Covid-19 : le « plan de la dernière chance » des maires du Dunkerquois
Alors que, comme Maire info l’expliquait hier, l’épidémie semble bien repartir à la hausse dans tout le pays, la situation reste critique dans le Nord et tout particulièrement dans la communauté urbaine de Dunkerque, où le taux d’incidence a atteint en début de semaine les 900 cas pour 100 000 habitants. Mais paradoxalement, ce n’est peut-être déjà plus sur Dunkerque même que l’attention doit se porter, mais sur les territoires alentours. Explications.
Inquiétude sur l’extension
À Dunkerque, le variant repéré en Grande-Bretagne a définitivement pris le dessus : selon les épidémiologistes, il représente 98 % des cas de covid-19 – alors que dans le reste du pays, selon les territoires, il oscille entre 30 et 40 % des cas. La question est donc, expliquent les experts, d’essayer de « freiner » le plus possible la diffusion de ce variant d’un territoire à l’autre, de façon à essayer d’étaler les pics de contamination et ne pas se retrouver dans une situation où celle-ci exploserait d’un bout à l’autre du territoire, rendant la tension dans les hôpitaux ingérable.
Car les pics de contamination peuvent être violents mais relativement brefs : c’est ce qu’explique à Maire info, ce matin, Bertrand Ringot, le maire de Gravelines, dans la communauté urbaine de Dunkerque. Le maire a mis en place dans sa commune un centre de dépistage ouvert 7 jours sur 7, qui a permis de tester en quelques jours quelque 2 000 personnes – sur 12 000 habitants. « Au plus fort de la vague, on est monté à des taux de positivité de 10 à 12 % », relate le maire – alors que ce taux est de 6,5 % à l’échelle nationale. Mais dès à présent, ces taux ont à nouveau baissé, revenant à des niveaux plus proches de la moyenne nationale. « L’inquiétude, c’est maintenant que cela se déplace, vers Calais, Saint-Omer… et demain vers Lille ». Hier, sur France info, un médecin du CHU de Lille, Philippe Froguel, alertait sur ce risque, expliquant que le taux de contamination à Dunkerque avait augmenté de 40 % en quelques jours seulement, avec un variant anglais qui a « remplacé tous les autres ». Ce dernier représente aujourd’hui, à Lille, « 40 % des contaminations ». Philippe Froguel estime que les 50 % seront passés en fin de semaine et que « dans 15 jours », Lille risque d’être « dans la situation de Dunkerque », avec un variant anglais hégémonique, ce qui induirait « une tension maximale dans tous les Hauts-de-France dans 15 jours à trois semaines ».
Plan en quatre points
Dans ce contexte, les maires de l’agglomération dunkerquoise estiment, d’une certaine manière, qu’il est déjà trop tard : Bertrand Ringot rappelle que les maires avaient demandé, « il y a dix jours », la fermeture des établissements scolaires, ce que le gouvernement n’avait pas accepté. « Dont acte… mais le variant a continué à progresser », regrette le maire. À présent, le territoire est entré dans les vacances scolaires, pour les quinze prochains jours, et la question de écoles est donc réglée.
C’est la raison pour laquelle les maires des 21 communes de la CUD (communauté urbaine de Dunkerque) ont trouvé « une forme de consensus » sur un « plan en quatre points », baptisé « plan de la dernière chance », afin d’essayer d’éviter un nouveau confinement qui pèserait profondément sur une population « à bout ».
Point essentiel de ce plan : « Développer la vaccination et obtenir des doses supplémentaires », comme cela a été décidé pour la Moselle et les Alpes-Maritimes. Autres mesures proposées : lancer une vaste campagne de communication pour demander aux habitants d’éviter tous rassemblements, y compris privés, et aux entreprises de proscrire les réunions en présentiel pour ne pratiquer que la visioconférence – « ce que nous, les élus, nous faisons déjà depuis longtemps », remarque Bertrand Ringot. Les élus demandent également aux entreprises de faire un effort supplémentaire pour développer encore le télétravail.
Enfin, les maires demandent que le préfet impose le port du masque sur l’ensemble de l’espace public de la communauté urbaine, sauf pour les activités sportives et les personnes handicapées. En effet, les décisions du préfet en la matière sont, en réalité, difficiles à comprendre et à appliquer. On pourrait croire que cette obligation est déjà une réalité, puisque la préfecture a édicté le 17 février un arrêté intitulé « Obligation du port du masque sur l’ensemble des communes du département du Nord ». Mais en réalité, l’arrêté n’impose le port du masque que dans un certain nombre de zones : zones piétonnes, galeries commerciales, marchés, espaces verts, bords de l’eau, zone de 50 m autour des établissements scolaires, etc. Dans la pratique, ces mesures sont « trop compliquées », juge le maire de Gravelines, et de ce fait, inefficaces. C’est pourquoi les maires demandent une obligation générale – comme cela existe, du reste, dans bien des départements.
Naturellement, les maires pourraient prendre des arrêtés imposant le port du masque sur le territoire de leur commune, mais les mésaventures de certains maires qui s’y étaient déjà essayés, par le passé, et ont vu leur décision cassée par le Conseil d’État à la demande des préfets, ne poussent pas dans cette direction. De plus, ajoute Bertrand Ringot, il se pose la question du contrôle. « Si je prends une telle décision, bon courage à mes six policiers municipaux pour la faire respecter ! Alors que pour une décision prise par le préfet, ce seront les forces de l’ordre nationales qui pourront contrôler. »
Que va décider le gouvernement à présent ? Les élus du Dunkerquois le sauront aujourd’hui, avec la visite prévue du ministre de la Santé, Olivier Véran, qui échangera avec les maires lors d’une visioconférence à 13 heures.
Naturellement, bien que ce ne soit pas leur choix préféré, les maires de l’agglomération ont fait savoir depuis hier que si le gouvernement choisit la solution du confinement, ils comprendront ce choix et le feront respecter.
Couvre-feu à La Réunion
Sous d’autres climats que dans les Hauts-de-France, la situation se dégrade également : hier, le préfet de La Réunion, Jacques Billant, a décidé d’instaurer un couvre-feu sur l’ensemble de l’île – alors que celui-ci n’était, depuis le 13 février, en vigueur que dans quatre communes sur 24 (Le Port, La Possession, Saint-Leu et Saint-Louis). Le couvre-feu sera néanmoins moins dur qu’en métropole, puisqu’il n’entrera en vigueur qu’à 22 heures.
Il s’agit d’une réaction à l’inquiétante progression du virus et en particulier de son variant apparu en Afrique du sud, dont 79 cas ont été repérés sur l’île (pour seulement 10 cas du variant repéré en Grande-Bretagne). Dans son arrêté publié hier, le préfet annonce que l’île, avec un taux d’incidence de 94 pour 100 000, « s’approche » du seuil des 100 pour 100 000 et que les indicateurs « présentent des signes importants d’un rebond épidémique » – d’où l’extension du couvre-feu à toute l’île.
Initiative intéressante à noter à La Réunion : la préfecture donne de la visibilité aux habitants comme aux élus en indiquant les mesures qui pourraient être prises à l’avenir, si l’épidémie continue de progresser. Avec un taux d’incidence à 100 pour 100 000 habitants, le couvre-feu est instauré à 22 h – c’est ce qui s’est passé hier. À 125, le couvre-feu sera avancé à 18 h, avec possibilité de confinements « territorialisés ». Au-delà de 150, le préfet instaurera un « confinement généralisé » de l’île.
Au moins les habitants savent ce qui les attend. Selon la presse locale, la prochaine étape pourrait être franchie dès la semaine prochaine.
Franck Lemarc
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