Lutte contre la corruption : un guide à destination des élus du bloc communal
Par Lucile Bonnin
Corruption, trafic d’influence, concussion, prise illégale d’intérêts, détournement de fonds publics et octroi d’avantage injustifié dit « favoritisme » : ces six infractions pénales constituent des atteintes à la probité.« Les maires et les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont doublement confrontés à des situations qui présentent des risques de manquements à la probité, d’une part en tant qu’élus du bloc communal prenant des décisions administratives et, d’autre part, en tant qu’autorités territoriales, c’est-à-dire en tant qu’employeurs des agents publics territoriaux. »
C’est dans ce contexte que l’AMF et l’Agence française anticorruption (Afa) publient un guide visant à « accompagner les élus du bloc communal dans l’élaboration, la mise en œuvre et le déploiement d’un dispositif de prévention des atteintes à la probité adapté à leur profil et à leurs moyens. »
Cadeaux, autorisations d’urbanisme, recrutement : maitriser les risques
Le guide propose aux élus locaux des fiches thématiques présentant quinze domaines où les atteintes à la probité peuvent être maitrisées. « Chaque fiche, qui peut être lue indépendamment des autres permet de réaliser un premier diagnostic et donne des pistes de mesures opérationnelles à mettre en œuvre » , peut-on lire dans le guide.
Une fiche présente par exemple la fonction de référent déontologue. En effet, depuis le 1er juin 2023, les collectivités ont l’obligation de désigner un référent déontologue de l’élu local. « Il est chargé d’apporter à tout élu local tout conseil utile au respect des principes déontologiques consacrés dans la charte de l’élu local » , peut-on lire dans la fiche dédiée. Ainsi, cette fonction ne peut pas être exercée par n’importe quel acteur et le guide rappelle les règles en la matière.
Certaines situations peuvent présenter des risques d’atteintes à la probité. Par exemple, les cadeaux et les invitations qui « peuvent être proposés à tout moment lors de l’exercice d’un mandat » . « Leur acceptation, en revanche, peut dans certaines circonstances exposer à un risque de sanction pénale l’élu comme la personne qui propose le cadeau. La courtoisie, le protocole ou d’autres motifs peuvent ponctuellement justifier l’acceptation d’un cadeau ou d’une invitation, mais il importe que cette acceptation soit encadrée par des règles claires et connues de tous. »
D’autres situations bien connues des maires peuvent éventuellement mener à des atteintes à la probité comme le recrutement des agents communaux : « Si les dispositions de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans a vie politique interdisent au maire de recruter certains membres de sa famille sur des emplois de collaborateurs de cabinet, il n’existe aucun cadre juridique pour les emplois administratifs. Pour autant, il ressort de la jurisprudence judiciaire que le recrutement par une autorité territoriale de membres de sa famille sur des emplois administratifs de sa collectivité peut comporter un risque pénal résultant de l’intérêt moral qu’aurait l’intéressé, susceptible d’être qualifié de prise illégale d’intérêts prévue à l’article 43212 du code pénal. » De même, la délivrance des autorisations d’urbanisme (autorisation de construire, conformité des travaux…) implique des risques d’atteintes à la probité (prise illégale d’intérêt, corruption, trafic d’influence…) que le guide met en avant afin de les éviter.
Il est important de souligner que « dans la pratique, les édiles sanctionnés par les tribunaux sont peu nombreux au regard du nombre d’élus locaux et d’agents territoriaux. L’impact négatif de telles condamnations est néanmoins très important et injuste pour la grande majorité des élus. Il porte une atteinte grave au respect de nos concitoyens envers l’action publique locale. »
Déployer un dispositif global
L’AMF et l’Afa invitent enfin les élus locaux, et notamment les maires, à déployer un dispositif global de prévention et de détection des atteintes à la probité, « d’après une déclinaison des recommandations de l’Afa. » « Les recommandations de l’Afa ont été publiées au Journal officiel de la République française le 12 janvier 2021 et figurent sur son site internet. La 3e partie est consacrée spécifiquement aux acteurs publics. Elle précise notamment qu’un dispositif global de maîtrise des risques d’atteintes à la probité repose sur trois piliers indissociables » : l’engagement de l’instance dirigeante, la cartographie des risques et la gestion des risques.
Cette partie du guide propose des outils que la commune ou le groupement pourra utilement développer selon ses moyens pour mettre en place un dispositif anticorruption. Cet accompagnement est particulièrement utile puisqu’en 2022, selon une enquête de l’Afa, si la mise en place de mesures ou de dispositifs anticorruption dans les communes augmente, de nombreuses insuffisances sont pointées (lire Maire info du 22 avril 2022). « Les communes n’utilisent presque pas de cartographie des risques (1,7 %), les codes de conduite sont insuffisamment déployés, la question des cadeaux et invitations est peu prise en compte, le dispositif d’alerte interne est peu déployé et moins de 5 % des communes déclarent sensibiliser ou former leurs agents ou élus à ces questions de probité. »
L’AMF et l’Afa encouragent enfin les communes « à adopter une politique de « tolérance zéro » vis à vis des atteintes à la probité et, par leur communication, à en assurer la plus large diffusion. »
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