Après la crise des Gilets jaunes, la nécessité de « préserver le lien social dans les territoires »
« Pertes d’emplois, disparition de services publics et de commerces de proximité, effondrement du prix de l’immobilier, ou encore délitement du lien social… » Les sources du « mal-être » dans les territoires à l’origine du mouvement des Gilets jaunes ne seraient pas tant liées à la dégradation du niveau de vie, le taux de pauvreté ou de chômage, qu'à l’apparition d’un sentiment de déclassement local. C’est ce que conclut une étude du Conseil d’analyse économique (CAE), centre de réflexion rattaché au Premier ministre, publiée hier et intitulée « territoires, bien-être et politiques publiques ».
Perte d’équipements et de lieux de sociabilisation
Dans cette note, les trois chercheurs qui en sont à l'origine ont cherché à analyser les « déterminants locaux » du mécontentement d’une partie de la population en étudiant cinq caractéristiques des conditions de vie locale : l’emploi, la fiscalité locale, les équipements privés et publics, l’immobilier et le lien associatif.
Si les évolutions économiques (déclin de l’emploi, baisse du niveau de vie dans une commune) jouent un rôle important dans le développement de ce mal-être, c’est également le cas de la perte d’équipements. Et notamment des commerces alimentaires, souvent le dernier commerce à fermer dans une ville. Ainsi, « les communes qui ont perdu leur dernière supérette sont plus susceptibles de connaître un évènement Gilets jaunes et une augmentation de l’abstention », selon les auteurs de l’étude. Si environ 8 % des communes n’ayant pas perdu de superette ont connu un mouvement de Gilets jaunes, ce sont près de 30 % de celles qui ont perdu la leur qui en ont connu un.
La distance par rapport aux équipements est également en cause. « De fait, les villes ayant perdu une supérette ou une épicerie sont systématiquement moins dotées en autres équipements que celles qui en ont conservé une », constate le CAE.
Il en va de même des secteurs de l’éducation et de la culture : « Une commune qui perd son lycée, sa librairie ou son cinéma a plus de risque de connaître un évènement Gilets jaunes ». La fermeture des équipements de santé, dont les maternités et les services d’urgence, conduit à un résultat similaire. « Plus généralement, c’est la perte des lieux de socialisation qui semble participer au mal-être des territoires mobilisés dans le mouvement des Gilets jaunes. A contrario, lorsque le tissu associatif local est plus dense, les expressions de mécontentement sont plus rares », résument les trois chercheurs. Et l’un d’eux de rappeler que « le mouvement des Gilets jaunes n'est pas un mouvement de pauvres, mais un mouvement de gens qui subissent le déclassement de l'endroit où ils vivent ».
« Redéfinir les objectifs des politiques territoriales » et supprimer les ZRR
Pour enrayer ce phénomène, le groupe de réflexion rattaché à Matignon préconise de « redéfinir les objectifs des politiques territoriales pour accorder plus de place aux critères de bien-être, de privilégier les projets initiés localement plutôt que des politiques centralisées et de favoriser l’accès aux services, qu’ils soient privés ou publics, afin de préserver le lien social dans les territoires ».
Ils recommandent ainsi de « se doter d’un outil de ciblage mesurant les évolutions des facteurs du bien-être local », de « privilégier l’accompagnement technique et financier à des projets initiés localement » et de « promouvoir le droit à l’expérimentation et à la différenciation pour la réalisation des projets ».
Ils suggèrent, en outre, de « supprimer les politiques d’exonérations fiscales », telles que les zones franches urbaines (ZFU) ou les zones de revitalisation rurale (ZRR), au regard « des effets faibles et incertains ». Les ZRR, notamment, ne semblent avoir produit « aucun effet significatif sur l’emploi ou la création d’établissements dans les zones défavorisées ». Les auteurs enjoignent donc d’utiliser ce budget pour les projets locaux destinés aux territoires ruraux, « dont l’allocation doit étroitement impliquer les élus au niveau local ».
Enfin, les auteurs de la note mettent en garde quant à la mise en place du réseau « France services » initiée par le président de la République à la suite du Grand débat pour faciliter les démarches administratives des Français. Pour le CAE, il faut « éviter la stratégie du « tout numérique », afin de préserver le lien social ». « Ces structures pourraient être polymorphes, hybrides et adaptées à chaque territoire » car « il importe de faire de ces lieux des espaces d’échange et de cohésion », insistent les trois chercheurs.
A.W.
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