Finances locales : une situation encore maîtrisée mais des inquiétudes pour l'avenir, selon La Banque postale
Par Franck Lemarc
Alors que l’on pouvait craindre une sérieuse dégradation des finances locales en 2025, celles-ci se maintiennent, pour l’instant, dans le vert. Mais La Banque postale pose la question de fond : « l’effacement progressif des conditions financières de la libre administration ». Ce temps n’est « pas venu », notent les auteurs de la Note, mais il est devant nous, du fait de la « réduction comme peau de chagrin de la capacité des acteurs à utiliser les impôts de la décentralisation comme un moyen de financement de l’action publique, leur fiscalité devenant de moins en moins localisée ». En clair : la tendance constante de l’État, depuis une quinzaine d’années, de priver les élus locaux de tout levier fiscal, en remplaçant progressivement les impôts locaux par des dotations ou des compensations sous forme de fraction de TVA.
En 2025, pourtant, la Banque postale estime que la situation ne semble pas aussi dégradée que ce qui aurait pu être anticipé – en partie pour des raisons conjoncturelles.. Côté départements, les droits de mutation sont repartis à la hausse. Le ralentissement très net de l’inflation a également donné un peu d’oxygène aux collectivités. Mais ce ralentissement n’est pas qu’une bonne nouvelle : allié à un certain « attentisme » des consommateurs, il va diminuer les recettes de TVA dont une part revient, indirectement, aux collectivités.
Dette stable, progression mesurée des dépenses
Rappelons que ces chiffres, publiés en septembre pour l’année en cours, sont une estimation, puisqu’il reste encore trois mois dans l’année. En général, cependant, les estimations de septembre de LBP sont assez proches de la réalité constatée en fin d’année.
Premier indicateur à noter : la remarquable stabilité de la dette des collectivités. À rebours des leçons de morale de l’État – dont l’endettement croît, lui, de façon exponentielle, la part de la dette des collectivités rapportée au PIB reste remarquablement étale au fil des années. Cela ne signifie pas que la dette des collectivités n’augmente pas : elle augmente, certes, mais globalement au même rythme que le PIB. Autrement dit, même en passant de 160 milliards d’euros en 2010 à presque 220 milliards aujourd’hui, la dette des collectivités se maintient invariablement autour de 8 % du PIB.
Tous niveaux de collectivités confondus, les grandes tendances sont les suivantes : les recettes de fonctionnement continuent de progresser, mais à un rythme moins soutenu que l’an dernier (+ 2,2 % contre 2,6 %). Quant aux dépenses de fonctionnement, leur croissance ralentit nettement (+ 2,5 % contre +3,7 % l’an dernier) – l’augmentation de l’année dernière étant notamment portée par une forte hausse des intérêts de la dette, de presque 13 %, nettement moins forte cette année.
Alors que l’épargne brute et l’épargne nette avaient connu une forte baisse l’année dernière (- 3,4 % et - 7,1 %), elles croissent très légèrement cette année (de 0,9 et 0,5 %).
Les dépenses d’investissement (toujours tous niveaux confondus) ralentissent : après une hausse de 6,4 % l’an dernier, elles n’ont crû que de 1,2 % cette année.
Zoom sur le bloc communal
En resserrant la focale sur le bloc communal, les grandes tendances ne sont pas différentes : augmentation plus faible que l’an dernier des recettes et dépenses de fonctionnement et ralentissement de la croissance des investissements – ce qui est « classique en fin de mandat », rappelle LBP. Ce ralentissement est logiquement plus marqué encore dans les seules communes, à l’approche de la fin du mandat : celles-ci ont augmenté leurs investissements de 9,4 % l’an dernier, contre seulement 4,2 % cette année.
Globalement, « l’épargne brute des communes serait de nouveau orientée à la baisse » : si les dépenses de fonctionnement ralentissent, notamment du fait de la baisse de l’inflation, les recettes augmentent, elles aussi, moins vite. L’encours de dette augmente de 2,7 %, et les communes auront dû cette année encore puiser dans leur trésorerie, à hauteur de 1,5 milliard d’euros.
Du côté des EPCI, LBP met l’accent sur un point inédit depuis 2016 : leur épargne brute chute, de 2 %. En cause : des dépenses qui augmentent nettement plus vite que les recettes (+ 2 % pour les dépenses, + 1,5 % pour les recettes). Néanmoins, les EPCI conservent un investissement « dynamique », porté notamment par les dépenses relatives à la transition écologique (+ 5,6 %).
Perspectives
Pour l’année prochaine, LBP postale, on l’a dit, ne se montre guère optimiste, même si, faute de budget, on ignore encore à ce jour quelle sera la hauteur de la « contribution » au redressement des finances publiques qui sera exigée des collectivités. Seule certitude : la hausse continue, pendant les quatre prochaines années, des cotisations CNRACL, ce qui « pèsera sur la masse salariale locale ».
Pour le reste, l’heure est aux interrogations. Le futur gouvernement va-t-il demander aux collectivités de réduire leurs dépenses, ou va-t-il « peser sur les recettes », via une reconduction du « Dilico » (prélèvement sur les recettes de plusieurs milliers de collectivités) ? Autre inquiétude : sur le premier semestre 2025, les rentrées de TVA sont en nette baisse (- 1,1 %). Les versements faits aux collectivités en contrepartie de la suppression de la CVAE et de la taxe d’habitation, indexés sur la TVA, pourraient donc « évoluer négativement ».
Enfin, La Banque postale s’inquiète sur l’évolution des dotations – et là encore il faudra attendre le projet de loi de finances et le débat budgétaire pour savoir à quoi s’en tenir. Les dotations d’investissement et le Fonds vert vont-ils (encore) être rognés, à l’heure où les collectivités doivent engager des sommes colossales pour répondre aux exigences de la transition écologique ? La DGF sera-t-elle à nouveau gelée, comme l’avait prévu François Bayrou, ce qui, rappelle LBP, « pour continuer d’alimenter les dispositifs de péréquation, se traduirait par une nouvelle diminution de la dotation forfaitaire des communes et de la dotation de compensation des EPCI » ?
Tous ces éléments seront cruciaux pour les finances locales, et l’absence, fin septembre et surtout à moins de 6 mois des élections municipales, de toute information sur ce sujet, pose un problème majeur. Comment un candidat peut-il raisonnablement élaborer un programme, sur lequel il appuiera sa campagne, sans savoir de quel budget il disposera pour le faire ? Auparavant, les futurs élus disposaient de plusieurs leviers fiscaux, à leur main, qu’ils pouvaient intégrer dans leur projet de mandat – en disant par exemple aux électeurs : « Je propose de réaliser tel projet, et d’augmenter les impôts locaux de tant pour le financer. » Et les électeurs choisissaient. Mais ça, c’était avant, comme le dit une célèbre publicité. Désormais, presque entièrement privés de la liberté de taux, les candidats ne peuvent que s’en remettre à l’État et attendre que celui-ci livre ses arbitrages. Ce qui, cette année, risque d’arriver particulièrement tardivement.
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