Budget 2025 : le Sénat réduit de plus d'un milliard d'euros l'effort demandé aux collectivités
Par A.W.
Un milliard d’euros de moins sur les trois promis par le président du Sénat, Gérard Larcher. La chambre des territoires a commencé à réduire l’effort demandé l’an prochain aux collectivités avant d’adopter, hier, la partie « recettes » du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
Un vote qui s’est fait dans une ambiance houleuse et qui a été boycotté par la gauche qui a dénoncé un « coup de force » du gouvernement. L’atmosphère habituellement feutrée de la chambre haute n’a pas résisté à la décision de l’exécutif et de la commission des finances d’imposer, juste avant le vote, le réexamen de nombreux articles afin de modifier 27 mesures validées initialement en séance, dont certaines concernent les collectivités.
« On vient d'inventer un nouvel outil : le "49.3" sénatorial. On passe des heures, jour et nuit, à voter des mesures, trouver des compromis. Et d'un revers de main, les délibérations sont balayées », a ainsi fustigé le sénateur socialiste de la Sarthe Thierry Cozic, alors que le ministre des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, a assuré que l’exécutif souhaitait « maintenir une cohérence du texte » et éviter de dégrader trop largement le budget.
FCTVA : la mesure du gouvernement retirée
Les collectivités peuvent, toutefois, se satisfaire d’avoir été au moins en partie entendues puisque les sénateurs ont réduit de plus d'un milliard d'euros l'effort qui leur est demandé dans le budget préparé par le gouvernement.
Comme ils l’avaient promis depuis plusieurs semaines, ils ont donc d’abord supprimé, via une série d’amendements identiques, la mesure consistant à réduire le taux et l’assiette du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), dans le but de « préserver les capacités d’investissement des collectivités territoriales ». Une disposition qui devait coûter 800 millions d’euros aux collectivités.
C'est une mesure « injuste car elle vient frapper toutes les collectivités de manière indifférenciée », et « percute » le « cercle vertueux » de l'investissement local, a rappelé le sénateur centriste du Cantal Bernard Delcros.
La chambre des territoires a donc été plus loin que ce que souhaitait le Premier ministre, qui s’est dit à plusieurs reprises simplement prêt à revenir sur la rétroactivité de cette mesure qui portait à « 85 % sur des investissements engagés en 2023 et 2024 ».
À noter qu’un amendement communiste sur le sujet, initialement adopté dans l’hémicycle, a été annulé lors de la tenue de la seconde délibération invoquée par la majorité et le gouvernement. Celui-ci prévoyait d’instituer la « contemporanéité » des versements du FCTVA à destination des collectivités locales, et non plus à retardement.
« Cette mesure aurait un coût prohibitif estimé à 6,5 milliards d’euros en 2025 […] avant de retrouver un rythme de croisière les années suivantes », a expliqué le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson (ex-LR), regrettant que certains amendements comme celui-ci aient « un effet massif sur le solde » et soient donc incompatibles avec l’objectif recherché de 60 milliards d'euros d'économies.
Le Sénat a, en outre, approuvé le gel de la dynamique de TVA affectée aux collectivités au grand dam de ces dernières. Ce qui les privera, si le budget est définitivement validé en l’état, de 1,2 milliard d'euros de recettes l’an prochain.
Lors de l’examen de la partie « dépenses » du projet de budget, la chambre des territoires devrait revoir le très contesté « fonds de précaution », dont la création doit se faire grâce à une ponction de 3 milliards d’euros sur les recettes de certaines collectivités. Afin de rendre ce dispositif « plus juste », la version remodelée du fonds devrait toucher moins de départements et bien plus de communes, mais avec des prélèvements plus faibles qu'initialement prévus.
DGF : 290 millions d’euros supplémentaires
S’ils se sont finalement opposés à l’indexation de la DGF sur l'inflation, les sénateurs ont toutefois choisi de l’augmenter de 290 millions d'euros, à travers un amendement socialiste mais contre l’avis du gouvernement.
L’objectif est de compenser la progression de la dotation de solidarité rurale (150 millions d’euros) et de la dotation de solidarité urbaine (140 millions d’euros) et ainsi éviter que ce ne soit à l’ensemble des territoires de la financer.
Parmi un nombre important d’amendements concernant les collectivités, on peut également retenir que la chambre haute a décidé de décorréler la variation du taux de taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) et de la taxe foncière (TFPB), en laissant « la liberté aux conseils municipaux et aux instances délibérantes des organismes de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propre de les faire varier librement entre eux ou dans une même proportion ».
« Avec la disparition de la taxe d’habitation sur la résidence principale, les collectivités ne peuvent plus agir sur le taux de THRS sans alourdir la taxe foncière. Pour les maires, cette corrélation les prive d’un outil précieux d’aménagement du territoire et d’accès au logement », a rappelé la sénatrice centriste du Jura, Sylvie Vermeillet, dans son amendement.
Afin d’encourager la transformation de bureaux en locaux à usage d’habitation, un dispositif incitatif a aussi été instauré à destination des investisseurs et des collectivités.
À noter que, dans le cadre de la seconde délibération, l’exécutif a, là aussi, réussi à évincer une disposition qui aurait permis de fusionner la taxe annuelle sur les logements vacants et la taxe d'habitation sur les logements vacants. A l’origine, cette mesure avait été votée à la fois par les socialistes et Les Républicains « dans un souci de simplification et de lisibilité », mais aussi dans le but de « neutraliser les phénomènes d’optimisation ».
DMTO : le plafond relevé
Autre promesse de Michel Barnier que les sénateurs ont approuvé le relèvement de 4,5 % à 5 % du plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
Cette majoration d’un demi-point se fera pendant une période de trois ans afin de « permettre aux départements de faire face à la crise financière à laquelle ils sont confrontés ». La mesure ne s'appliquera pas aux primo-accédants.
On peut également signaler, la décision du gouvernement d’opérer un « prélèvement exceptionnel » de 130 millions d’euros sur la trésorerie des agences de l’eau, reversé au budget général de l’État.
Sur le logement, les sénateurs ont, par ailleurs, approuvé l’extension de l’éligibilité au prêt à taux zéro (PTZ) à toutes les opérations neuves et anciennes sur l’ensemble du territoire, tant pour l’habitat collectif que pour l’habitat individuel. Et ce, pendant trois ans. Ils ont aussi validé le rehaussement à 195 000 euros du montant maximal d’opération pour l’accès du PTZ.
L'avenir du texte reste, pour l'heure, suspendu à celui du gouvernement, qui est menacé par une motion de censure dès cette semaine. Mais d'autres rebondissements peuvent encore se produire (lire article ci-contre).
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