Maire-info
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Édition du lundi 17 mars 2025
Environnement

Lutte contre le frelon asiatique : la loi est publiée, sans financements ni mesures contraignantes

Adoptée conforme le 6 mars par l'Assemblée nationale, la proposition de loi « visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole » a été promulguée et publiée au Journal officiel du 15 mars. Mais l'examen du texte a laissé à plusieurs députés un petit goût d'inachevé.

Par Franck Lemarc

Dans un certain nombre de départements colonisés par le frelon asiatique « à pattes jaunes », la proposition de loi transpartisane organisant un « plan national de lutte »  contre ce nuisible était particulièrement attendue, notamment par les apiculteurs. Mais dans sa volonté de l’adopter le plus vite possible, le Parlement a choisi de renoncer à des dispositions importantes, qui ont vidé le texte d’une partie de sa substance. 

Vote conforme

Lors de l’examen de cette proposition de loi par l’Assemblée nationale, le 6 mars, l’accent a été mis dès l’entame des débats sur la nécessité de voter ce texte « conforme », c’est-à-dire sans le modifier par rapport à la version adoptée par le Sénat. Un vote conforme, en effet, permet l’adoption définitive d’un texte sans obliger à un nouvel aller et retour entre Sénat et Assemblée nationale. Pour lancer les débats, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a « très vivement »  engagé les députés « à voter le texte conforme », au regard de « l’urgence »  de la situation. Même demande du rapporteur du texte, Mickaël Cosson (MoDem) : « Il est crucial que cette proposition de loi soit adoptée rapidement, afin que les premières mesures puissent être discutées localement, financées et mises en œuvre dès le printemps prochain » . Même si ce texte est « perfectible », a reconnu le rapporteur, « nous avons une responsabilité envers nos apiculteurs et nos maires, qui attendent depuis plus d’un an l’adoption de ce texte. Ne retardons pas la mise en place de solutions attendues depuis trop longtemps : votons ce texte à l’identique ! » , a lancé Mickaël Cosson. 

Les députés – bien que plusieurs d’entre eux aient quelque peu tiqué devant ces injonctions – ont finalement suivi ces recommandations, et tous les amendements présentés ont été rejetés. Le texte a bien été adopté conforme, et promulgué dix jours plus tard.  

Plan national et plans départementaux

Composé d’un article unique, la loi est brève et de portée assez générale. D’une part, il est institué « un plan national de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes » , dans le cadre des plans contre les espèces invasives. Ce plan déterminera « les actions de surveillance, de prévention, de piégeage et de destruction »  et surtout « les financements de l'État, des collectivités territoriales et des acteurs socio-économiques et sanitaires » . Le plan déterminera également « l’opportunité de classer le frelon asiatique à pattes jaunes parmi les dangers sanitaires de deuxième catégorie pour l'abeille domestique » . Il sera établi en concertation entre les ministères chargés de l’environnement et de l’agriculture, les associations d’élus, les acteurs socio-économiques « directement touchés »  par la prolifération du frelon et les associations de défense de l’environnement. 

D’autre part, le texte prévoit la mise en place, dans un second temps, de plans départementaux, sous l’égide du préfet, en concertation notamment avec « les représentants des communes et de leurs groupements » . Ces plans auront logiquement pour mission de « décliner territorialement »  le plan national. Ils organiseront « la procédure de signalement et de destruction »  des nids de frelons. La loi précise que « le signalement peut être établi par l'intermédiaire du maire de la commune où est situé le nid de frelons asiatiques à pattes jaunes ou d'un membre du conseil municipal désigné par lui ». 

Et… c’est tout. Le texte ne prévoit pas de financement dédié ni pour la destruction des nids ni pour l’indemnisation des apiculteurs touchés – il reste à savoir si ce sera le cas en loi de finances pour 2026 ; et un certain nombre de mesures utiles proposées dans le texte initial ont disparu et n’ont pas réussi à être réintroduites dans la version finale. 

Aucune obligation pour les propriétaires

C’est le cas, notamment, d’une des dispositions les plus importantes du texte déposé à l’origine, qui obligeait – sans prévoir toutefois de sanction – « tout occupant légal d’une parcelle au sein de laquelle se trouve un nid de frelons asiatiques (à) procéder à la déclaration de ce nid au représentant de l’État dans le département » . Une fois ce signalement effectué, le préfet « procède ou fait procéder à la destruction du nid ». 

L’AMF, auditionnée pendant la navette parlementaire, avait eu l’occasion de dire son attachement à cette mesure – à vrai dire l’une des seules de ce texte à avoir un effet immédiat, concret et incitatif. Mais cette disposition a été supprimée lors de la navette.

En séance publique, le 6 mars, plusieurs amendements demandaient le rétablissement de cette disposition – le député Timothée Houssin, par exemple, estimant qu’elle constituait « la partie la plus importante du texte ». Son collègue Pierrick Courbon, quant à lui, estimant que sans cette mesure, le texte est « complètement dévitalisé et privé d’un de ses aspects essentiels ». « Quand un nid est présent sur une parcelle privée sans que le propriétaire se sente concerné ou soit dérangé par les insectes, il y a de fortes chances qu’il n’ait pas du tout envie de le signaler et encore moins de payer pour le faire détruire. Si on laisse proliférer les nids, tous les plans, départementaux ou nationaux, seront totalement inefficaces » , a plaidé le député de la Loire, qui s’est demandé « comment on peut garantir un minimum d’efficacité aux plans départementaux en l’absence de tout dispositif contraignant pour les propriétaires ». 

Le rapporteur et la ministre ont plaidé dans le sens inverse, appelant à « faire confiance aux acteurs locaux »  et à ne pas « sous-estimer le pouvoir des préfets ». La ministre a expliqué que le texte « prévoit que le plan national de lutte détermine ‘’les orientations nationales et les indicateurs de suivi des actions’’. Qui dit indicateur dit fatalement enquête, sous une forme ou une autre, et donc déclaration, modalités d’information » . Aucune réponse vraiment convaincante n’a été donnée aux interrogations des députés qui demandaient, tout simplement, pourquoi cette disposition intéressante avait été supprimée. 

Finalement, on est revenu à la nécessité d’adopter le texte conforme : le rapporteur a dit comprendre les « frustrations »  mais a demandé que l’adoption du texte ne soit pas différée, et enjoint les députés à ne pas renvoyer le texte au Sénat pour une « exception » . L’argument a agacé certains députés, comme la socialiste Sophie Pantel, qui ont rappelé que les mesures de piégeage doivent être engagées en février, et que c’est donc trop tard pour cette année. Il y avait donc bien le temps d’aller au bout de la discussion et d’élaborer une loi « parfaitement aboutie » , comme l’a souligné un autre député : « Il vaut mieux prendre six mois de plus pour travailler correctement et adopter des amendements qui prennent en compte un maximum de situations. » 

Ces arguments n’ont pas convaincu la majorité des députés : les amendements ont été rejetés, et la loi a été adoptée en l’état. Rapidement, certes, mais – pour une fois – peut-être un peu trop. 

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