Déconfinement, réouverture des classes : ce que dit le Conseil scientifique
C’est une semaine cruciale qui débute aujourd’hui avec notamment, demain, la présentation par le Premier ministre devant l’Assemblée nationale du plan de déconfinement mis au point par Jean Castex et ses équipes. Le lendemain, mercredi, ce plan sera présenté de façon spécifique aux associations d’élus. Si le plan précis du gouvernement reste à ce jour inconnu, on sait maintenant, en revanche, ce que sont les préconisations du Conseil scientifique, après la publication de deux notes qu’il a élaborées les 20 et 24 avril. La première concerne le déconfinement en général, la seconde, les « enfants et écoles ».
Six prérequis
La première note expose longuement – sur une quarantaine de pages – les préconisations du Conseil scientifique sur « les scénarios de sortie du confinement ». Un point a particulièrement retenu l’attention : les experts se disent, dans cette note, clairement défavorables à la réouverture des écoles le 11 mai : « Le Conseil scientifique propose de maintenir les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités fermés jusqu’au mois de septembre. » Il « prend acte » de la décision contraire du gouvernement – sauf pour les universités – mais la qualifie de « décision politique ».
Cet avis s’explique par l’ensemble de la note, très alarmiste sur le risque de reprise de l’épidémie après le 11 mai : la transmissibilité du virus SARS-CoV-2 est extrêmement importante, et de nombreuses « incertitudes » subsistent : « Proportion inconnue des formes asymptomatiques, défis logistiques et technologiques… ». Le Conseil évoque donc, plusieurs fois, le risque bien réel d’une « reprise incontrôlable » de l’épidémie après le déconfinement.
Pour l’éviter, il identifie « six prérequis » qui doivent absolument être remplis pour pouvoir envisager le déconfinement.
• La mise en place d’une « gouvernance nationale unifiée et cohérente ».
• La « reconstitution » des services de santé (repos des équipes soignantes, reconstitution des stocks de matériel médical, repositionnement de la médecine de ville « en première ligne » ).
• La mise à disposition de « capacités d’identification rapide des cas et de leurs contacts » (c’est-à-dire la multiplication des tests) et la possibilité « d’isoler les patients et les porteurs sains contagieux ».
• La mise en place d’un système de surveillance épidémiologique « capable de détecter les nouveaux cas et une reprise de l’épidémie ».
• Un « monitoring » précis permettant de suivre quotidiennement l’évolution des statistiques (nombre d’hospitalisation, taux de reproduction de la maladie, nombre de lits disponibles…).
• Enfin, la mise à disposition d’un stock de matériel de protection suffisant pour « l’ensemble de la population » – notamment les masques et le gel.
Seul « l’ensemble de ces éléments » peut permettre de sortir du confinement de façon relativement sécurisée, assure le Conseil. Avec, en sous-entendu, un petit doute émis sur la date précise du 11 mai : le Conseil estime qu’il semble « difficile d’imaginer, en l’état actuel des connaissances, que ces prérequis puissent être remplis avant, au mieux, courant mai. »
Les « deux premiers mois »
Trois scénarios étaient possibles pour les prochains mois, rappelle le conseil : la poursuite stricte du confinement ; la levée totale de celui-ci (« avec un risque inacceptable d’une mortalité extrêmement importante » ) ; et un scénario médian, le seul qui ait été retenu par le Conseil : « Une levée progressive, prudente et monitorée », avec « adaptation des mesures en fonction des résultats ».
Les experts détaillent ce scénario qui, s’appuie, pour résumer, sur un double impératif : identification la plus large possible des cas (avec isolement des patients infectés) et maintien de mesures strictes au sein de la population. Sur ce dernier point, il apparaît indispensable aux experts de maintenir, pour longtemps, les « mesures barrières » : « Maintenir une distance physique d’un mètre au moins de chaque côté, ne pas se serrer la main, ne pas s’embrasser, ne pas se donner d’accolades, télétravail, fermetures des écoles, interdiction des rassemblements, fermetures de lieux de rassemblements, fermeture de certains types de commerce. » Il est proposé que tous les lieux recevant du public mettent à disposition des masques et du gel, sous peine de « fermeture administrative » immédiate. Le respect de ces mesures pourrait permettre « une ouverture progressive et prudente des commerces ». En revanche, le Conseil préconise le maintien de la fermeture ou de l’interdiction « de tous les lieux et événements qui ont pour objet ou conséquence de rassembler du public en nombre important, qu’il s’agisse de salles fermées ou de lieux en plein air ».
En matière de transport, le Conseil scientifique propose d’autoriser les déplacements urbains et périurbains ainsi que les transports inter-régionaux, avec respect strict de toutes les mesures de protection. En revanche, les transports internationaux devront être « très fortement déconseillés » et assortis de mesures de quarantaine au retour pour réduire « le risque de réintroduction du virus sur le territoire national ».
Pour ce qui concerne les personnes âgées et les personnes à risque, le Conseil propose de passer d’un confinement obligatoire à « un confinement volontaire » : ces personnes doivent être « clairement informées » des risques particuliers qu’elles encourent, et il pourrait leur être demandé « de se protéger sur la base d’un choix éclairé personnel ».
Les écoles et structures d’accueil des enfants
Dans une seconde note, le Conseil scientifique détaille les mesures qu’il préconise pour les écoles et structures diverses d’accueil des enfants. Ayant entériné un choix qui n’était pas le leur, les experts ont produit une note d’une dizaine de pages, concernant toute la communauté éducative. Ils demandent que les autorités s’assurent, pour le moins, que toutes les mesures sanitaires qu’ils préconisent soient « opérationnelles » au moment de la réouverture des établissements. La note rappelle les chiffres effrayants constatés, au début de l’épidémie, au lycée de Crépy-en-Valois, où le virus a touché « 38 % des lycéens, 43 % des enseignants et 59 % des personnels travaillant dans l’établissement ».
Le Conseil est « favorable » au principe de « volontariat », prôné par l’AMF notamment et d’ores et déjà acté par le gouvernement. Il liste ensuite une série de recommandations parmi lesquelles on peut retenir :
• Une campagne massive d’information et d’éducation vis-à-vis des élèves, des enseignants et des agents.
• La réorganisation des entrées et sorties afin d’éviter les rassemblements devant les établissements.
• Le bionettoyage des établissements « plusieurs fois par jour ».
• Le respect du mètre minimal de distance physique. « Si l’espace est insuffisant, les établissements devront réfléchir avant ouverture au rythme auquel ils peuvent accueillir les enfants, un jour sur deux, une semaine sur deux, etc. »
• La prise du repas, plutôt qu’en salle de restauration, « dans la salle de classe, à la table ».
• L’augmentation de l’offre en matière de transports scolaires, pour permettre d’y respecter la distanciation physique.
On saura demain après-midi, à partir de 15 heures, ce que le gouvernement aura retenu de ces nombreuses préconisations. Les annonces du Premier ministre devant les députés seront suivies d’un débat et d’un vote immédiat – ce que dénonce l’opposition, qui réclame un délai de réflexion d’au moins 24 heures avant de passer au vote.
Franck Lemarc
Télécharger les préconisations générales du Conseil scientifique.
Télécharger la note consacrée aux écoles.
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