Budget 2025 : bailleurs sociaux, constructeurs et promoteurs réclament sept mesures d'urgence pour enrayer la crise du logement
Par A.W Ã Montpellier
Sept mesures pour sortir de la crise. Réunis dans une Alliance pour le logement, les constructeurs, promoteurs ou encore bailleurs sociaux ont présenté, ce matin, lors d’une conférence de presse au congrès HLM, leurs « solutions » pour sortir du « gouffre » au bord duquel le secteur se trouve actuellement.
Alors que les demandeurs de logement social n’ont jamais été aussi élevés, que la construction est en berne et que les faillites et les licenciements se multiplient, ils réclament « un électrochoc » pour sauver un secteur qui « va mal » et qui est sur le point de « passer sous la ligne de flottaison ».
Des mesures à intégrer dans le PLF 2025
D'autant que « lorsqu’un pan du secteur commence à aller mal, c’est tout le secteur qui est touché. Et c’est ce qu’il se passe aujourd’hui », a rappelé la présidente de l’USH, Emmanuelle Cosse.
Les membres de l’Alliance proposent donc plusieurs mesures à intégrer rapidement dans le projet de budget pour 2025. Pour les bailleurs sociaux, ils demandent d’abord la suppression de la réduction de loyer de solidarité (RLS) afin de relancer la construction de HLM ainsi que le dégel des 1,2 milliard d’euros de crédits d’aide à la rénovation qui ont été « violemment rabotés » cet été par l’ancien gouvernement.
Ils souhaitent également le rétablissement d’un prêt à taux zéro (PTZ) universel « partout et pour toutes les formes urbaines » , la prorogation du dispositif fiscal Pinel « dans sa version 2022 » (alors que celui-ci doit s’arrêter en fin d’année), mais également le maintien de MaPrimeRénov’ « dans ces conditions actuelles ».
Pour le reste, ils veulent l’adaptation de la réglementation sur la vente des logements énergivores ainsi qu’un « glissement des étapes à venir de la RE 2020 » , la nouvelle réglementation énergétique et environnementale de l'ensemble de la construction neuve.
Bien qu’ils aient renouvelé unanimement toute la « confiance » qu’ils portent à la nouvelle ministre du Logement, Valérie Létard, et noté la « prise de conscience totale du nouveau gouvernement » , le contexte budgétaire et « l’état des finances ne laisse pas de grandes marges de manoeuvres » , a convenu Pascal Boulanger, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).
Alors même que les ministres de l’Economie et du Budget ont annoncé, hier, qu’ils tablaient essentiellement sur des baisses de dépenses pour l’an prochain, Emmanuelle Cosse a estimé qu’il « fallait arrêter de rentrer dans une justification (sur le coût de ces sept mesures pour les finances publiques) qui est imposée par des libéraux qui sont en train de saccager une économie qui était extrêmement utile au pays » . Au-delà de la suppression des emplois, les défaillances et les faillites des entreprises, « la crise de logement coûte entre 0,5 et 1 point de PIB aux finances publiques chaque année » , a-t-elle rappelé.
Car l’activité de la construction et du logement rapporte aux recettes de l’Etat. « Chaque PTZ représente un gain net pour l’Etat de 22 000 euros, sans compter les 20 % de TVA dans chaque logement neuf, les 6 % d’impôts lors de l’achat de biens anciens… » , a expliqué Boris Vienne, le représentant des notaires (UNNE).
« Des slogans avec rien derrière »
La politique de « choc de l’offre » de l’ancien gouvernement a d’ailleurs été largement critiquée lors d’un débat dédié qui s’est tenu au congrès des HLM qui se clôture aujourd’hui en présence la ministre du Logement.
Dans un contexte où la production de logements - notamment sociaux - connaît une baisse massive et continue, les outils mis en œuvre pour créer ce « choc de l’offre » en ont laissé plus d’un perplexes.
En premier lieu, la présidente de l’USH, qui y voit surtout une « incantation de la modernité ». « C’est un slogan qui tient lieu de politique du logement et devait nous permettre de résorber le mal-logement en France tout en fluidifiant les parcours résidentiels. (Personne n’est) surpris d’apprendre que cela n’a pas bien fonctionné… » , a taclé l’ancienne ministre du Logement de François Hollande, en ouverture du congrès HLM.
