L'Assemblée nationale adopte en première lecture le nouveau projet de loi sanitaire
Par Franck Lemarc
C’est au milieu de la nuit que les députés ont adopté, bien loin de l’unanimité, le projet de loi portant « diverses dispositions de vigilance sanitaire », par dix voix d’avance seulement (135 voix pour, 125 voix contre). Les débats ont essentiellement porté sur le principe même du projet de loi, à savoir la prolongation jusqu’à l’été prochain de l’arsenal juridique permettant de prendre des mesures d’exception.
« Si la situation l’exigeait »
Rappelons que ce texte n’impose pas le pass sanitaire jusqu’en juillet prochain. Il prolonge l’existence du cadre juridique le permettant. La période dite « de transition », pendant laquelle le gouvernement peut décider de mesures telles que l’état d’urgence sanitaire, le couvre-feu, le confinement, et l’usage du pass sanitaire pour accéder à certains établissements recevant du public, serait prorogée jusqu’au 31 juillet 2022 – au lieu, selon les cas, du 15 décembre ou du 31 décembre 2021.
Autrement dit, en l’état actuel des choses, le pass sanitaire ne sera imposé que jusqu’au 15 novembre prochain. Mais, si la situation devait se dégrader, le gouvernement pourrait à tout moment décider de sa réactivation. L’objectif étant notamment de pouvoir prendre des décisions rapidement en particulier pendant la période de vacance parlementaire qui précédera les élections présidentielle et législatives. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a résumé d'une phrase l’objectif du texte, devant les députés mardi : « Très schématiquement, le gouvernement demande donc aux parlementaires de lui permettre de prendre des mesures si la situation l’exige, jusqu’au 31 juillet 2022. » Ajoutant : « Nous ne sommes plus en état d’urgence sanitaire depuis plusieurs mois (…) mais nous souhaitons disposer de la possibilité de le faire à tout moment si la situation sanitaire l’exigeait. »
« Blanc-seing »
Les députés de l’opposition – et quelques-uns de la majorité – ont exprimé lors des débats leur opposition à ces dispositions. Philippe Gosselin, pour Les Républicains, a dénoncé un texte qui « enjambe la représentation nationale pendant dix mois », rappelant que l’Assemblée nationale « suspendra » ses travaux pendant la campagne, mais que cela ne signifie la « fin de son mandat », qui n’interviendra que le 17 juin. Lamia El Aaraje, pour le Parti socialiste, n’a pas dit autre chose : « Vous sollicitez de notre part un blanc-seing qui vous rende libre de faire exactement ce que vous souhaitez durant les huit mois et demi à venir. Une telle disposition n’est pas acceptable. »
Les élus de la France insoumise ont dénoncé un texte « liberticide et anxiogène », les députés communistes, un texte « répressif », qui « punit de cinq ans d’emprisonnement l’utilisation frauduleuse d’un faux pass sanitaire, c’est-à-dire autant que pour une agression sexuelle. »
Pas de territorialisation du pass
On se rappelle qu’en commission des lois, un amendement important avait été adopté (lire Maire info du 19 octobre), à l’initiative d’un député de La République en Marche, Pacôme Rupin. La commission avait accepté l’idée de « territorialiser » le pass sanitaire, c’est-à-dire de faire en sorte que s’il devait être réactivé après le 15 novembre, ce ne soit pas forcément à l’échelle nationale, mais à l’échelle des départements, sur un critère objectif et chiffré (le taux d’incidence pendant les 7 derniers jours).
Dès le début des débats, le rapporteur LaREM du texte, Jean-Pierre Pont, a sonné le glas de cette disposition en indiquant qu’elle ne lui semblait « pas appropriée » et pourrait « compromettre l’efficacité » du pass sanitaire. Le groupe majoritaire a donc proposé de supprimer cet amendement et de le remplacer par un autre qui, certes, encadre davantage le rétablissement du pass sanitaire mais ne reprend pas l’idée d’une territorialisation.
L’amendement adopté précise simplement que l’éventuel rétablissement du pass sanitaire ne doit se faire qu’au regard des indicateurs sanitaires « tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d’incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation » – ce qui paraît tout de même une évidence.
Le texte a finalement été très peu modifié en séance, puisque seulement sept amendements (en réalité quatre, puisque quatre amendements étaient similaires) ont été adoptés. Le plus notable est celui, proposé par le gouvernement, qui donnerait la possibilité aux directeurs d’établissements scolaires le droit d’accéder aux données épidémiologiques et aux données vaccinales de leurs élèves. Cette disposition, adoptée à près d’une heure du matin, a suscité la colère de certains députés qui ont accusé le gouvernement de supprimer en catimini le secret médical dans les établissements scolaires.
Rappelons que ce texte prévoit aussi de rétablir, dès sa promulgation, les règles dérogatoires en matière de réunions des organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements : ce sera donc le retour des conseils municipaux et communautaires « en tout lieu », possiblement en visioconférence, avec un quorum au tiers, etc. Mais attention, ces mesures ne prendront effet que lorsque le texte aura été publié au Journal officiel – et en attendant, les règles de droit commun, depuis le 1er octobre, ont été rétablies et doivent être appliquées.
Seul le député souverainiste Nicolas Dupont-Aignan a tenté, par amendement, de faire supprimer cette disposition, sans succès.
L’épidémie ne régresse plus
Sur le front de l’épidémie, on ne peut que constater que l’épidémie continue de ne plus diminuer. Un indice concret le prouve, d’ailleurs : alors que depuis trois semaines, chaque jeudi, un décret est publié donnant une nouvelle liste de départements dans lesquels les masques ne seront plus obligatoires dans les écoles élémentaires, aucun décret de ce type n’est paru ce matin.
Hier, au sortir du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement a annoncé qu’une mesure nouvelle était à l’étude : elle consisterait à « désactiver » le pass sanitaire pour les personnes vaccinées éligibles à une troisième dose mais qui ne l’auraient pas reçue. Aucune décision n’a encore été prise, et le gouvernement souhaite prendre l’avis du Conseil scientifique, mais nul doute que si le mesure devait être décidée, elle n’aurait pas fini de faire couler beaucoup d’encre.
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