Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 4 mai 2021
Finances locales

Crise sanitaire : plus d'un tiers des communes envisagent d'augmenter leur taxe foncière dès 2021

Afin de faire face à un nouvel effet de ciseaux en 2021, une part importante des collectivités du bloc communal envisage d'actionner le levier fiscal. Malgré l'impact de la crise sanitaire, elles prévoient toutefois de maintenir leurs investissements en 2021.

Par A.W.

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« L’idée que ça n’irait pas si mal ne correspond pas à la réalité vécue dans les territoires. »  Avec un impact de 6 milliards d’euros sur trois ans sur les finances publiques locales, la crise sanitaire n’aurait pas été si indolore que ça pour les communes et EPCI. Elle les aurait même « fortement affectés », et bien plus que ne le laissent entrevoir le gouvernement et la mission du député du Gers Jean-René Cazeneuve (LaREM) qui s’est attelée à la question. 
C’est en tout cas le message qu’ont voulu faire passer, hier, les représentants de l’AMF lors de la présentation d’une enquête de l’association - menée avec La Banque des territoires - sur les conséquences de l’épidémie de covid-19 sur les finances du bloc communal.

Taxe foncière : des hausses de 2 à 3 % en moyenne

Pour faire face aux pertes de recettes et maintenir les investissements, 36% des communes envisagent ainsi d’augmenter leur fiscalité en 2021 alors qu’elles n’étaient que 7% l’an passé. Des hausses qui se répercuteraient « essentiellement sur le foncier bâti, l’une des dernières ressources fiscales d'importance sur laquelle les collectivités gardent une marge de manœuvre », rappellent les auteurs de cette enquête réalisée auprès de 1 869 communes et EPCI représentant près de 20% de la population française. Du côté des EPCI, 55 % d'entre eux n'envisagent aucune hausse, 38 % n'ont pas décidé et 8 % prévoient une augmentation de leur fiscalité.
Selon Philippe Laurent, « la plupart des augmentations seront certainement limitées à 2 ou 3 % en moyenne ». Devant « l’absence de prévisibilité »  liée aux différentes réformes fiscales et à la crise, « beaucoup de collègues sont inquiets », a souligné le maire de Wittenheim et co-président de la commission Finances de l'AMF, Antoine Homé, pour qui ces augmentations sont parfois des « mesures de précaution » : « Les élus se disent : “S’il advenait que, comme pour la taxe d'habitation, il y ait des propositions qui soient faites prochainement, et bien là, au moins, mon produit fiscal serait basé sur l’année précédente” ».
Outre la fiscalité, la politique tarifaire pourrait être impactée car, là aussi, la tendance est au relèvement. Si 80% des EPCI et 90 % des communes avaient choisi de ne pas augmenter les tarifs de leurs services en 2020, cette proportion tombe respectivement à 50 % et 57 % pour cette année, selon l’enquête. Reste qu’une « forte incertitude demeure sur les variations de tarifs en 2021 », un tiers des répondants indiquant ne pas avoir encore décidé de leur politique tarifaire quand 7 % des intercommunalités et 8% des communes envisagent une augmentation de leurs tarifs. Une logique similaire devrait s’appliquer aux abattements et dégrèvements.

L’effet de ciseaux « pourrait se poursuivre en 2021 et en 2022 » 

Cette situation s’expliquerait par la crainte de voir se reproduire, après 2020, « un nouvel effet de ciseaux »  qui « pourrait se poursuivre en 2021 et en 2022 », mais également par les conséquences de la réforme de la taxe d’habitation.
En cause particulièrement, les pertes de recettes tarifaires subies par les communes lors du premier confinement et engendrées par la fermeture des établissements publics culturels (musées, châteaux, salles de spectacle, cinémas), touristiques (campings...), sportifs, scolaires et périscolaires. 
Résultat, ces recettes pourraient « chuter de près d’un tiers pour la moitié des collectivités du bloc communal »  et la perte s’élèverait à « plus de 2 milliards d’euros ». « Si une partie de ces recettes a été compensée, avec les transports, une autre partie liée à l’école, la jeunesse et la petite enfance n’a pas été du tout compensée », a regretté le maire de Sceaux qui estime que « c’est ce qui explique en grande partie la baisse de l’autofinancement pour les communes ».
« On a dû mal à comprendre que cette question n’ait jamais été prise en compte par le gouvernement. C’est à croire qu’ils [les membres du gouvernement] ne savent pas comment fonctionne une commune! Ils ne savent pas qu’une commune est un producteur de services qui tarife une partie des coûts et des prestations », a fustigé Philippe Laurent.

Maintien de la plupart des prévisions d’investissement

Malgré ces pertes de recettes, « la majorité des collectivités interrogées font part de leur volonté de poursuivre leur soutien à la reprise et de maintenir leurs prévisions d’investissement », souligne l'étude de l'AMF, et ce, après une baisse « inédite »  des investissements de 15,6 % l’an passé. « Une première année de mandat enregistre habituellement une baisse moitié moindre que celle de 2020 », a souligné le maire de Wittenheim qui a rappelé que « la crise sanitaire a retardé les élections »  et par là même « les programmes d’investissements ». 
Cependant, la « plupart »  des communes et des intercommunalités ont ainsi annoncé leur intention de maintenir les projets initialement prévus en 2020 en décalant leur réalisation en 2021. Même chose pour ce qui est des dépenses d’investissement prévues en 2021 puisque plus des trois quarts des communes comptent laisser « inchangées » leurs prévisions d'investissement (hors projets décalés) en 2021, la proportion qui estime devoir les baisser restant largement minoritaire. Du côté des EPCI, près de quatre sur cinq intercommunalités déclarent vouloir les maintenir (67 %) ou les augmenter (11 %).

Le retour des contrats de Cahors? « une inanité » 

Les représentants de l’AMF ont également profité de l’occasion pour fustiger à nouveau les contrats de Cahors, alors que le ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt, a récemment laissé entendre que leur retour - « aménagés et élargis »  - était envisageable.
Devant « l’inanité de ce type de normes »  qui pourrait impacter la relance, Philippe Laurent a rappelé que l’AMF est « opposée à toute démarche qui consisterait à tirer un trait sur un maximum de dépenses sans tenir compte de ce qu’il y a dans cette dépense ». « Certaines d’entre elles sont génératrices de recettes », a-t-il expliqué : « Aller plafonner les dépenses des collectivités locales, c’est une absurdité totale, c’est considérer qu’on gère de l’argent de poche, en réalité, ce n’est pas du tout comme ça que ça se passe ». 
« Nous ne pouvons que rejeter toute idée de retour à ces fameux contrats de Cahors. Nous n’en voulons pas, c’est clair! Ce sont des méthodes qui sont nuisibles pour le pays et qui montrent malheureusement l’appauvrissement intellectuel de l’Etat », a lancé le maire de Sceaux, précisant toutefois être favorable à « des contractualisation mais à condition qu’elles se fassent sur la base à la fois des définitions et des modalités de mise en œuvre des politiques publiques… » 

Télécharger l’enquête.
 

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