Congé maternité des maires : le gouvernement veut faire évoluer la loi
Par Franck Lemarc
La maire de Poitiers, Léonore Moncond’huy, a interpellé récemment l’AMF et la ministre Dominique Faure sur les conditions de son départ en congé maternité, comme Maire info le relatait le 22 février dernier. La maire faisait plusieurs constats : tout d'abord, celui d’une perte de revenus importante, du fait de l’impossibilité de percevoir ses indemnités de fonction pendant son congé maternité, et du fait qu’elle est maire à plein temps, sans autre activité professionnelle. Son revenu, pendant cette période, sera donc strictement réduit aux indemnités journalières de l’Assurance maladie.
Par ailleurs, la maire de Poitiers a fait état des difficultés qu’elle a rencontrées pour son remplacement, dans la mesure où l’employeur de l’adjoint qui devait assurer la suppléance pendant son congé maternité a refusé de « suspendre son emploi » pour lui permettre « d’exercer pleinement la fonction de maire de façon provisoire ».
Comme Maire info l’expliquait jeudi dernier, l’AMF s’est saisie de ces sujets et entend porter, dans le cadre du débat qui va avoir lieu au Parlement dans les semaines à venir sur le statut de l’élu, plusieurs amendements pour permettre de régler ces difficultés.
Indemnités : le gouvernement veut faire évoluer la loi
Le gouvernement souhaite apparemment faire de même, sur la question des indemnités.
Dominique Faure, dans un courrier qu’elle a adressé à la maire de Poitiers le 24 février, rappelle la situation : une élue en congé maternité perçoit bien les indemnités journalières de la Sécurité sociale. Mais contrairement à ce qui se passe dans le secteur privé, elle ne peut pas toucher un « ''complément employeur'' qui vient s'ajouter le cas échéant aux indemnités journalières pour maintenir le niveau de rémunération du salarié pendant son congé ». En effet, poursuit la ministre, « les collectivités territoriales ne peuvent mettre en place un tel mécanisme, à l'heure actuelle, que pour les élus n'ayant pas interrompu toute activité professionnelle ». Dans le cas des maires à plein temps, qui n’ont plus d’activité professionnelle autre, il est impossible « à l’heure actuelle » de compléter les indemnités journalières.
Les choses devraient changer, puisque la ministre annonce que le gouvernement « estime nécessaire une évolution législative » sur le sujet et la « portera » dans le cadre de l’examen des propositions de loi sur le statut de l’élu qui vont être discutées prochainement (le texte du Sénat va être débattu à partir du 5 mars). Le gouvernement entend ainsi « donner un signal clair de (sa) volonté de permettre aux élus de prendre leur congé sans perte d'indemnités ».
La ministre aborde également la question des frais de garde. Elle rappelle que les élus peuvent bénéficier de deux dispositifs « alternatifs » : d’une part, les collectivités doivent obligatoirement rembourser les frais de garde des élus, pour leur permettre d’assister aux réunions liées à l’exercice de leur mandat (avec compensation intégrale de l’État dans les communes de moins de 3 500 habitants). D’autre part, « les exécutifs locaux peuvent bénéficier d'une aide financière pour le financement des chèques emploi-service universel ».
La ministre annonce qu’une évolution législative est, là encore, envisagée, pour étendre la compensation de l’État aux communes de moins de 10 000 habitants.
Soulignons néanmoins que cette disposition ne concerne pas une élue en congé maternité dès lors que celle-ci n’a pas, dans ce cadre, le droit de se rendre aux réunions liées à son mandat, la cessation de l’exercice du mandat pendant une période minimale de huit semaines devant être strictement respectée pour percevoir les indemnités journalières. Contrairement aux arrêts maladies, il n’existe pas à ce jour de disposition permettant à un médecin d’autoriser une élue en « congé mat’ » à assister à des réunions liées à l’exercice de son mandat – l’AMF compte d’ailleurs tenter de faire également évoluer ce point.
Remplacement : obligations de l’employeur... ou pas ?
Reste la question du remplacement. La maire de Poitiers a écrit, dans son courrier à David Lisnard, le président de l’AMF : « J’ai pu constater (que) l’employeur de l’adjoint assurant le remplacement n’est nullement obligé de prendre en compte la nécessité pour ce dernier de suspendre son emploi pour exercer la fonction de maire. »
Pour la ministre, ce n'est pas exact. Elle écrit en effet que « l’élu qui assurera l’intérim bénéficie, s’il est salarié, des dispositions du Code du travail relatives aux droits des salariés élus membres de l'Assemblée nationale et du Sénat. Celles-ci prévoient le droit à suspension du contrat de travail. Dès lors que l'élu remplit la condition d'ancienneté (un an), son employeur est tenu de faire droit à sa demande d'interruption afin d'exercer ses fonctions au sein de l'exécutif local. »
À première vue, cela semble bien être le cas. L’article L3142-83 du Code du travail dispose en effet, d’une part, que « le contrat de travail d'un salarié membre de l'Assemblée nationale ou du Sénat est, sur sa demande, suspendu jusqu'à l'expiration de son mandat, s'il justifie d'une ancienneté minimale d'une année chez l'employeur à la date de son entrée en fonction. » Et, surtout, l’article L3142-88 précise que « les maires et les adjoints aux maires » bénéficient des mêmes dispositions.
Le Code général des collectivités locales, à l’article L2123-9, le confirme : « Les maires, d'une part, ainsi que les adjoints au maire, d'autre part, qui, pour l'exercice de leur mandat, ont cessé d'exercer leur activité professionnelle, bénéficient, s'ils sont salariés, des dispositions des articles L. 3142-83 », autrement dit, de l’obligation pour l’employeur de suspendre le contrat de travail si l’élu en fait la demande et à condition qu’il ait plus d’un an d’ancienneté. Le Code du travail prévoit également un droit à réintégration à l’expiration du mandat « dans son précédent emploi ou un emploi analogue assorti d’une rémunération équivalente ». Le CGCT précise même que ce droit est assuré « jusqu'à l'expiration de deux mandats consécutifs ».
Mais pourtant, il n'est pas évident que ces dispositions puissent s'appliquer, en l'espèce. Selon les services de l'AMF, interrogés par Maire info sur ce point, ces dispositions seraient prévues pour s'appliquer sur la totalité d'un mandat – l'article du Code du travail précisant bien que la suspension s'applique « jusqu'à l'expiration du mandat ». La question serait donc de savoir si cet article pourrait être interprété comme permettant une suspension provisoire du contrat de travail, avec réintégration alors que le mandat n'est pas terminé – puisqu'une fois la maire revenue en fonction, le mandat de l'adjoint se poursuivra.
Cette interprétation courante de la loi est-elle toujours valable ? Ou le ministère en propose-t-il une autre ? Maire info a interrogé le cabinet de la ministre sur ce sujet, et tiendra ses lecteurs informés de la réponse, qui n'est pas sans importance, dès que possible. À suivre.
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