montrent très précis sur les priorités du ou de la ministre, celui-ci ne contient qu’une description assez vague de missions générales. Il reste à espérer que ce ne soit pas le signe que cette question sera mise au second plan.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Collectivités : ce que contient le projet de budget pour 2025
Le Sénat rejette une proposition de loi sur la diminution du nombre de conseillers municipaux
Couvre-feu et interdiction de manifester en Martinique après les violences