Pénurie de logements : les députés adoptent en commission un texte ciblant les meublés de tourismeÂ
Par A.W.
Afin d’enrayer les difficultés croissantes pour les habitants des zones tendues et touristiques à se loger, les députés ont adopté, en commission, dans la nuit de mardi à mercredi, une proposition de loi (PPL) transpartisane très attendue depuis le début de l’année puisqu’elle vise à « remédier aux déséquilibres du marché locatif ».
Lancé au printemps par les députés du Finistère et des Pyrénées-Atlantiques, Annaïg Le Meur (Renaissance) et Iñaki Echaniz (PS), ce texte avait été reporté, fin mai, par la majorité qui le jugeait « peu aboutie » . Ce qui a avait notamment provoqué la colère de l’opposition de gauche.
Souhaitant enrayer la transformation de « villages entiers […] en villages vacances », les deux rapporteurs ont dit vouloir notamment « relayer le cri d'alarme des élus locaux » qui se retrouvent confrontés au manque de logements pour leurs administrés et à la dévitalisation de leurs centres-villes.
Alignement de la fiscalité
La trentaine d’amendements adoptés durant son examen a largement modifié le texte initial, jusque dans son intitulé même. Celui-ci vise désormais à « remédier aux déséquilibres du marché locatif » de manière générale, et non plus uniquement en « zones tendues », comme c’était le cas initialement. Il est désormais attendu dans l'hémicycle durant la semaine du 4 décembre.
Afin de « rééquilibrer la fiscalité des locations de meublés touristiques » au profit d’offres de location de longue durée, les députés ont attaqué la « niche fiscale Airbnb » et l’ont aligné sur la fiscalité des locations de longues durées. Un point de convergence majeur des différents contempteurs des meublés de tourisme depuis des mois.
Le taux d'abattement fiscal sur les revenus des meublés de tourisme classés a ainsi été abaissé à 30 %, dans la limite d’un plafond de 30 000 euros (et 15 000 euros pour ceux non classés) avec une exception pour ceux situés en « zone rurale très peu dense ou en station classée de sport d’hiver » pour lesquels un taux de 41 % supplémentaire pourrait être appliqué, le portant ainsi à 71 % au total (dans la limite de 50 000 euros).
Sans surprise, le gouvernement a exprimé ses réserves puisque cet avantage fiscal avait déjà été particulièrement débattu durant l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, ces derniers jours, l'exécutif ayant limité la réduction de l’abattement de 71 % à 50 % en zones tendues (et 71 % en zones rurales), à la suite du déclenchement du 49.3 à l'Assemblée.
De son côté, le Sénat a été plus loin en choisissant d’aligner le régime fiscal des locations de meublés de tourisme sur celui des « locations nues » (avec l’application d’un abattement de 30 % dans la limite de 15 000 euros de recettes) et de maintenir un régime dérogatoire dans les zones rurales avec un taux d’abattement de 51 %. Ils ont également assujetti leur location à la TVA.
Extension des pouvoirs des communes
Alors que le texte compte également conditionner la mise en location d’un meublé de tourisme à la réalisation préalable d’un diagnostic de performance énergétique (DPE), les députés ont accordé la possibilité pour les communes d'abaisser de 120 jours à 90 jours par an la durée maximale durant laquelle une résidence principale peut être louée en tant que meublé de tourisme.
Afin « d’améliorer la connaissance qu’ont les exécutifs locaux du parc immobilier touristique », les députés ont décidé de généraliser le numéro de déclaration ou le numéro d’enregistrement des meublés de tourisme. « Une mesure plébiscitée », selon les rapporteurs, et qui correspond à une demande de l'AMF.
La règle du changement d’usage a également été élargie à l’ensemble des communes situées en zone tendue, mais aussi aux territoires qui ne sont pas compris dans ce champ à condition que « leur organe délibérant adopte une délibération motivée au regard de la tension immobilière du marché locatif local ».
Ils ont, en outre, institué la faculté, pour les communes qui le souhaitent, de limiter le nombre d’autorisations de changement d’usage temporaire pour la location de courte durée.
Alors que « les investisseurs se tournent vers de [nouveaux] types locaux (bureaux, etc…) » pour réaliser des « transformations massives en meublés de tourisme », les députés ont décidé de permettre aux communes les plus touchées la possibilité de « réglementer, sur délibération, ces transformations ».
Par ailleurs, les collectivités qui comportent un taux de résidences secondaires supérieur à 20 % pourraient désormais instituer « des secteurs où les constructions nouvelles à destination d’habitation sont soumises à une obligation d’usage au titre de résidence principale ».
Sur le plan des sanctions, les députés ont mis en place deux amendes administratives spécifiques, prononcées par la commune, afin, tout d’abord, de sanctionner les faux numéros d’enregistrement dans les annonces de location (d’un montant de 15 000 euros) et les loueurs qui ne procèdent pas à l’enregistrement préalable (d’un montant de 5 000 euros, celle-ci remplaçant l’amende civile existante actuellement, jugée « peu efficace » ).
Les « petits propriétaires » pénalisés
Des élus LR et RN ont, cependant, critiqué des mesures qu’ils jugent défavorables aux « petits propriétaires », les premiers s'étant par ailleurs opposés à un examen simplifié du texte en séance. Une position qui n’était, toutefois, pas partagé par le sénateur LR des Pyrénées-Atlantiques Max Brisson qui s’était joint, au printemps dernier, à une initiative transpartisane – nommée « Encadrons les meublés touristiques » – encore bien plus ambitieuse.
Sur la défensive, la plateforme de meublés de tourisme Aibnb a estimé que le cadre réglementaire actuel donnerait « déjà la possibilité aux communes de prendre des mesures afin de limiter efficacement la spéculation sur les meublés de tourisme localement ». Encore loin, toutefois, de certaines mesures prises dans d'autres pays.
« Alors que seules 250 communes françaises s'en sont saisies à ce jour », assure Airbnb, la plateforme s'interroge sur « le bien-fondé d’une multiplication de nouvelles mesures, qui - telles qu'elles ont été discutées en commission - pénaliseraient le pouvoir d'achat des centaines de milliers d'hébergeurs occasionnels et complexifieraient fortement les obligations des hôtes, sans aucun impact sur le logement ».
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