Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 30 novembre 2023
Politique de la ville

Davantage de quartiers prioritaires, mais sans augmentation des moyens ?

Le gouvernement a présenté une nouvelle fois aux élus, hier, le projet de décret visant à renouveler la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Le nombre de ces quartiers va augmenter, mais pas les crédits de la politique de ville, ce qui fait craindre à l'AMF une diminution des financements par quartier. 

Par Franck Lemarc

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Le projet de décret renouvelant la liste des QPV a été présenté pour la deuxième fois devant le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) hier, après avoir été rejeté une première fois par les élus en novembre. Cette fois, l’AMF y a donné un avis favorable, bien qu’assorti de sérieuses réserves. 

Renouvellement des critères

Les critères permettant d’établir la liste des QPV ont été fixés en juillet 2014, par décret. Pour rappel, plusieurs conditions étaient nécessaires : les quartiers doivent appartenir à une unité urbaine d’au moins 10 000 habitants et chaque quartier doit comprendre au moins 1 000 habitants. L’intégration à la liste des QPV s’apprécie en comparant le revenu médian par unité de consommation, dans le quartier, à celui du pays entier et de la ville à laquelle il appartient. 

Plusieurs éléments imposent de prendre un nouveau décret. D’abord, tout simplement, le fait que les données démographiques et sociales prises en compte en 2014 ont nécessairement évolué ; ensuite, le fait que les contrats de ville arrivent à échéance le 31 décembre prochain. 

Le projet de décret sur lequel travaillent les services de l’État vise, d’une part, à actualiser les données utilisées pour définir les quartiers prioritaires ; et, d’autre part, modifier à la marge la méthodologie utilisée, pour ne pas « sortir »  brutalement de la politique de la ville des quartiers qui ne répondraient plus entièrement aux critères de 2014 mais dont la situation reste difficile. 

Le nouveau décret permettrait par ailleurs de classer en géographie prioritaire des quartiers qui ne répondraient pas de façon cumulative aux deux critères – c’est-à-dire appartenant à une unité urbaine de moins de 10 000 habitants ou ayant un revenu médian par foyer supérieur aux seuils de 2014. 

Lors du premier examen de ce texte devant le Cnen, en novembre, l’AMF avait regretté qu’aucune étude d’impact ne soit présentée par les services de l’État permettant d’évaluer les conséquences de ces changements. Le gouvernement a fait diligence et a établi cette fiche d’impact avant la séance du Cnen d’hier. On en sait donc plus sur les grandes tendances, même si les chiffres ne sont pas définitifs. 

Plus de 50 QPV en plus

Avec les nouveaux critères, c’est une centaine de nouveaux quartiers qui pourrait entrer dans la liste, tandis qu’une quarantaine en sortirait. Environ un millier  de quartiers verrait ses contours modifiés. Au final, alors qu’en 2015 ce sont 1 296 quartiers qui ont été classés en politique de la ville, les nouveaux critères porteraient ce chiffre à plus de 1 350. Le nombre d’habitants concernés augmenterait d’environ 200 000. 

Cette augmentation du nombre de QPV répond à une demande de l’AMF. Mais là où le bât blesse, c’est que cette augmentation du nombre de quartiers se fera, d’après le gouvernement, à enveloppe constante. Ce qui, mathématiquement, va signifier une baisse, en 2024, des budgets alloués à chaque quartier. 

Certes, le projet de loi de finances dans sa version actuelle prévoit bien une hausse du programme 147 (Politique de la ville), d’un peu moins de 40 millions d’euros. Mais cette hausse sera pour l’essentiel absorbée par une hausse des crédits de l’Anru. Dans sa présentation du programme 147, le gouvernement explique d’ailleurs que « les moyens affectés aux quartiers prioritaires seront maintenus », ce qui signifie qu’ils ne seront pas augmentés. 

Le problème sera encore accentué par le fait que le gouvernement a décidé de permettre, « de façon exceptionnelle » , à un certain nombre de territoires non classés en QPV de profiter des crédits de la politique de la ville. Il s’agit de « territoires ne relevant pas de la géographie prioritaire mais caractérisés comme défavorisés (poches de pauvreté) », détaille le gouvernement. Cette avancée est là encore saluée par l’AMF, mais elle va contribuer à dissoudre encore un peu plus les moyens, à enveloppe constante. 

Dans un communiqué publié hier, l’association demande donc que les moyens financiers soient « adaptés »  à l’arrivée de nouveaux quartiers, ce qui demanderait « une augmentation significative »  des moyens alloués à la politique de la ville dans le PLF pour 2024, « pour permettre une action ambitieuse au sein de chacun des prochains contrats de ville et des crédits suffisants pour chaque quartier ». 

Par ailleurs, l’AMF demande une équivalence des hausses de dotations de solidarité rurale et urbaine et « une évaluation précise et annuelle des crédits de droit commun atterrissant dans les quartiers populaires ». 

Enfin, l’association rappelle sa demande de « moyens financiers suffisants pérennes pour la généralisation des cités éducatives sans impacts sur les crédits dédiés aux bataillons de la prévention ». 

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