Budget : le Sénat rejette le projet de loi de finances pour 2022, le second budget rectificatif définitivement adopté
Par A.W.
Un petit tour et puis s’en va... Les sénateurs ont rejeté, mardi, la partie « recettes » du dernier projet de loi de finances (PLF) du quinquennat d’Emmanuel Macron, entraînant la fin prématurée de l’examen du texte dans l’hémicycle et la non-adoption d’amendements pourtant déjà votés.
Critiqué pour être un « budget de campagne électorale », le texte a été rejeté par 237 voix (contre 52 pour) à la fois par la majorité de droite, mais aussi par les groupes PS, CRCE (à majorité communiste) et écologiste, tandis que le groupe centriste n'a pas pris part au vote. Seuls les groupes RDPI (à majorité LaREM), RDSE (à majorité radicale) et Indépendants l’ont ainsi soutenu.
Ce vote négatif prive donc les sénateurs de deux semaines de débats sur l'affectation des dépenses. Le texte repartira à l'Assemblée dans sa version adoptée en première lecture par les députés, pour une nouvelle lecture prévue le 10 décembre.
Une « folie dépensière »
Revendiquant avoir « voulu sortir du train-train budgétaire pour tirer un signal d'alarme auprès de nos compatriotes », le chef de file des sénateurs Les Républicains, Bruno Retailleau, a défendu un « acte politique » à la fois « solennel, grave et rare ».
Qualifiant de « folie dépensière » et d’« indéfendable » ce projet de budget du gouvernement, il a quantifié ce qu'il considère comme une « dérive » de celui-ci à « 100 milliards d'euros de dépenses ordinaires et non de dépenses covid ». « Nous visons l'accumulation des déficits, sociaux et budgétaires, sans précédent, qui gonfle notre endettement au point de faire de la France un risque systémique de l'Europe […]. Nous visons les 42 annonces depuis l'été, pour 25 milliards d'euros : 400 millions d'euros par jour depuis septembre ! Certes Noël est proche, mais les Français ne sont pas les ravis de la crèche. Nous ne voulons pas qu'ils soient les dindons de la farce », a fustigé le sénateur de Vendée, justifiant son choix : « Nous n'irons pas plus loin parce que vous êtes allez trop loin ! ».
La majorité sénatoriale a donc rejeté « l'article d'équilibre » présenté par le ministre en charge des Comptes publics, Olivier Dussopt, et qui constitue la clé de voûte du budget.
Assurant que le « quoi qu'il en coûte » était bien « terminé », l’ancien maire d’Annonay a de son côté estimé que c’est la Haute Assemblée qui a « dégradé » le solde de l'État, « en particulier en accroissant les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales » et, ce, pour « compenser […] la baisse de recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), instaurer […] un régime de versement en N+1 pour le FCTVA et augmenter […] la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) au titre de la défense contre l'incendie ».
« Sabotage »
Ainsi, à l'issue de l'examen de la première partie par le Sénat, « le déficit de l'État s'aggrave de 900 millions d'euros, à 156,1 milliards d'euros », a fait valoir Olivier Dussopt avant le vote de la première partie du texte.
Le groupe LR aurait ainsi « décidé de saboter l'examen de la deuxième partie du PLF » et « préfère faire campagne plutôt que d'endosser leur fonction de parlementaires », a ainsi chargé le sénateur de l’Isère Didier Rambaud (RDPI).
Si la centriste Sylvie Vermeillet (Jura) a simplement « regretté » ne pas pouvoir aller au bout de la discussion budgétaire, la gauche a, de son côté, attaqué à la fois le texte du gouvernement et la position de la majorité sénatoriale. « Un budget marqué par l'entêtement du gouvernement à ménager les grandes entreprises et les plus riches de nos concitoyens », a jugé le sénateur socialiste Rémi Féraud (Paris), pointant le manque de « cohérence » de la majorité sénatoriale qui a « rejet[é] les recettes alors qu'elle en a adopté tous les articles, parfois en les modifiant ».
CVAE, DETR, DPEL… Des dispositions finalement non portées
En effet, les sénateurs avaient notamment approuvé le « bouclier tarifaire » du gouvernement qui permet de geler les tarifs réglementés du gaz et limiter à 4 % celui de l'électricité.
Concernant les collectivités, ceux-ci avaient voté toute une batterie de mesures, comme l’intégration des pertes de recettes tarifaires subies par les communes rurales au dispositif de compensation des pertes fiscales et domaniales du bloc communal liées à la crise sanitaire. Dans ce cadre, ils avaient aussi décidé de compenser les pertes de recettes de CVAE subies en 2022, par les départements, les communes et les EPCI.
En outre, ils étaient revenus sur les nouvelles minorations de variables d’ajustement en 2022 et sur le plafonnement du prélèvement sur recettes de compensation de la réforme du versement transport, ils avaient abondé la DETR (afin de couvrir le besoin de financement de la refonte de la défense extérieure contre l’incendie) ou encore supprimé la condition de potentiel financier de manière à ce que la dotation particulière « élu local » (DPEL) soit versée à l’ensemble des communes de moins de 1 000 habitants. Des attributions de TICPE à certaines collectivités étaient également prévues.
« S'il est parfois difficile au Sénat de faire entendre sa voix, ses propositions, dans ce budget, ne seront pas portées », a ainsi souligné Olivier Dussopt.
À noter que la conférence des présidents du Sénat va inscrire à l'ordre du jour une série de débats budgétaires sur plusieurs grandes thématiques afin de combler les jours initialement dévolus à l’examen de la partie « dépenses » du projet de budget.
Le PLFR 2021 définitivement adopté
Par ailleurs, l'Assemblée a définitivement adopté, hier soir, le second projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021 et par là même l’indemnité de 100 euros annoncée par Jean Castex afin de soutenir 38 millions de Français face à l’augmentation des prix, notamment de l’énergie. Toujours sans que l'on sache précisément, côté employeurs territoriaux, comment le versement de cette indemnité va s'organiser concrètement.
Du côté des collectivités, ce PLFR de fin de gestion redéploie toute une série de crédits au sein du plan France relance et intègre, notamment, une nouvelle compensation de 800 millions d'euros pour Ile-de-France Mobilités. À noter que le Sénat avait rejeté ce collectif budgétaire, plus tôt dans la journée, en nouvelle lecture, en adoptant la « question préalable ».
Pour rappel, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) avait une nouvelle fois critiqué, après le PLF pour 2022, la stratégie budgétaire du gouvernement en regrettant que les recettes supplémentaires engrangées par l'Etat ne soient pas davantage consacrées à la réduction de la dette.
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