Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 12 juillet 2024
Fonction publique territoriale

Des pistes pour améliorer l'égalité professionnelle femmes-hommes dans la fonction publique territoriale

Une étude de l'Observatoire MNT pointe la persistance de discriminations liées au genre des agents au sein de la territoriale et recense les chantiers RH qu'il convient de lancer pour faire reculer les inégalités.

Par Emmanuelle Quémard

Malgré un taux de féminisation particulièrement élevé – puisque 80 % de ses emplois sont occupés par des femmes –, la fonction publique territoriale (FPT) demeure impactée par la persistance de certaines discriminations liées au genre des agents. Pourtant, les collectivités disposent de nombreux leviers pour progresser dans le domaine de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. C’est ce que démontre le 31e Cahier managérial que vient de publier l’Observatoire de la Mutuelle nationale des territoriaux (MNT). Réalisée en partenariat avec l’Institut national des études territoriales (Inet) et l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF), cette étude s’appuie sur une série d’entretiens conduits entre novembre 2023 et février 2024 avec 36 acteurs de la territoriale (élus, DG, DGA, DRH, formateurs, chargés de mission sur l’égalité professionnelle, syndicalistes…) et 6 experts spécialisés dans les pratiques sociales. 

Le premier constat posé par les auteurs de l’étude porte sur les opportunités qui s’offrent aujourd’hui aux employeurs publics locaux pour faire reculer les discriminations professionnelles au sein de leurs organisations, notamment celles qui reposent sur les traitements différenciés entre les personnels féminins et masculins. 

Évoquant l’égalité professionnelle comme l’un des axes d'action essentiels de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT), l’Observatoire MNT souligne, en effet, que l’égalité femmes-hommes représente une évolution sociétale incontournable « dans laquelle les collectivités ont un rôle majeur à jouer en tant qu’employeurs d’une part et à travers les politiques publiques qu’elles impulsent d’autre part ».

Des clivages sur l’absentéisme, les rémunérations, la précarité et les responsabilités

L’étude pointe en particulier le maintien au sein du monde territorial de conditions de travail différenciées selon le genre, « y compris dans des métiers considérés mixtes ».

 « Les statistiques de l’absentéisme, et en particulier des accidents de travail et des maladies professionnelles, reflètent des données très genrées », indique l’Observatoire en relevant que « les hommes sont davantage concernés par les accidents de travail au regard de leur poids dans l’effectif total et les femmes davantage concernées par les maladies professionnelles ». Il apparait notamment que les agentes de la FPT se trouvent surexposées à de nombreux types de risques psychosociaux (manque de soutien, conflits de valeurs, manque d’autonomie, exigences émotionnelles, instabilité de leur poste) alors que les hommes de la territoriale sont davantage concernés par les risques physiques (bruit, charges lourdes, postures, produits dangereux…).

Autres clivages marquants mis en exergue par l’étude : les rémunérations et la précarité de emplois territoriaux. Le document de la MNT montre que les filières les plus féminisées au sein des collectivités (filière sociale à 96 %, filière médico-sociale à 95 % et filière administrative à 82 %) sont également celles où les rémunérations sont les plus faibles et celles où se trouvent les situations d’emploi les plus précaires. D’ailleurs, les auteurs de l’étude soulignent le fait que 67 % des agents non titulaires de la territoriale sont des femmes. En outre, concernant les rémunérations, ces derniers citent une statistique publiée par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) selon laquelle en 2021, les agentes de la FPT ont perçu en moyenne 1 967 euros net mensuels contre 2 145 euros pour les hommes. « À profil identique (grade, temps partiel, statut, type d’employeur et âge), les femmes perçoivent en moyenne un salaire inférieur de 4,8 % à celui des hommes. Et les écarts de rémunération s’amplifient avec l’âge et la catégorie », précise l’Observatoire MNT.

Il apparait, en effet, que la sous-représentation des femmes reste très marquée dans les sphères hiérarchiques les plus élevées des entités territoriales. Selon l’étude, la part des femmes parmi les dix plus hautes rémunérations des collectivités de plus de 80 000 habitants ne dépassait pas 39 % en 2022. « Alors que l’on retrouve 67 % de femmes au sein de la catégorie A, elles ne sont plus que 43 % en catégorie A+ et 24 % aux fonctions de DGS des collectivités de plus de 40 000 habitants », constatent les auteurs de l’étude. 

Egalité femmes-hommes, un levier pour l’attractivité de la FPT

Face à de telles distorsions dans les carrières et les parcours professionnels, les auteurs de l’étude militent pour un engagement plus fort en faveur de l’égalité femmes-hommes à tous les niveaux des organisations territoriales. À leurs yeux, il s’agit autant d’une question de principe que d’un moyen efficace pour les employeurs territoriaux de répondre aux problématiques de fidélisation des équipes et d’attractivité. « Investir une réelle démarche d’égalité professionnelle favorable à la QVCT apparaît comme un élément clé pour la marque employeur, affirment-ils. Si l’égalité n’en est pas l’unique composante, des engagements en faveur de la parité et de la diversité sont à même de séduire les candidats, notamment les profils de cadres ».

Pour atteindre cet objectif, l’Observatoire MNT invite les collectivités à activer trois leviers managériaux : la mise en place d’une transversalité organisationnelle, l’adoption d’indicateurs d’analyse interne approfondie et enfin l’exploitation de l’ensemble des marges de manœuvre réglementaires, RH et managériales mises à la disposition des décideurs territoriaux. Il s’agit en particulier d’instiller plus d’égalité dans les organisations de travail, notamment en misant sur le recrutement pour favoriser l’accès des femmes aux postes à responsabilités. Autre piste de progrès envisagée : la mise en place par les porteurs des politiques RH d’une nouvelle gestion des carrières reposant sur la formation, l’accompagnement des femmes vers les postes à responsabilités ou encore la révision des référentiels de compétences… 

Dans le détail, l’Observatoire MNT formule plusieurs recommandations à l’intention des décideurs territoriaux. Il s’agit par exemple de les inviter à construire un portage politique et administratif reliant les enjeux de QVCT à la prise en compte de l’égalité femmes-hommes, de créer un environnement de travail plus sécurisant et attractif pour tous ou encore de s’assurer d’un recrutement plus égalitaire. Les autres préconisations portent sur la garantie d’un exercice serein des fonctions, sur l’engagement à favoriser une progression de carrière pour toutes et tous ainsi que sur l’accompagnement des agents lors de tous les évènements de la vie.

Accéder à l’étude

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