Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 26 septembre 2024
Budget

Déficit : encore et à nouveau, le gouvernement rejette la faute sur les collectivités

Les deux nouveaux ministres chargés de l'économie et du budget ont été auditionnés hier par la commission des finances de l'Assemblée nationale. Ils ont à nouveau brandis des chiffres sur les dépenses des collectivités et annoncé – sans prononcer le mot – un budget de rigueur. 

Par Franck Lemarc

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© Ass. nationale

En quelques jours, les mots ont changé : alors que jusqu’à présent, Bercy indiquait que les déficit public risquait de friser les 6 % du PIB en 2024, Laurent Saint-Martin, ministre chargé du Budget et des Comptes publics, a déclaré hier devant les députés de la commission des finances que le déficit public va probablement « dépasser »  les 6 %. 

Mais où sont les « 16 milliards » ?

Si le ministre a pointé « des recettes fiscales moins importantes que prévu », pour expliquer en partie ce grave dérapage du déficit, il a ensuite, sans plus tarder, repris le discours de ses prédécesseurs Bruno Le Maire et Thomas Cazenave : « Les dépenses des collectivités territoriales ont été plus élevées que la trajectoire ne le prévoyait, de l’ordre de 16 milliards d’euros. Dont acte. »  Une nouvelle preuve que le gouvernement Barnier est dans la parfaite continuité du gouvernement Attal, les mêmes arguments ressortent, quatre jours à peine après sa nomination : les collectivités locales sont responsables, ou du moins co-responsables, de la dérive des comptes publics. 

Le rapporteur du budget, Charles de Courson, s’en est ému pendant l’audition, demandant au ministre de donner enfin des chiffres précis et documentés. Un peu plus tard, le député macroniste du Gers Jean-René Cazeneuve, a été un peu plus précis que les ministres : « Je voudrais revenir sur le malentendu de cet état sur le rôle des collectivités territoriales dans le déficit. Ce ne sont pas les collectivités qui sont responsables du déficit. (…) Mais elles ont une part importante de responsabilité dans l’écart en 2024 entre ce qui était prévu et le déficit constaté ». 

Mais quel est cet « écart » ? D’où vient le chiffre de « 16 milliards »  brandi depuis juillet par Bercy ? 

En fait, il semble que le gouvernement se soit appuyé sur les comptes provisoires des administrations publiques locales (Apul) au 31 juillet pour établir ce chiffre. Rappelons que les Apul vont au-delà des seules collectivités locales. Il avait établi que la hausse des dépenses de fonctionnement des Apul, en 2024, ne devait pas dépasser les 1,8 % et que celle des dépenses d'investissements devraient se limiter à 7 %. Or au 31 juillet, ces deux chiffres s'établiraient autour de 6 % pour le premier et plus de 10 % pour le second. Le gouvernement en a tiré, par extrapolation, le chiffre d'un dépassement de 16 milliards. 

Il faut noter que le fait d'extrapoler sur l'ensemble de l'année, de façon linéaire, des chiffres du mois de juillet, n'a pas grand sens, explique l'AMF. En outre, contrairement au budget de l’État, il faut encore rappeler que les budgets des collectivités locales ne sont jamais en déséquilibre, et ne le seront pas plus en 2024.

Mais pour le gouvernement, cela a un intérêt : il a prévu une ponction de 16 milliards d'euros sur le budget de l'État 2024. Comme par hasard, c'est le même chiffre que le « dérapage »  des collectivités. Les ponctions sur le budget de l'État sont donc de la faute des collectivités... CQFD !

Laurent Saint-Martin a fait une étrange comparaison hier : « L’État a été présent aux côtés des collectivités pendant la crise pandémique. Aujourd’hui, nous avons besoin des collectivités. »  Comme s’il s’agissait pour ces dernières de rendre à l’État l’aide que celui-ci leur avait apporté pendant la crise covid. 

Le ministre a annoncé qu’il allait « recevoir dans les prochains jours les élus locaux pour discuter de la trajectoire financière des collectivités pour 2025 ». 

Les plafonds « maintenus » 

Plus généralement, Laurent Saint-Martin a fait une autre annonce d’importance, hier : « Les plafonds adressés aux ministères pour 2024 seront maintenus. »  On parle ici des fameuses lettres-plafonds obtenues à grand-peine par la commission des finances (lire Maire info du 20 septembre) et qui listaient, pour chaque ministère, les baisses de crédits envisagées. Pour ce qui concerne directement les collectivités, on y trouvait pêle-mêle une poursuite du gel de la DGF (soit une baisse, en euros constants), une chute du Fonds vert, une baisse drastique des crédits d'intervention de l’Agence nationale de la cohésion des territoires… 

C’est donc bien – sans grande surprise –  sur cette base que le nouveau gouvernement va construire son projet de budget. Qui sera, à coup sûr, un projet de rigueur, même si le mot n’a pas été prononcé. Mais les ministres ont parlé « d’un budget de vérité et d’effort », et se disent prêts à faire « des choix courageux », ce qui est la formule consacrée pour dire qu’ils vont prendre des mesures impopulaires. 

Antoine Armand, le ministre de l’Économie, a par ailleurs remis à plus tard la question d’une éventuelle augmentation des impôts pour les entreprises ou les Français les plus fortunés : « Il doit d’abord et avant tout y avoir un effort sur les dépenses publiques. (…) Ce n’est qu’en fournissant d’abord un effort sur les dépenses publiques que nous pourrons ensuite ouvrir le débat sur l’augmentation des recettes. » 

L’examen de la partie recettes du projet de loi de finances ayant lieu avant celle des dépenses, cela laisse à penser que la question d’une éventuelle contribution des entreprises pourrait être remise à l’an prochain. 

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