Couvre-feu et interdiction de manifester en Martinique après les violences
Par AFP et F.L.
Depuis septembre, l’île antillaise est marquée par un mouvement contre la vie chère, thématique récurrente dans les Outre-mer, qui a dégénéré en violences urbaines. Jeudi après-midi, plus d’une cinquantaine de personnes ont envahi la piste de l’aéroport de Fort-de-France dans la commune du Lamentin (centre), a indiqué une source policière à l’AFP.
« Des rumeurs ont circulé sur les réseaux sociaux cet après-midi, selon lesquelles 300 ou 350 CRS devaient arriver en Martinique par avion. Cette information totalement fausse est à l’origine de regroupements et de l’envahissement de la piste de l’aéroport », a déploré la préfecture de Martinique sur le réseau social X.
En fin de journée, trois vols avec « à leurs bords 1 117 passagers » ont été déroutés vers la Guadeloupe à la suite de la fermeture de l’aéroport, selon la préfecture de Guadeloupe.
La situation s’était calmée ces dernières semaines mais des incidents ont éclaté lundi entre les CRS et des militants qui menaient une action de blocage au Lamentin. Depuis, des violences urbaines sont à nouveau recensées chaque nuit. Conséquence, le préfet de l’île, Jean-Christophe Bouvier, a signé jeudi deux arrêtés concernant « l’ensemble du territoire de la Martinique ».
Le premier instaure un couvre-feu de 21 h à 5 h, le second a interdit les rassemblements et les manifestations à partir de 18 h jeudi. Les deux arrêtés courent jusqu’à lundi.
Plan blanc
Les établissements scolaires resteront par ailleurs fermés pour le deuxième jour consécutif vendredi, a indiqué le rectorat de Martinique. Le CHU de la Martinique a annoncé jeudi le déclenchement d’un plan blanc au cours duquel des « déprogrammations d’actes opératoires ou de consultations sont organisées ».
« Toutefois, une attention particulière est portée s’agissant des interventions urgentes ou liées à la cancérologie », a ajouté le CHU dans son communiqué, précisant que « les rendez-vous annulés feront l’objet d’une reprogrammation dans les meilleurs délais ». En outre, les pharmacies de l’île ont déclaré le même jour « ne plus être en mesure d’assurer le service d’urgence ».
Douze gendarmes ont été blessés dans la nuit de mercredi à jeudi « dont un par balle », a indiqué à l’AFP une source préfectorale. Une source policière fait elle état de 14 policiers de la CRS 8 légèrement blessés et de six interpellations. Pas moins de 400 véhicules ont été brûlés, selon la même source, un immense parking abritant des voitures neuves importées en Martinique étant notamment parti en fumée.
Une sixième table ronde contre la vie chère est prévue vendredi à 15 h avec les différents acteurs. Les cinq précédentes, réunissant le RPPRAC (Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens), mouvement en pointe de la mobilisation, et les acteurs économiques, élus, services de l’État et la Collectivité territoriale de Martinique (CTM) n’ont pas donné de résultat jugé satisfaisant par les protestataires.
« Île morte »
Mercredi, le principal point de tension avait été la commune du Carbet (nord), où quatre gendarmes ont été légèrement blessés alors qu’ils effectuaient une opération de levée de barrage.
Les protestataires avaient installé ce barrage dans le cadre d’une opération « île morte » lancée par plusieurs organisations militantes et syndicales, dénonçant notamment « les violences exercées par (les policiers de la) CRS 8 » lundi contre des militants anti-vie chère bloquant un important axe routier du Lamentin.
Le mouvement contre la vie chère a été lancé début septembre par le RPPRAC, qui exige un alignement sur l’Hexagone des prix des produits alimentaires, affichés 40% plus chers en Martinique.
L’AMF appelle au calme
Dans un communiqué publié ce matin, l’AMF et l’Association des maires de Martinique (AMM) appellent conjointement « au calme et à la retenue », « face à l’escalade des violences urbaines dans plusieurs communes de l’île ».
L’AMF et l’AMM rappellent « leur soutien indéfectible aux élus locaux et aux habitants de Martinique qui traversent une période difficile. Elles appellent à la poursuite du dialogue État, collectivités, distributeurs et population de manière constructive pour répondre aux revendications légitimes des citoyens sur les prix des produits alimentaires qui doivent être entendues et traitées dans un cadre de respect mutuel.
Les deux associations se refusent à tout « amalgame » entre le mouvement contre la vie chère, d’une part, et les « violences et dégradations », d’autre part. Elles saluent la décision d’instauration du couvre-feu et appellent à la poursuite du travail engagé « avec l’ensemble des associations d’élus d’outre-mer sur la formation des prix à la Martinique et plus généralement en outre-mer ».
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