Gérard Larcher envisage de proposer pour l'avenir une évolution vers le « parrainage obligatoire »
Par Franck Lemarc
La livraison bihebdomadaire faite par le Conseil constitutionnel, hier, n’a pas fondamentalement changé la donne : un seul nouveau candidat a franchi la barre des 500 parrainages, Yannick Jadot, ce qui porte à sept le nombre de candidats (déclarés ou putatifs) ayant franchi le seuil (Nathalie Arthaud, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean Lassalle, Emmanuel Macron, Valérie Pécresse et Fabien Roussel). Jean-Luc Mélenchon se rapproche du but, avec 442 parrainages. La situation est un peu plus tendue pour Marine Le Pen (393) et Éric Zemmour (350). Il reste encore quelques jours aux élus habitlités pour envoyer leur présentation – puisqu’il faut rappeler que celles-ci doivent parvenir au Conseil constitutionnel avant le vendredi 4 mars 18 heures, par voie postale uniquement. Compte tenu des délais d’acheminement, il est déconseillé d’envoyer le formulaire plus tard qu’au début de la semaine prochaine.
Occasion manquée
Interrogé sur ce sujet, ce matin, le président du Sénat – comme d’autres voix l’ont fait avant lui ces derniers jours – a dit ses craintes de voir des candidats « légitimes » ne pas obtenir les parrainages. Jean-Luc Mélenchon, Éric Zemmour et Marine Le Pen représentent « 40 % des voix à eux trois », et ne sont donc nullement des candidats « fantaisistes », a constaté Gérard Larcher, rappelant que le système des parrainages a été inventé pour écarter les candidatures « fantaisistes ». Le président du Sénat a vivement regretté que le gouvernement n’ait pas permis une discussion en amont, au Parlement, sur ce sujet, notamment en refusant que la proposition de loi du sénateur Philippe Bonnecarrère (Tarn) soit discutée en procédure accélérée. Cette proposition de loi organique, « visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle », aurait pu selon Gérard Larcher permettre une discussion en urgence sur le sujet des parrainages. On peut également rappeler que les députés de La France insoumise ont fait une proposition de loi en mai dernier, rejetée, à l’occasion de laquelle le gouvernement avait promis un grand débat sur le sujet des parrainages… qui n’a jamais eu lieu.
Gérard Larcher va donc saisir le président de la commission des lois du Sénat sur cette question.
Parrainage « obligatoire »
Alors que plusieurs voix – dont celle du président de l’AMF, Davis Lisnard – se sont élevées ces derniers jours pour rappeler que les maires ne sont pas les seuls à pouvoir parrainer (lire Maire info d’hier) et demander que cesse la « pression injuste » sur les maires, Gérard Larcher a fait entendre un avis différent, en accentuant à l’inverse cette pression : « Je dis aux maires que c’est un droit important [qu’ils ont], le droit d’être les régulateurs de la démocratie. Il faut qu’ils utilisent ce droit. »
Gérard Larcher va donc soumettre plusieurs propositions au président de la commission des lois du Sénat. Les deux premières sont classiques, et ont souvent été défendues ces derniers temps : d’une part, le retour à l’anonymat des parrainages, qui a été en vigueur jusqu’en 1974. Mais ce n’est que depuis 2017 que le nom de l’ensemble des parrains est rendu public, et non 500 d’entre eux tirés au sort pour chaque candidat, comme cela a été le cas entre 1974 et 2012.
Deuxième piste – c’est celle qui a été prônée par les rapports Jospin et Balladur, puis a fait l’objet de la proposition de loi de La France insoumise au printemps dernier : remplacer les 500 parrainages d’élus par « un mix entre des collectifs citoyens qui soutiennent un candidat et une part moins importante d’élus », a détaillé le président du Sénat.
La troisième « voie » envisagée par Gérard Larcher est bien plus disruptive : il dit vouloir étudier « le parrainage obligatoire ». En ajoutant qu’il existe au moins un cas où le vote est obligatoire, pour les maires : ce sont les élections sénatoriales, dont les maires ont « bien l’habitude ». Rappelons en effet que les grands électeurs aux sénatoriales (conseillers départementaux et régionaux, députés, sénateurs et délégués des conseils municipaux) ont l’obligation de voter, sous peine, en cas d’abstention non justifiée par une « cause légitime », d’une amende de 100 euros (article L318 du Code électoral).
Gérard Larcher envisage-t-il un tel système pour les parrainages, avec amende pour les élus qui refuseraient de parrainer ? Il semble que oui, mais il faut maintenant attendre la saisine de la commission des lois du Sénat pour connaître les détails du dispositif qu’il envisage. Quoi qu'il en soit, si de nouvelles dispositions étaient mises en place, elles n'entreraient en vigueur qu'à l'occasion de la prochaine élection présidentielle, les règles ne pouvant plus changer pour celle-ci.
Le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé hier lors de la séance de questions au gouvernement qu'il réunirait demain « l’ensemble des représentants d’associations d’élus locaux » pour évoquer le sujet des parrainages. L'AMF, l'ADF et Régions de France ne comptent pas se rendre à cette invitation. Contacté par Maire info ce matin, le président de l'AMF, David Lisnard, déplore une démarche qui intervient bien trop tard, « à quelques jours de la fin de la période de recueil ». « Naturellement, poursuit le maire de Cannes, le Premier ministre a raison de tirer le signal d'alarme. Mais ne découvre-t-il le problème que maintenant ? S'il nous convoque en urgence, ce n'est pas pour changer les règles. Jean Castex n'est plus ici dans son rôle institutionnel mais dans une démarche de chef de la majorité. Les associations d'élus n'ont pas à se faire instrumentaliser ainsi, dans une posture d'urgence. »
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