Compteurs Linky : la Cour des comptes dresse un bilan plutôt positif
Par Franck Lemarc
Le petit boitier vert du compteur Linky est aujourd’hui présent dans l’écrasante majorité des foyers du pays. La plupart des préventions apparues au début du développement (craintes sur les effets des ondes électromagnétiques et inquiétudes sur l’utilisation des données des collectivités) sont aujourd’hui « levées », selon la Cour des comptes, et il est maintenant possible de faire un premier bilan de cette évolution majeure.
Réticences « levées »
Malgré un retard dans le déploiement dû à la crise du covid-19, les objectifs ont été globalement tenus : le taux de 90 % des ménages équipés (soit 34 millions de compteurs) a été atteint à la fin de l’année 2021, et le déploiement est aujourd’hui « résiduel », pour aboutir à la quasi-totalité des ménages sans doute en cette fin d’année.
La cour constate que le coût total de cet énorme chantier a été inférieur aux prévisions d’environ 800 millions d’euros. Au total, Enedis aura dépensé 4,6 milliards d’euros pour déployer les compteurs Linky.
La phase de déploiement a été marquée par de nombreux contentieux, venant de particuliers et de collectivités et s’opposant à l’installation du compteur. Ces contentieux ont, dans la plupart des cas, confirmé l’obligation pour Enedis d’installer les compteurs et conclu à l’innocuité de ces appareils sur le plan sanitaire. Trois cours d’appel, rappelle la Cour des comptes, ont demandé à Enedis, au nom du principe de précaution, de ne pas installer les compteurs chez des personnes se déclarant « électrosensibles », mais ces décisions sont restées « individuelles ».
La protection des données personnelles a également été au cœur de nombreux débats, puisque la particularité de Linky est qu’il permet à Enedis de connaître en temps réel les usages de l’électricité chez le client. La Cour des comptes juge toutefois que le cadre mis en place après recommandations de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) en 2017 est « suffisamment protecteur ».
Entreprises locales de distribution
Les magistrats financiers pointent un retard de déploiement, en revanche, du côté des ELD (entreprises locales de distribution). Celles-ci devaient déployer le compteur Linky selon un « calendrier particulier » – fin 2020 au plus tard pour les gestionnaires de réseau de distribution de plus de 100 000 clients et fin 2024 pour les autres. Ces objectifs « n’ont pas été atteints », relève la Cour des comptes, y compris dans les réseaux de grande taille – dont certains n’achèveront pas leur déploiement avant 2026. Ces retards ne surprennent pas la Cour, qui avait averti d’un certain nombre de difficultés dès 2017 : ces difficultés concernent « la maîtrise des coûts et des délais mais également les systèmes d’information, pour lesquels elles ne disposent pas toujours des compétences et des moyens pour faire face aux obligations de sécurité du système. Les coûts de mise en place d’un dispositif de comptage évolué sont, rapportés au nombre de compteurs, mécaniquement plus importants et peuvent menacer l’équilibre économique des projets ».
Malgré ce problème, et celui du coût croissant de la relève chez les usagers encore non équipés, le déploiement de Linky est, selon la Cour, « un succès reconnu ».
Peu de résultats sur la MDE
Par ailleurs, les magistrats financiers estiment que les conditions financières accordées à Enedis par l’État pour réaliser ce chantier ont été « généreuses ». Sur la période 2016-2023, l’entreprise a bénéficié d’une « rémunération additionnelle » de plus de 300 millions d’euros. La Cour des comptes demande à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) de « s’assurer que ces gains perçus par Enedis du fait du régime spécifique de rémunération des actifs Linky seront employés au financement de son programme d’investissement dans les réseaux ». Les rapporteurs remarquent que le coût du « mécanisme complexe et coûteux » mis en place sera « supporté in fine par le consommateur ».
Les effets positifs attendus de la mutation vers Linky sont, toutefois, bien au rendez-vous. Les « gains d’efficacité » attendus profitent déjà « aux distributeurs, aux fournisseurs et aux consommateurs » : diminution des coûts de relève, petites interventions désormais possibles à distance, réduction des erreurs de facturation. « L’installation des compteurs communicants a également des effets positifs sur le fonctionnement du réseau de distribution et partant sur l’adaptation de sa gestion ». Linky a enfin contribué à « la stabilité du réseau électrique en participant à l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité lors de périodes de tension ».
Reste que certains « gains d’efficacité » ne sont pas encore « à la hauteur des prévisions initiales ». La réduction des pertes liées aux fraudes est inférieure aux attentes, tout comme, surtout, la maîtrise de la demande d’énergie (MDE) qui devait, rappelons-le, être le grand avantage des compteurs intelligents. Sur ce terrain, les résultats sont « décevants », juge la Cour des comptes, qui relève que la plupart des fournisseurs d’électricité n’utilisent pas les « fonctions innovantes de Linky ». En conséquence, l’installation de Linky n’a, en réalité, rien changé pour la plupart des consommateurs, contrairement à ce qui était espéré au moment de l’élaboration de la directive européenne qui a rendu les compteurs intelligents obligatoires. Mais les autres « externalités positives » de Linky, en particulier sa capacité à participer à la régulation du réseau, suffisent toutefois à justifier son déploiement, conclut la Cour des comptes.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Budget 2025 : le Sénat réduit de plus d'un milliard d'euros l'effort demandé aux collectivités
Lutte contre la corruption : un guide à destination des élus du bloc communal
Pesticides, biodiversité : le gouvernement déroule ses mesures de « simplification »