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Édition du mardi 21 mai 2024
Catastrophes

Catastrophes naturelles : le Sénat fait des propositions pour un régime d'indemnisation réformé

Le rapport de la mission de contrôle sur le régime CatNat a été dévoilé vendredi. La sénatrice Christine Lavarde formule 16 propositions pour « financer le régime sur le long terme » et « renforcer la politique publique de prévention des risques naturels majeurs ». Une proposition de loi sera déposée dans les prochains jours.

Par Lucile Bonnin

Selon la Fédération France assureurs, l’année 2023 a été « la troisième la plus grave en termes de sinistres climatiques après 1999 et 2022 ». Les catastrophes naturelles ont coûté 6,5 milliards d’euros en 2023. Et les évènements climatiques dévastateurs devraient s’intensifier dans le futur. Selon la Caisse centrale de réassurance, « le coût de la sinistralité devrait augmenter d’environ 40 % à l’horizon 2050, et de 60 % si l’on intègre la progression des enjeux assurés. Rien que le coût de la sinistralité « sécheresse »  représenterait 43 milliards d’euros entre 2020 et 2050, contre 13,8 milliards d’euros les trente années précédentes. » 

C’est dans ce contexte que la commission des finances du Sénat a lancé une mission de contrôle budgétaire sur le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Ainsi, vendredi, la sénatrice Christine Lavarde a présenté les conclusions de son rapport d’ores et déjà adopté en commission des finances. 16 propositions ont été formulées pour « prévenir une catastrophe financière annoncée ». 

Pour rappel, le régime CatNat intègre notamment « les inondations, les séismes, les cyclones (outre-mer) ainsi que le risque retrait-gonflement des argiles (RGA), mais pas les incendies, les tempêtes, la grêle et la neige, dans la mesure où ces risques sont déjà couverts par des contrats d’assurance ordinaires ». 

Indemnisation du RGA 

Si, comme le pointe le rapport, le régime CatNat permet « une couverture assurantielle large et efficace », « son équité »  est cependant contestée. En effet, « la question se pose tout d’abord de savoir jusqu’à quel niveau de surprime le principe de mutualisation intégrale du régime demeurera acceptable » . Rappelons que fin 2023, Bercy avait annoncé le relèvement de la surprime CatNat de 12 % à 20 % à partir de 2025 pour tous les assurés. La sénatrice recommande ainsi la création d’un mécanisme de revalorisation automatique du taux de surprime CatNat. 

C’est surtout au niveau du traitement des sinistres liés au retrait-gonflement des sols argileux (RGA) que le financement du régime risque d’apparaitre comme inadapté. La rapporteure constate que « de nombreuses communes touchées par la sinistralité sécheresse se voient refuser l’éligibilité au régime CatNat puisqu’en moyenne seules 50 % de celles qui ont déposé une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle l’obtiennent. Ensuite, un nouveau filtre diminue drastiquement le périmètre de la couverture des dommages par le régime dans la mesure où environ la moitié des dossiers d’indemnisation déposés par les personnes victimes d’un sinistre sont classés sans suite par les experts mandatés par les sociétés d’assurance. » 

La mission préconise d’assouplir les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour les communes victimes du phénomène de RGA. L'ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 visant à simplifier le dispositif de reconnaissance et d’indemnisation des conséquences des sécheresses sur le bâti a fait une partie du travail, mais il faut aller plus loin. Rappelons aussi que le gouvernement via une circulaire du ministère de l’Intérieur datée du 29 avril 2024, a mis en œuvre deux dispositions : l’une vise à réduire la période de retour du critère météorologique, en le faisant passer de 25 à 10 ans, et l’autre à assouplir les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour les communes limitrophes du territoire d’une autre commune elle-même reconnue.

Ces évolutions sont jugées « indispensables »  par les sénateurs qui pointent au passage « l’absolue nécessité, en collaboration avec Météo-France, d’améliorer de façon substantielle la qualité et la précision de la mesure du critère météorologique permettant de caractériser le phénomène de RGA ». 

L’ordonnance du 8 février 2023 a aussi prévu l’obligation, pour les sinistrés victimes du risque RGA, d’utiliser le montant de l’indemnisation pour réparer les dommages occasionnés sur leur habitation. La rapporteure recommande en la matière de « rétablir le principe de libre utilisation des indemnités d’assurance pour l’ensemble des sinistres provoqués par des catastrophes naturelles ».

Cependant ce principe de libre utilisation peut créer des « effets indésirables »  notamment avec des « cas de figures dans lesquels des propriétaires vendraient ou mettraient en location des biens sinistrés qui n’auraient pas été remis en état selon les prescriptions de l’expertise. Pour éviter ces phénomènes, les propriétaires qui feraient le choix d’utiliser leur indemnisation pour déménager ailleurs devraient avoir l’obligation de céder leur bien à titre gracieux à la commune sur le territoire duquel il se trouve. Dans un deuxième temps, le fonds Barnier pourrait être mobilisé pour participer au financement des opérations de démolition et de remise en état des terrains concernés ».

Plusieurs autres propositions ont été formulées pour repenser le régime CatNat comme l’instauration d’une présomption de refus d’assurer pour motif d’exposition aux catastrophes naturelles dans les zones exposées en cas de saisine du Bureau central de tarification ou encore l’inscription dans la loi du principe du paiement unique de la franchise d’assurance lors de la succession rapide de plusieurs catastrophes naturelles. 

Agir en matière de prévention 

Ce rapport place la prévention au cœur de la réforme du régime CatNat. Pour Christine Lavarde, il apparaît essentiel de « renforcer les règles de construction en zones exposées au phénomène de RGA afin de prévenir la survenance de sinistres sur les maisons neuves. »  Notons que ce renforcement « des contrôles relatifs à l’application des règles de construction introduites par la loi Élan avait également été recommandé par la Cour des comptes dans un rapport de 2022 ».

D’autres recommandations importantes portent sur le fonds Barnier. La commission des finances est par exemple favorable à ce que le fonds Barnier soit étendu « à des mesures de prévention ciblées pour le risque sécheresse et le recul du trait de côte » . La rapporteure propose également de « réintroduire une cohérence entre les prélèvements sur les contrats d’assurance et le montant du fonds Barnier ». Pour ce faire, il faudrait « inscrire chaque année sur le programme 181 un montant de financement du fonds Barnier cohérent avec les sommes collectées au titre de l’article 235 ter ZE du code général des impôts. Retracer le montant de cette taxe dans le projet annuel de performance de la mission « Écologie, mobilité et développement durable », et justifier le financement de la politique de prévention des risques au regard de ce montant ».

Enfin, la mission pointe une incohérence concernant le dispositif MaPrimeRenov’ : les logements très fortement exposés aux risques peuvent en effet bénéficier des subventions de rénovation énergétique. La sénatrice estime qu’il est nécessaire de conditionner MaPrimeRénov’ à la réalisation de travaux de prévention des risques. Un prêt à taux zéro « résilience »  pourrait être créé pour aider au financement des dépenses de prévention des risques des particuliers. 

Une proposition de loi reprenant ces principales préconisations devrait être déposée au Sénat dans les jours qui viennent. 

Consulter l'Essentiel du rapport. 

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