Les emplois francs ont essentiellement un effet d'aubaine, selon la Dares
Par Emmanuelle Stroesser
Le dispositif des Emplois francs consiste en une aide directe versée aux employeurs qui recrutent un chômeur résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Cette aide est de 15 000 euros sur trois ans pour une embauche en CDI et 5 000 euros sur deux ans pour une embauche en CDD d’au moins 6 mois.
La Dares, dans sa dernière étude, se demande si ce dispositif a réellement un « effet emploi », c’est-à-dire s’il a permis des embauches qui n’auraient pas eu lieu sans lui. Ou si, au contraire, il a provoqué un « effet d’aubaine », ce qui signifie que la personne aurait été embauchée même en l’absence d’aide.
« Effet emploi » dans un cas sur dix seulement
La réponse est claire : sur 100 personnes embauchées ayant bénéficié du dispositif Emplois francs, près des quatre cinquièmes (77 %) l'auraient été même sans l'aide financière prévue (1). Seules 6 % des personnes n'auraient pas été recrutées par les employeurs sans cette aide, conclut une étude des services du ministère du Travail, rendue publique lundi 25 septembre (2). Avec une incertitude pour 13 % des employeurs. En résumé, « pour environ une embauche en emploi franc sur dix, l'aide a permis d'embaucher un habitant de QPV qui ne l'aurait pas été ». Dans neuf autre cas, elle n'a rien changé… sauf pour l'employeur, qui a gagné une aide publique. Pourtant, cet effet d'aubaine ne résulte pas uniquement d'un calcul intéressé des employeurs, observe la Dares, qui relève que les actions de promotion menées par Pôle emploi ont pu contribuer aux effets d'aubaine...
Là où le dispositif change la donne, c'est uniquement sur la « qualité » des emplois créés, « améliorée » grâce à cette aide. « D’après les employeurs, parmi les embauches n’étant pas associées à une création d’emploi, la part de CDI et celle des contrats à temps complet auraient été moins élevées en l’absence du dispositif » explique l'étude. Il faut savoir que l'aide versée à l'emploi est majorée en cas de CDI notamment. Le dispositif n'a en revanche « quasiment pas d'effet » sur l'amélioration du salaire versé.
QPV, une adresse toujours malvenue sur les CV
Créé pour contourner les difficultés d'accès à l'emploi de personnes résidant en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), ce dispositif a connu des débuts laborieux. Sa première mouture date de 2013, sous le gouvernement Ayrault (présidence de François Hollande). Il est vite abandonné (en 2014) au vu des piètres résultats – à peine 250 embauches sur les 10 000 espérées !
Le dispositif a pourtant été relancé au début du quinquennat d'Emmanuel Macron, en avril 2018, avec un régime d'aides relevé. Le dispositif a connu un peu plus de succès, avec 5 660 bénéficiaires fin mars 2019, encore loin de l'objectif de 40 000 fixé pour la fin 2019. Un bilan d'étape (3) constate le faible impact du dispositif sur les discriminations dans l'accès à l'emploi. Le faible recours des employeurs est mis sur le compte d'un défaut d'information, une méconnaissance des périmètres des QPV autant que sur la mécanique complexe du dispositif et la prédominance du « facteur de discrimination le plus important, l'origine ». Prévu comme expérimental sur trois ans, le dispositif a été, malgré ses faibles résultats, généralisé à l'ensemble des QPV dès la fin 2019 et reconduit depuis. Les modalités ont même été assouplies, et les conditions offertes aux employeurs plus intéressantes, pour le relancer. Ce qui provoque in fine un léger sursaut.
26 800 personnes résidant dans un QPV – dont 40 % ont moins de 29 ans – ont été embauchées dans le cadre des emplois francs en 2022. Portant le total de bénéficiaires fin 2022 à un peu moins de 50 000 (48 900) en nombre de contrats cumulés. Les bénéficiaires sont en général plus diplômés que les personnes au chômage dans les QPV, selon une étude de la Dares de juillet dernier.
Le taux de chômage dans les QPV reste, lui, plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale.
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