Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 8 juin 2022
Hausse des prix

Face à l'inflation, les maires ont besoin « d'équité » et de marges de manoeuvre, plaide David Lisnard

Dans un long entretien accordé à France info ce matin, le président de l'AMF, David Lisnard, a fait le tour des grandes questions d'actualité touchant aux collectivités, demandant à l'État non pas « la charité » mais « de l'équité ».

Par Franck Lemarc

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© France info

Explosion des prix, taux d’intérêts, impôts locaux, laïcité… ce sont tous les grands sujets de l’actualité des collectivités qui ont été balayés ce matin par le maire de Cannes, invité de la matinale de France info. 

« Ne pas nous imposer des charges supplémentaires » 

À commencer par la question des prix de l’énergie : David Lisnard a rappelé que les communes, suivant les cas, connaissent des hausses allant de « 30 à 300 % »  des prix de l’énergie, avec à la clé des « fermetures de certains services publics », des décisions à prendre en matière de gestion du chauffage ou de la climatisation… Mais le pire est à venir selon lui : « L’hiver prochain, la situation sera très tendue et les collectivités vont devoir faire face à des difficultés supplémentaires. »  Les maires ne demandent donc pas « la charité »  à l’État, mais « de l’équité ». Pour commencer, « nous demandons à l’État de ne pas nous imposer des charges supplémentaires », a plaidé le maire de Cannes, au moment où la question se pose toujours de savoir si, oui ou non, le gouvernement va remettre au goût du jour les contrats de type « Cahors », c’est-à-dire la limitation forcée des hausses de dépenses de fonctionnement des collectivités. 

Rappelons que la semaine dernière, dans ce qui est pour l’instant sa seule intervention publique, le nouveau ministre chargé des Collectivités territoriales, Christophe Béchu, a soufflé à ce sujet le chaud et le froid : non, il n’y aura pas de retour des contrats de Cahors, a affirmé le ministre sur Public Sénat, le 1er juin, mais il y aura bien « un autre mécanisme », sur lequel le maire d’Angers ne s’est pas étendu. Mystère, donc, sur ce qui attend les collectivités, alors que pendant la campagne présidentielle, le camp du président de la République ne s’est pas caché de vouloir remettre en place un mécanisme de contractualisation. Et que Christophe Béchu, en revanche, a été clair sur la confirmation d’un effort de 10 milliards d’euros demandé aux collectivités pour « participer au redressement des comptes publics ». 

Une politique qui hérisse particulièrement David Lisnard, qui rappelle – comme le fait l’AMF de façon constante depuis des années – que les collectivités ne sont nullement responsables de la dégradation des comptes publics puisqu’elles sont soumises à la « règle d’or »  et ne peuvent voter, contrairement à l’État, un budget en déficit. « L’État est en déficit de fonctionnement – pas nous », a-t-il martelé ce matin ; « l’État peut emprunter sur ses dépenses de fonctionnement – pas nous ». Il a donc réclamé « de l’équité et de la solidarité », plutôt qu’une politique qui transfère aux collectivités « les décisions impopulaires ». 

Impôts : un levier « bien trop faible » 

Interrogé sur le fait de savoir si les communes vont être obligées d’augmenter les impôts, le maire de Cannes a répondu : « Quels impôts ? Il ne nous en reste plus. »  Après la taxe professionnelle, c’est la taxe d’habitation qui a été supprimée, et demain ce sera au tour de la CVAE. « Il ne nous reste plus qu’un peu de foncier, et il y aura sans doute des hausses dans les communes où il sera impossible de faire autrement, mais ce sera de toute façon un levier bien trop faible pour faire face », a affirmé David Lisnard, qui a rappelé que les communes ne doivent pas seulement gérer la hausse des prix de l’énergie mais aussi celle des prix « des marchés publics, qui explosent », « de l’alimentaire »  et de la masse salariale. 

Prenant l’exemple des cantines, il a expliqué que la commune de Cannes facture 3,10 euros par repas quand le prix réel est « le double ». « L’inflation nous touche tous, et à la fin, il faut bien que quelqu’un paye – soit l’usager, soit le contribuable. » 

Le président de l’AMF a fustigé la volonté confirmée par le gouvernement de mettre en place un chèque alimentaire, qui serait versé directement sur le compte bancaire des Français les plus modestes, « sans s’appuyer, comme cela avait été évoqué, sur les CCAS ». Outre qu’il s’agit pour lui d’une annonce « politicienne, à quelques jours des élections », David Lisnard a jugé sur le fond que « ce sont des dispositions qui alimentent l’inflation : en distribuant de l’argent public qui n’existe pas, on alimente le mal que l’on prétend combattre ». Il a d’ailleurs noté que l’inflation touche à présent « le coût de l’argent lui-même », c’est-à-dire que les taux d’intérêt augmentent : « Je reçois des alertes des maires qui ont de plus en plus de mal à emprunter à taux fixe », ce qui aura des répercussions sur toute l’économie, puisque les collectivités, a-t-il rappelé, représentent 70 % de l’investissement public. 

« Recoudre le tissu social » 

Interrogé enfin sur la polémique liée à l’autorisation du burkini par le conseil municipal de Grenoble, David Lisnard a dit attendre la décision que va rendre le Conseil d’État, après que le tribunal administratif a suspendu cette décision (lire Maire info du 31 mai). « Pour ma part, j’estime qu’il n’est pas normal d’autoriser des personnes à porter une tenue différenciée dans une piscine en raison de leur appartenance à une religion. Si le Conseil d’État devait remettre en cause la décision du tribunal administratif, alors il faudra qu’un cadre national soit posé, c’est ce que réclame l’AMF », a conclu le maire de Cannes, qui a jugé nécessaire de « combattre »  le communautarisme et ses manifestations : « Notre société est de plus en plus fragmentée, éclatée, et le travail des maires est aussi de tenter de recoudre le tissu social. » 

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