Car, dès 2017, cette méthode a été mise en place. Le ministre de la Cohésion des territoires de l’époque, Jacques Mézard, et son secrétaire d’Etat au Logement, Julien Denormandie, à l’origine de la réduction de loyer de solidarité (RLS), avaient déjà défendu la politique du choc de l’offre, avec le succès que l’on connaît (lire Maire info 25 juillet 2017). Le mantra répété (« De l’offre, de l’offre et encore de l’offre » ) au tout au long du printemps (lire Maire info du 14 mars) par l’ancien ministre du Logement (désormais à la Fonction publique), Guillaume Kasbarian, devait également permettre de remédier à la crise du logement…
« Depuis 2017, on nous donne des slogans, mais il n’y a rien derrière alors que l’on est capable de trouver des mesures pour relancer l’activité économique », a maugréé la présidente de l’USH, à l’occasion de la table ronde sur le « choc de l'offre ».
Sans demande, les promoteurs se retirent du marché
Du côté de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), son président a surtout réclamé une « relance de la demande » , tout comme la Fédération française du bâtiment (FFB) le fait depuis plusieurs mois. « Tant qu’il n’y aura pas de relance de la demande, on ne s’attaquera pas à l’offre », a ainsi assuré Pascal Boulanger.
Car , actuellement, les promoteurs « se retirent du marché », constate-t-il. « Sur un trimestre, ils ont retiré 23 % de logements de l’offre. Donc, on n’est pas du tout dans le choc de l’offre… », a souligné le président de la FPI, en pointant un paradoxe : « Par rapport à une année normale, on n’a pas assez d’offres, mais par rapport à ce qu’on vit, on en a beaucoup trop. Comme on n’a pas de demandes, le peu d’offres que l’on a, c’est déjà de trop ».
Résultat, il ne peut qu’observer l’apparition de « PSE chez les majors, de faillites chez les petits promoteurs » et une « perte de compétence » puisque les employés de la profession « changent de métier » . Et « le jour où ça va repartir, on n’aura plus de compétences ».
« En 2024, nous avons perdu 30 000 salariés et nous prévoyons d’en perdre le double “pur bâtiment”, donc davantage dans toute la filière (...) ainsi que 10 à 12 000 entreprises du bâtiment quasiment sacrifiées à la fin de l’année et il est déjà pratiquement trop tard pour 2025. Si rien n’est fait dans le PLF 2025 ce sont 150 000 salariés qu’on aura perdus dans le bâtiment. Donc, c’est 300 000 salariés dans toute la filière », a déploré ce matin le président de la FFB, Olivier Salleron.
L'intermédiaire, une réponse « complémentaire »
Du côté du développement des logements intermédiaires, autre mesure poussée par l’ancien ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, ce n’est pas non plus la solution miracle pour relancer la production de HLM.
« Ca a vraiment été la blague racontée ces derniers mois », a ironisé Emmanuelle Cosse, mais « ce n’est pas du tout le cas » car « il y a des territoires où l’on ne fera jamais de logements intermédiaires ». Même si « le logement intermédiaire est utile, dans certains territoires où la demande est présente ».
« L'ambiguïté aujourd’hui, c’est que l’on nous pousse, nous bailleurs sociaux, à faire du logement intermédiaire non pas pour répondre à une utilité, mais parce que l’on a totalement dégradé nos capacités à avoir un programme qui fonctionne économiquement. Et donc, on nous dit : “puisque vous avez moins d’argent, faites de l’intermédiaire, ça ira mieux”. Mais ce n’est pas ça le sujet » , a expliqué la présidente de l’USH.
Seulement le logement intermédiaire permet d’impulser la construction de logement social. « Le logement intermédiaire est une réponse complémentaire au logement social » , a souligné Anne-Sophie Grave, présidente du directoire de CDC Habitat.
« Nous avons racheté 17 000 logements aux promoteurs immobiliers pour faire 12 000 logements intermédiaires et 5 000 sociaux. C’est ce qui a permis de faire sortir les programmes et aux chantiers de démarrer » , a rappelé celle qui réclame la stabilité des règles et du zonage du logement social mais aussi la « sanctuarisation » du fonds friche dans la loi de finances et « une réflexion » sur le pouvoir des maires concernant l’attribution des logements sociaux.
Le constat est d’ailleurs le même du côté du directeur général de Lyon Métropole Habitat, Vincent Cristia, qui observe « une disparition progressive des investisseurs dans les programmes immobiliers collectifs, (la présence de logements intermédiaires devenant) une condition sine qua non de sortie des programmes ». « On est contraint de regarder » car l’intermédiaire permet de déclencher les programmes HLM.
Reste à savoir si le nouveau gouvernement prévoit de prolonger cette politique où s’il compte en changer.
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