« Éviter une deuxième vague », l'enjeu de la « première phase » de déconfinement du 11 mai au 2 juin
« Si tout est prêt », la France entrera, le 11 mai, dans « la première phase » de son « déconfinement progressif », a annoncé, hier à l’Assemblée nationale, le Premier ministre. « C’est en gravissant des marches de trois semaines que nous allons avancer ». Jusqu’au 2 juin, le plus grand « risque », celui d’une « seconde vague » de l’épidémie de covid-19 (23 660 morts au 28 avril en France), sera surveillé comme le lait sur le feu. « Un risque sérieux, un risque qu’il faut prendre au sérieux », selon Édouard Philippe, dont la stratégie nationale a été approuvée hier par 368 députés (100 ont voté contre et 103 se sont abstenus).
L’équation est à multiples inconnues. Dès lors que le confinement s’est révélé être un « instrument efficace » pour « ralentir la circulation du virus » et que le taux de Français à l’avoir contracté est faible (5,7 % au 11 mai selon l’Institut Pasteur), comment empêcher une recrudescence de l’épidémie une fois le confinement levé ?
« Le port du masque dans certaines conditions »
Édouard Philippe fait le pari du « triptyque : protéger, tester, isoler ». Le respect des gestes barrières (distanciation physique, lavage des mains) sera toujours encouragé après le 11 mai. Mais ce n’est pas tout. « À cela, il conviendra d’ajouter, et je dis bien d’ajouter, le port du masque dans certaines situations » (transports en commun, en permanence pour les collégiens et les enseignants dans les établissements scolaires...). Un changement de pied de l’exécutif - jusque-là peu enclin à encourager le port du masque en population générale - qu’Édouard Philippe tente de justifier : « Les scientifiques ont eux-mêmes évolué. Au début, beaucoup nous disaient que le port du masque en population générale n’était pas nécessaire. Et nous l’avons donc répété, je l’ai dit. Ils nous disent aujourd’hui, parfois les mêmes, qu’il est préférable, dans de nombreuses circonstances de porter un masque plutôt que de ne pas en porter. Il me revient donc de le dire, et de faire en sorte que cela soit possible ».
Selon Matignon, la France reçoit désormais « près de 100 millions de masques chirurgicaux par semaine » et « près de 20 millions de masques grand public lavables » sont escomptés à compter de mai. Rien ne dit, toutefois, que cela soit suffisant. C’est la raison pour laquelle l’État soutiendra « financièrement les collectivités locales qui achètent à compter de ce jour des masques grand public en prenant en charge 50 % du coût des masques dans la limite d’un prix de référence ». Et le Premier ministre de poursuivre : « L’État et les collectivités locales assureront la protection de leurs personnels, en particulier ceux qui sont en contact avec le public. Les préfets disposeront d’une enveloppe locale pour soutenir, avec les départements et les régions, les plus petites collectivités. Les personnels de l’éducation et les élèves des collèges recevront également des masques ». Cinq millions de masques lavables seront, en outre, réservés aux plus démunis (lire article ci-dessous). « Grâce à la mobilisation de tous, il y aura donc assez de masques dans le pays pour faire face aux besoins à partir du 11 mai », promet le chef du gouvernement.
700 000 tests virologiques par semaine au 11 mai
Deuxième volet de la doctrine du gouvernement, la massification des tests est en cours, assure Édouard Philippe. « Nous nous sommes fixés l’objectif de réaliser au moins 700 000 tests virologiques (pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie) par semaine au 11 mai ». Un chiffre obtenu à partir des prévisions du Conseil scientifique, qui table entre 1 000 et 3 000 cas nouveaux de covid-19 chaque jour à partir du 11 mai. « 700 000 nous donne la marge qui nous permettra, en plus des tests des chaînes de contamination de mettre en œuvre des campagnes de dépistage comme nous l’avons déjà engagé pour les Ehpad notamment ».
Ces 700 000 tests bénéficieront, en premier lieu, aux personnes symptomatiques mais aussi à toutes les personnes en contact avec elles. « Dès lors qu’une personne aura été testé positive, nous engagerons un travail d’identification et le test de tous ceux, symptomatiques ou non, qui auront eu un contact rapproché avec elle. Tous ces cas contacts (« jusqu'à 30 cas en moyenne» , parmi lesquels « beaucoup d'asymptomatiques » ) seront testés et seront invités à s’isoler, compte tenu des incertitudes sur la durée d’incubation ». Dans chaque département, des brigades seront « chargées de remonter la liste des cas contacts, de les appeler, de les inviter à se faire tester en leur indiquant à quel endroit ils doivent se rendre, puis à vérifier que ces tests ont bien eu lieu », a détaillé Édouard Philippe, reculant, provisoirement au moins au passage, sur la mise en service de l’application StopCovid pour remonter la chaîne de contamination (lire Maire info du 21 avril). « Le débat est un peu prématuré. Mais je confirme mon engagement : lorsque l’application en cours de développement fonctionnera et avant sa mise en œuvre, nous organiserons un débat spécifique, suivi d’un vote spécifique ».
Les porteurs du virus seront ensuite isolés : il s'agit du dernier volet de la doctrine. « Nous prévoirons des dispositifs de contrôle, s’ils devaient être nécessaires, mais notre objectif est de nous reposer largement sur le civisme de chacun ». Il reviendra, par ailleurs, aux préfets et aux collectivités territoriales de « définir ensemble, avec les acteurs associatifs, les professionnels de santé, les acteurs de la prise en charge à domicile, le plan d’accompagnement des personnes placées dans cette forme d’isolement. Nous laisserons le choix à la personne testée positive de s’isoler chez elle, ce qui entraînera le confinement de tout le foyer pendant 14 jours, ou bien de s’isoler dans un lieu mis à sa disposition, notamment dans des hôtels réquisitionnés ».
Un « déconfinement progressif » département par département ?
Cette doctrine sera appliquée avec plus ou moins d’intensité dans les départements, qui n’ont « pas tous été touchés de la même manière par l’épidémie ». « Il est donc logique que nous proposions un cadre de déconfinement adapté aux réalités locales de l’Hexagone comme de l’Outre-Mer », en déduit le Premier ministre.
Très concrètement, trois indicateurs, « cristallisés le 7 mai », détermineront, pour chaque département, si le déconfinement doit se poursuivre ou, si au contraire, il doit « prendre une forme plus stricte ». Édouard Philippe a, en effet, précisé que le déconfinement serait renforcé dans les départements dans lesquels « le taux de cas nouveaux dans la population sur une période de 7 jours, reste élevé, ce qui montrerait que la circulation du virus reste active », « les capacités hospitalières régionales en réanimation restent tendues » et « le système local de tests et de détection des cas contacts ne soit pas suffisamment prêt ».
En fonction des résultats de ces indicateurs, certains départements basculeront le 11 mai en catégorie « rouge » (circulation du virus élevée) quand d’autres basculeront en catégorie « vert » (circulation limitée).
Dès demain, le Directeur général de la santé présentera tous les soirs la carte avec ces résultats, département par département. « Cette carte guidera ainsi chaque département dans la préparation du 11 mai, en rappelant l’objectif d’un confinement strict, pour faire baisser la circulation du virus, mais aussi le besoin de remettre sur pied le système hospitalier et de mettre en place un système de tests et de détection des cas contacts efficaces », a conclu le Premier ministre.
Ludovic Galtier
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