Mesures contre la cinquième vague : ce que l'AMF a dit au Premier ministre
Par Franck Lemarc
Pour le deuxième jour consécutif, le nombre de cas positifs détectés a dépassé les 30 000 en France, et le taux d’incidence s’établit maintenant à 193. Dans certaines tranches, il approche déjà les 300 : les 30-39 ans connaissent un taux d’incidence de 268 pour 100 000.
Hier, en Conseil des ministres, le président de la République a déclaré qu’il fallait un « électrochoc » : « Pour éviter de nous retrouver dans la même situation que certains de nos voisins, on ne peut pas se contenter des mesures existantes. Il faut aller plus loin ». À l’issue du Conseil, le porte-parole du gouvernement a donné quelques pistes, sans entrer dans les détails, laissant la primeur des annonces au ministre de la Santé qui va renouer, aujourd’hui, avec la conférence de presse du jeudi longtemps en vigueur depuis le début de l’épidémie.
Les pistes envisagées
Parmi la piste la plus couramment évoquée, la généralisation de la dose de rappel à l’ensemble de la population adulte, ce qui devrait avoir pour conséquence, à terme, de modifier également les règles en matière de pass sanitaire : le chef de l’État a déjà annoncé que le pass sanitaire des personnes de plus de 65 ans ne resterait actif, après le 15 décembre, que si celles-ci ont reçu leur troisième dose – il n’y a donc aucune raison que la même mesure ne soit pas appliquée, au fil du temps, aux personnes plus jeunes, à mesure qu’elles seront éligibles au rappel. Il faut pour l’instant six mois entre la primo-vaccination et le rappel. Ce délai pourrait tomber à cinq mois.
Cette mesure supposera une nouvelle campagne de vaccination de masse, c’est-à-dire la réactivation ou le renforcement de nombreux centres de vaccination, en appui de la médecine de ville et des pharmacies qui seront également sollicitées.
Le gouvernement devrait également annoncer un renforcement des obligations de port du masque en extérieur.
Sur le reste, il faudra attendre la conférence de presse du ministre de la Santé. Beaucoup de questions se posent. Sera-t-il accompagné du ministre de l’Éducation nationale, et celui-ci va-t-il annoncer le passage au niveau « orange » du protocole dans les écoles ? Le gouvernement va-t-il, comme croient le savoir plusieurs médias, réduire la durée de validité des tests de 72 à 24 heures dans le cadre du pass sanitaire, pour inciter plus encore les non-vaccinés à se faire vacciner ?
On ignore également si le gouvernement, comme, là encore, certains médias l’affirment, va prendre de nouvelles mesures de restriction des rassemblements ou de rétablissement de jauges dans les commerces ou les établissements recevant du public.
Les positions de l’AMF
Les parlementaires ont eu la primeur des annonces, hier, et c’est ce matin au tour des associations d’élus d’être reçues (en vidéoconférence, le Premier ministre étant à l’isolement) pour consultation sur les mesures envisagées.
D’après nos informations, l’AMF, représentée par son nouveau président, David Lisnard, a d'abord assuré que « les maires continueront d’apporter leur concours à l’Etat dans la lutte contre la pandémie comme ils l’ont toujours fait », avant de reposer au Premier ministre la question de la compensation aux communes – souvent très insuffisante – des charges induites par les centres de vaccination, et de demander à l’État « d’objectiver et de systématiser » ses remboursements. David Lisnard a demandé que le gouvernement privilégie, pour la campagne à venir, une approche appuyée sur la « subsidiarité », en mettant à profit notamment les dispositifs itinérants et la médecine de ville.
L’association a dit par ailleurs être totalement opposée à l’éventualité d’une limitation des rassemblements et à un retour des jauges, à quelques semaines des fêtes et alors que débute la campagne pour l’élection présidentielle.
Les représentants des élus ont naturellement posé la question des écoles. L’État va-t-il mettre en place une politique publique de soutien à l’achat de capteurs de CO2 dans les écoles, de façon à ce que les communes qui souhaitent s’en équiper ne le fassent pas à leur charge ? Les tests dans les écoles, promis à hauteur de 600 000 tests par semaine depuis la rentrée, mais qui n’atteignent que péniblement les 200 000, vont-ils se développer ? David Lisnard a demandé, en matière de protocole, une sortie de « l’urgence » : le souvenir reste vif – et désagréable – des protocoles sanitaires élaborés à la dernière minute par le gouvernement et diffusés le vendredi soir pour une application le lundi matin. Il a également défendu l’idée du renforcement des tests des élèves et de l’isolement des seuls élèves contaminés plutôt que la fermeture des classes, afin de lutter contre « la fracture éducative ».
Isolement des seuls élèves contaminés
Cette idée avait également été défendue par France urbaine, dans un communiqué publié hier, demandant que des mesures urgentes soient prises pour endiguer la vague de fermetures de classes (6 000 classes étaient fermées mardi, selon le ministère de l’Éducation nationale).
Rappelons que le gouvernement a choisi, en septembre, de s’en tenir à la règle de la fermeture de la classe dès la détection d’un cas, dans les écoles élémentaires ; et ce, à contre-courant de l’avis du Conseil scientifique, qui préconisait qu’en cas de détection d’un cas, tous les élèves soient testés, et que ne soient isolés que les autres élèves positifs ou ceux qui refusaient le test.
Les élus de France urbaine demandent de revenir à cette solution, estimant qu’elle permettrait de limiter les fermetures de classes et de réduire le nombre de jours de classe perdus, mais aussi de « répondre à l’inquiétude grandissante des parents, qui ne peuvent plus percevoir de chômage partiel, obligés de garder leurs enfants à domicile ». La mesure aurait aussi l’avantage de limiter l’absentéisme dans les entreprises, « du fait de la nécessité pour les salariés de garder leurs enfants concernés par la fermeture de leur classe ».
Le gouvernement n’est pas totalement fermé à cette idée, puisque ce dispositif est actuellement testé dans dix départements (Aisne, Ariège, Côte-d’Or, Landes, Manche, Morbihan, Moselle, Rhône, Val d’Oise, Var). Pour l’instant, les résultats de cette expérimentation ne sont pas connus.
Les élus de France urbaine « s’inquiètent » enfin d’un relèvement du protocole sanitaire dans les écoles au niveau orange, voire rouge, qui confronterait à nouveau les collectivités « aux limites en ressources humaines » : « Une telle évolution conduirait les collectivités à devoir renforcer les mesures en matière d’organisation de la classe ou de la cantine, tout en étant confrontés au sous-effectif sur de nombreux postes. »
Signalons enfin que ce matin, Luc Carvounas, président de l’Union nationale des CCAS (Unccas), a protesté sur twitter contre le fait que cette association – « la plus ancienne association de maires après l’AMF » – n’ait pas été invitée à Matignon pour débattre des mesures à venir. « Les CCAS, qui sont en première ligne dans la crise sanitaire, ne sont jamais consultés par le gouvernement », déplore le maire d’Alfortville.
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