Déconfinement : un rôle considérable donné aux maires
Depuis que le déconfinement est évoqué, il est clair que dans l’esprit du gouvernement, le « couple maire-préfet », selon l’expression du Premier ministre, sera au centre de nombreuses décisions. Beaucoup de choses vont reposer sur les épaules des maires – ce qui ne va pas sans poser des problèmes.
Dans son discours d’une heure, hier, le Premier ministre a prononcé six fois les mots « maires » ou « mairie », neuf le mot « collectivités », deux le mot « élus ». La doctrine est claire : les différences de circulation du virus étant très différentes d’un département à l’autre, il convient de « ne pas appliquer le même schéma dans des endroits où la situation n’est objectivement pas la même, (…) pour laisser aux autorités locales, notamment aux maires et aux préfets, la possibilité d’adapter la stratégie nationale en fonction des circonstances. » Les maires auront à la fois à assumer des tâches générales, en tant que représentants de l’État dans leur commune, et à la fois à faire des choix particuliers, dont certains pourront s’avérer difficiles.
Protection
En tant qu’employeurs publics, les maires devront veiller à « protéger leurs personnels, en particulier ceux qui sont en contact avec le public ». Ils devront donc s’approvisionner en masques et en gel hydroalcoolique. Une « enveloppe » va être allouée aux préfets pour « soutenir les plus petites collectivités » dans cet effort.
Par ailleurs, les collectivités seront aussi soutenues pour l’achat de masques grand public : l’État prendra en charge 50 % des achats de ces masques effectués par les collectivités (« dans la limite d’un prix de référence » ).
Sur les masques toujours, une « enveloppe hebdomadaire de 5 millions de masques lavables » va être réservée pour être distribuée aux personnes en grande précarité. Cette distribution se fera en coordination avec les maires, « via les CCAS et les acteurs associatifs ».
Les mairies seront également sollicitées pour la mise en œuvre des « brigades » qui vont être chargées de « tracer les contacts » de toutes les personnes infectées, afin de les contacter et de les inviter à se faire tester. À la fin de son discours, Édouard Philippe a indiqué que ces brigades devront être « renforcées » en accueillant « des personnels des CCAS et des mairies ».
Enfin, les personnes qui seront placées à « l’isolement » après avoir été testées positives au covid-19 devront être accompagnées. Les collectivités seront invitées à participer à cet effort, en aidant à définir « les acteurs de la prise en charge à domicile et le plan d’accompagnement ».
« Maximum de souplesse »
Les maires et leurs équipes auront, par ailleurs, à faire un certain nombre de choix, en s’appuyant sur leur connaissance du terrain. C’est le cas, par exemple, des marchés, puisqu’il leur reviendra après le 11 mai de décider si un marché peut se tenir ou pas – la règle générale étant l’ouverture, contrairement à ce qui se passe en ce moment.
C’est certainement dans le domaine de l’éducation et de la petite enfance que les maires auront le plus de latitude – ce dont certains se demandent si ce n’est pas un cadeau empoisonné. En matière d’éducation, le Premier ministre a dit vouloir « laisser le maximum de souplesse au terrain », afin que « les directeurs d’école, les parents d’élève et les collectivités locales » trouvent ensemble « les meilleures solutions ». Un protocole est actuellement en cours de rédaction, et sera présenté vendredi. Les maires estiment avoir été « entendus », juge-t-on ce matin à l'AMF.
Concernant les crèches, ce seront les collectivités qui définiront les règles d'accueil, alors que celui-ci sera limité à 10 enfants par espace : hier, Édouard Philippe l’a dit clairement : « Il n’appartient pas à l’État de définir ces critères à la place des gestionnaires. »
Bien d’autres questions vont se poser dans les jours et les semaines qui viennent, en particulier sur la réouverture des structures d’accueil et des écoles : que faire face à des cas ou des suspicions de cas dans les écoles et dans les crèches ? Que faire si les structures ne disposent pas de suffisamment de masques ou de produits de bionettoyage, voire de personnel en nombre suffisant pour assurer celui-ci ? La décision des maires d’ouvrir ou non une structure pouvant avoir des conséquences lourdes en matière de santé publique, de quelle protection juridique bénéficieront-ils ?
Ces questions ont été évoquées dès ce matin, lors d'une réunion entre le Premier ministre et les associations d’élus, dont Maire info rendra compte précisément demain. D'après nos premières informations, le Premier ministre se serait montré « à l'écoute » des demandes des maires, notamment celle exprimée par François Baroin pour l'AMF, qui a demandé que, dans la relation préfets-maires, ces derniers soient écoutés et respectés. Point important : selon nos informations, le gouvernement serait prêt à discuter de la proposition de loi déposée par le sénateur Hervé Maurey, visant à assurer la sécurité juridique des maires pendant cette crise. Plus de détails dans Maire info de demain.
F.L.
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