Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 7 juillet 2020
Coronavirus

Le Conseil d'État suspend l'obligation d'autorisation préfectorale pour les manifestations

Le long feuilleton opposant le gouvernement aux syndicats et aux associations de défense des libertés se poursuit, avec un nouveau point marqué par les seconds au détriment du premier : le Conseil d’État a jugé hier que l’obligation d’obtenir une autorisation préfectorale pour organiser une manifestation, en période d’épidémie de covid-19, peut constituer une atteinte disproportionnée à la liberté de manifester. Il a donc suspendu cette disposition. À trois jours de la fin de l’état d’urgence sanitaire, toutefois, cette victoire est surtout symbolique. 
Rappel des épisodes précédents : depuis le début de l’état d’urgence sanitaire, les rassemblements et manifestations de plus de dix personnes sur la voie publique sont interdits. Mais le 13 juin, une première ordonnance du Conseil d’État a suspendu cette interdiction générale de manifester (à la suite d’un recours de plusieurs syndicats, de la Ligue des droits de l’homme et de SOS-Racisme notamment). Dès le 15 juin, le gouvernement a appliqué cette ordonnance en modifiant le décret du 31 mai 2020 : les manifestations et réunions de plus de 10 personnes étaient désormais toujours interdites en règle générale, mais « par dérogation (…) les cortèges, défilés et rassemblement de personnes, et, d’une façon générale, toutes les manifestations sur la voie publique (…) sont autorisés par le préfet de département si les conditions de leur organisation sont propres à garantir le respect des [mesures barrières] ». 
Autrement dit, la logique habituelle est inversée : en règle générale, les manifestations sont certes soumises à déclaration mais elles sont autorisées tant que le préfet ne les a pas interdites. Avec ce décret, c’est l’inverse : les manifestations sont interdites tant que le préfet ne les a pas autorisées.

« Doute sérieux » 
Les syndicats et associations qui ont à nouveau saisi le Conseil d’État estiment que cette disposition est toujours « une atteinte portée à la liberté de manifester, à l’expression collective des idées et des opinons et à la liberté syndicale ». 
Le juge des référés du Conseil d’État a rendu hier sa décision. S’il estime que « la situation sanitaire continue de justifier des mesures de prévention »  et reconnaît que « l’organisation de manifestations sur la voie publique dans le respect des ‘’mesures barrières’’ présente une complexité particulière », il fustige la logique « inversée »  du nouveau décret, qui conduit à ce que les manifestations soient interdites de fait (sauf lorsqu’elles sont autorisées ». De plus, relève le juge, « le décret ne prévoit pas de délai pour que le préfet rende une décision, ce qui peut empêcher les organisateurs de saisir le juge en temps utile ». Il existe donc « un doute sérieux sur le fait que cette nouvelle procédure ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté de manifester », estime le juge des référés, qui « suspend les dispositions qui prévoient cette procédure ». 
En revanche, le juge estime que « l’interdiction des rassemblements de plus de 5 000 personnes reste justifiée ». 
Quoi qu’il en soit, ces mesures – en dehors justement de l’interdiction des rassemblements de plus 5 000 personnes, qui restera en vigueur jusqu’au 31 août – vont prendre fin vendredi soir. Le décret qui fixe ces règles s’appelle, rappelons-le, « décret prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ». En toute logique, ces prescriptions prendront donc fin en même temps que l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire le 10 juillet à minuit. 

F.L.

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