3DS : les avancées et les reculs du texte examiné à l'Assemblée nationale
Par Franck Lemarc
Ce texte, déposé par le gouvernement en mai dernier et adopté par le Sénat le 21 juillet, a été examiné en commissions à l’Assemblée nationale dans la deuxième quinzaine de novembre. Hier, c’est l’examen en séance publique qui a débuté, et il durera jusqu’au 17 décembre.
Le Sénat avait profondément remanié ce texte pour lui donner un caractère plus « décentralisateur », le gouvernement assumant, de son côté, le fait que ce texte ne soit rien d’autre qu’une « somme de petites améliorations », comme l’a dit le Premier ministre vendredi dernier.
Lors d’une interview donnée à Maire info pendant le congrès des maires, Gérard Larcher, le président du Sénat, s’était félicité de la manière dont la Haute assemblée avait « enrichi » un texte « assez décevant au départ », qui n’était pas « une grande loi de décentralisation ». « Santé, emploi, médico-social, adaptation de la loi SRU, compétences à la carte – tout cela, le Sénat l’a introduit. Nous verrons ce que l’Assemblée nationale en fait. »
Nombreux reculs par rapport à la version du Sénat
L’Assemblée nationale, dominée par la majorité, a rendu sa copie pendant les travaux en commission : entre la commission des lois, celle du développement durable, des affaires sociales et des affaires économiques, ce sont pas moins de 702 amendements qui ont été adoptés avant même le débat en séance publique, en grande partie pour rétablir le texte dans sa version initiale et gommer les plus importants ajouts du Sénat (60 articles issus du Sénat ont été supprimés). À l’heure du débat en séance publique, ce sont maintenant 3373 amendements qui sont à discuter.
Comme on pouvait s’y attendre, les députés ont annulé, en commission, certaines des dispositions qui tenaient le plus à cœur de l’AMF : les transferts de compétences « à la carte », la fin de l’intercommunalisation forcée de l’eau et de l’assainissement, le droit pour les maires de s’opposer à l’installation d’éoliennes sur le territoire de leur commune, la co-présidence des ARS par le président de la région…
L’AMF, dans un communiqué publié hier, a regretté que « les avancées apportées par le Sénat pour reconnaître la maturité de l’intercommunalité sans bousculer les équilibres institutionnels et pour conforter la confiance dans les maires pour gérer un développement équilibré de leur territoire aient été écartées ». Demandant encore et toujours de la « subsidiarité » et de la « souplesse », l’association « déplore le maintien du transfert en bloc de compétences ».
Alors que les débats commencent, l’AMF demande à nouveau que les maires puissent donner un avis « décisionnaire » et non pas simplement « consultatif » sur les projets d’implantations d’éoliennes, afin que « le développement de l’éolien se fasse dans les meilleures conditions d’acceptabilité et d’intégration ». Elle souhaite que soit remise à l’ordre du jour la question de la co-présidence État/collectivités des agences régionales de santé et de « la restauration des conseils d’administration des hôpitaux en lieu et place des conseils de surveillance », pour « renforcer la place des maires dans la gouvernance des hôpitaux ».
SRU et ZAN : des avancées
L’association présidée par David Lisnard salut néanmoins deux avancées importantes. Sur la loi SRU d’abord, si les députés ont en grande partie retoqué les modifications apportées par le Sénat, l’AMF « se félicite sur la nécessité de rendre glissant le calendrier d'objectif et de mettre fin à l'échéance couperet de 2025 ». De plus, des « souplesses » sont attendues en séance publique et en commission mixte paritaire pour permettre « de tenir compte des caractéristiques locales » des communes.
Autre élément rassurant : sur le « ZAN » (zéro artificialisation nette), la revendication de l’AMF de « desserrer un calendrier jugé intenable par les élus » a finalement été entendue. Rappelons que l’AMF souhaitait que l’échéance du 22 février 2022, prévue pour réunir sur ce sujet les conférences des SCoT et modifier les Sraddet, soit reportée. Devant le Congrès des maires, jeudi 18 novembre, le président de la République n’avait pas été extrêmement clair, déclarant seulement qu’il n’y aurait « pas de couperet », sans autres précisions. Finalement, un amendement du gouvernement a été déposé avant la séance publique, et il répond à la revendication de l’AMF : l’échéance du mois de février est supprimée. « Sans remettre en cause le calendrier global d’intégration des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols au niveau local pour la prochaine décennie, le présent amendement propose de donner six mois supplémentaires pour l’entrée en vigueur des documents de planification régionale. Par cohérence, pour les régions concernées, les délais donnés à la conférence des schémas de cohérence territoriale (SCoT) sont également prorogés afin de leur permettre de contribuer efficacement à la définition des enjeux au niveau régional », peut-on lire dans l’exposé des motifs.
L’opposition « sans illusion »
Hier, au début de l’examen du texte, la ministre qui porte ce texte, Jacqueline Gourault, a salué un projet de loi « issu d’une longue maturation », élaboré « avec les associations d’élus et 20 ministères », apportant « des réponses pragmatiques à des besoins concrets formulés par les élus locaux ». Elle a estimé que ce texte est « un jalon supplémentaire » dans la direction de « l’approfondissement de la décentralisation ».
Du côté de l’opposition les avis ont été naturellement beaucoup moins positifs pendant la discussion générale. Pour Les Républicains, Raphaël Schellenberger a estimé que le texte « avait raté sa cible » : « Vous nous présentez un texte qui ne touche pas à la loi Notre », qui ne présente « pas vraiment de mouvement de décentralisation », qui « reste dans l’eau tiède » en matière de différenciation. « Vous restez malheureusement dans une logique où on exécute en bas ce qui a été décidé en haut. Des exécutants, certes dotés parfois de beaux budgets, voilà votre conception des élus locaux ! », a conclu le député du Haut-Rhin.
Côté socialiste, le jugement n’est pas plus favorable : Hervé Saulignac a fustigé les « insuffisances » et les « faiblesses » du texte, tandis qu’Hélène Vainqueur-Christophe a affirmé que le groupe socialiste essayerait d’améliorer « ce texte bien tardif et largement sous-dimensionné » mais « sans se faire trop d’illusions ». « La différenciation, les adaptations et la décentralisation ne peuvent se construire qu’avec les élus. À vous de nous entendre, de nous associer et de nous accompagner. »
L’examen du texte lui-même a commencé hier soir, avec la discussion sur le titre premier du projet de loi, portant sur la « différenciation territoriale ».
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