Financement des AESH pendant la pause méridienne : le gouvernement tarde à apporter une solution
Par Lucile Bonnin
« La loi que j’avais initié afin de confier la responsabilité de l’accompagnement des enfants en situation de handicap sur le temps de la cantine a été promulguée le 27 mai dernier. Pourtant (...), dans beaucoup d’endroits, l’Etat n’applique pas la loi », a pointé le sénateur Cédric Vial lors d’une séance de questions au gouvernement au Sénat mercredi.
Rappelons que la loi Vial impose à l'État de prendre en charge le financement des AESH pendant la pause méridienne à compter de la rentrée 2024, alors que jusque-là il revenait aux communes de le faire (depuis une décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020). Dès septembre, Maire info alerte sur le fait que dans certains départements, comme le Morbihan, l'Éducation nationale n'appliquait pas cette loi et la charge restait alors aux communes (lire Maire info du 18 septembre).
Cette semaine, à force de persévérance, le gouvernement a apporté un début de réponse à ce problème que les élus ne cessent depuis bientôt trois mois de dénoncer.
La circulaire sur la sellette
« C’est un texte simple... Pourtant, une administration a jugé utile de publier une circulaire d’application de 8 pages pour une loi de deux lignes », a rappelé le sénateur. Il accuse même l’État d’avoir tenté « de rendre la loi inapplicable. » Puis il s’est directement adressé à Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la Réussite scolaire : « Êtes-vous prêt à revenir, comme le préconise le Premier ministre Michel Barnier, à plus de simplicité et de bon sens et à abroger cette circulaire inutile ? »
Le ministre Alexandre Portier a reconnu un dysfonctionnement dans l’application de cette loi : « Est-ce que tout a été bien dimensionné à l’époque pour permettre la mise en place de cette adaptation ? La réponse est non et j’ai découvert que tout n’avait pas été organisé en conséquence. »
Il s’est par la suite engagé, au besoin, à « reprendre », « réécrire », « abroger » ou « reformuler » la circulaire « pour qu’elle soit plus opérationnelle et concrète ». On ne sait pas concrètement aujourd’hui quel va être le destin de cette fameuse circulaire, à l’origine de tous ces problèmes.
Le ministre a cependant fait des annonces concernant le terrain : « Notre mission est d’appliquer les lois donc des instructions vont être adressées aux services sur le terrain. Les recteurs et les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) vont être missionnés pour nous faire remonter toutes les difficultés rencontrées ».
Le ministre a aussi proposé de mettre en place un comité de suivi, ce qui n’a pas été bien reçu par le sénateur Cédric Vial : « La loi, depuis 2005, permettait la prise en charge des AESH par l’État pendant la pause méridienne. Il y a eu deux ans d’interruption suite à une décision du Conseil d’État. A ce moment-là, il n’y a pas eu besoin de circulaire ; pourquoi ne peut-on pas prendre les choses comme avant ? Pourquoi imposer des conventions, des comités Théodule avant de prendre en charge ces enfants ? » Le retour vers davantage de simplification semble être un exercice particulièrement difficile pour le gouvernement…
Appel aux maires
Le ministre a finalement demandé à « tous les maires de (...) faire remonter toutes les difficultés qu’ils rencontrent dans leur commune pour pouvoir les traiter une par une, parce que c’est essentiel. »
En la matière, les exemples ne manquent pas. Hervé Gicquel, maire de Charenton-le-Pont, rapporte que la municipalité a été obligée de prendre en charge la rémunération des AESH faute de prise en charge par l’Éducation nationale. De nombreux élus dans le Morbihan constatent aussi ce manquement comme Boris Le Maire, maire de Questembert, qui explique que les municipalités doivent avancer les frais.
Plus récemment, Yves Goasdoué, le maire de Flers, dans l’Orne, avait fait part de sa colère contre l’Éducation Nationale qui ne voulait pas prendre en charge les AESH pour deux élèves handicapés à l’heure de la cantine. Le député Jérôme Nury avait alerté le gouvernement sur la situation. Selon Actu.fr, à l’occasion d’une rencontre avec le ministre délégué chargé de la réussite scolaire, la situation vient de changer dans le département et l’État va prendre en charge la rémunération des AESH.
Il semblerait donc que le gouvernement souhaite véritablement régler les problèmes au cas par cas. Or le temps est compté. En effet, en attendant que l’État prenne à sa charge, comme c’est prévu, la rémunération des AESH, les municipalités engagent des frais pour ne pas laisser les élèves sans solution. Dans certains cas, les AESH acceptent même de travailler de manière bénévole pendant la cantine.
A l’heure qu'il est, on ne sait toujours pas si l’État va rembourser aux communes les frais qu’elles auront engagés pour pallier ses manquements. Sur ce sujet, il semblerait que le gouvernement fasse l’autruche. Dans un courrier adressé à la ministre de l’Éducation nationale, le président de l’AMF, David Lisnard, demande expressément ce remboursement : « Si les délais de mise en œuvre de la loi Vial sont contraints, cette situation doit être réglée dans les plus brefs délais afin de ne plus faire peser sur les communes une charge administrative et financière qui ne relève plus de leur compétence. A cet égard et compte tenu des fortes contraintes qui pèsent déjà sur les budgets locaux, l’AMF demande un remboursement intégral des dépenses engagées depuis la rentrée par les communes au titre de la gestion des contrats et de la rémunération des AESH en lieu et place de l’État. »
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