Office français de la biodiversité (OFB) : des missions une nouvelle fois remises en question
Par Lucile Bonnin
La loi créant l'Office français de la biodiversité et de la chasse, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement a été publiée au Journal officiel du 26 juillet 2019. Depuis, cet établissement est « reconnu pour son rôle positif de protection des milieux et des espèces » mais « souffre d’un déficit de légitimité patent. »
Pour remédier à cette situation, une mission d’information a été créée au Sénat. Les conclusions du rapport élaboré sous la direction du sénateur Jean Bacci (LR - Var) ont été publiées il y a quelques jours. La mission propose notamment de réorienter les missions de l’OFB au profit de la prévention et de l’appui aux territoires.
Les discussions autour des missions de police de l’OFB ont été houleuses dès la création de ce dernier. Le monde agricole notamment n’a pas perçu d’un très bon œil le renforcement des prérogatives de la police de l'environnement des agents de l’OFB. Depuis, revient régulièrement dans le débat public la question de l’armement de ces agents pendant les contrôles, comme cela a été le cas pendant le mouvement de protestation des agriculteurs de janvier dernier..
Ce récent rapport plaide pour que l’OFB suive une méthode plus douce – ou « plus complaisante », selon les points de vue – afin que cette police de l’environnement soit « mieux acceptée et plus apaisée ».
Enjeux locaux et relations avec le maire
Concernant le fonctionnement général de l’OFB, la mission fait plusieurs constats. D’abord, « l’OFB s’appuie sur des moyens significatifs, octroyés par le législateur en loi de finances : plus de 3 000 agents, dont 2 000 dans les territoires et 1 700 inspecteurs de l’environnement, ainsi qu’un budget de 659 millions d’euros en autorisation d’engagements et 270 implantations territoriales, qui lui confèrent un maillage territorial dense, afin de mieux appréhender les enjeux locaux. »
Problème, selon la mission : on compte moins de 15 agents par département et l’OFB n’est « pas en mesure d’accompagner de façon satisfaisante les acteurs et les élus locaux sur le terrain ». Le rapport recommande donc de réaliser un audit « afin d’optimiser l’organisation territoriale et renforcer les capacités d’intervention à tous les échelons ».
Par ailleurs, « tous les services départementaux ne sont pas dotés de leurs effectifs théoriques, ce qui est regrettable pour répondre efficacement au besoin de proximité exprimé par les élus locaux. Le rôle de l’OFB, complémentaire à celui du maire, est notamment essentiel en milieu rural, où certaines communes ne disposent pas des moyens pour assurer efficacement une police de proximité ». La mission recommande en la matière d’ « instaurer des modalités d’échanges institutionnalisés avec les élus locaux et des rencontres régulières avec les directeurs régionaux et les chefs de services départementaux ».
La mission d’information déplore également que « les maires ne puissent pas être mieux informés des contrôles se déroulant sur leur commune et des suites qui leur sont données : un canal d’information anonymisée serait en effet susceptible d’améliorer la prise en compte par les élus locaux des priorités environnementales mises en œuvre par l’établissement public ».
Port d’arme et « droit à l’erreur »
Les sénateurs observent que les missions de police de l’environnement sont effectivement « contestées ». Depuis la crise agricole qui a frappé le pays en début d’année 2024, pendant laquelle de nombreuses manifestations se sont déroulées, l’OFB a fait l’objet de très nombreuses critiques de la part des syndicats agricoles et notamment sur la question des prérogatives de ces agents de l’OFB.
Partant de ce contexte social tourmenté et des critiques formulées, la mission dénonce effectivement des polices de l’environnement « morcelées, avec 25 polices s’articulant imparfaitement et près de 70 catégories d’agents étant chargés de veiller au respect des prescriptions environnementales » et surtout « une complexité réglementaire, qui rend ardue la compréhension par le justiciable de la norme environnementale ».
Face à ce qui est présenté comme une usine à gaz législative et opérationnelle par les sénateurs, le rapport plaide pour davantage de souplesse, faute d'autres moyens. Ainsi, « en cas de superposition de réglementations contradictoires », il est proposé d’ « exonérer de responsabilité un acteur ayant de bonne foi respecté les prescriptions environnementales applicables à sa situation ». Autre mesure proposée : « instaurer un "droit à l’erreur" pour les acteurs de bonne foi et mieux prendre en compte le caractère non intentionnel des infractions environnementales ». Les rapporteurs sont aussi favorables à la mise en place de « contrôles pédagogiques sans verbalisation ». Ces derniers seraient même annoncés à l’avance.
Sur la question clivante du port d’armes par les agents de l’OFB, les sénateurs se positionnent en faveur d’un port d'arme discret. La mission demande cependant à l’OFB d’approfondir « ses efforts de formation aux gestes et postures en matière de port de l’arme ». Les sénateurs rappellent que le nombre d’incidents demeure très faible comparativement aux contrôles effectués mais qu’une évolution de la posture de l’agent lors du contrôle est cependant nécessaire pour atténuer « le mal-être vécu par certains des contrôlés. » En janvier dernier, Gabriel Attal, alors Premier ministre, avait même questionné la nécessité pour les agents de l'OFB d'être armés lors des contrôles. Ce type de raisonnement peut surprendre, dans une période politique marquée par une volonté de « retour à l'ordre » et au moment où plusieurs parlementaires assument de demander un armement obligatoire des policiers municipaux sans particulièrement se préoccuper du « mal-être des contrôlés ».
En début d’année 2024, une partie du monde agricole se plaignait d'une trop forte « pression » au niveau des contrôles. Rappelons néanmoins que sur l’année 2023, sur les 21 635 inspections réalisées par l’OFB, seulement 2 759 concernaient des agriculteurs, soit 13 % des cas.
Un rapport très controversé
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Selon certains représentants des principaux intéressés – c’est-à-dire des agents de l’OFB – ce rapport est « orienté, à charge et partiel », peut-on lire sur le compte X du Syndicat national de l'environnement FSU à l'Office français de la biodiversité.
« Ces attaques répétées contre les missions de police des agents de l’OFB sont très problématiques. Les agents de l’OFB effectuent un travail remarquable et indispensable pour la protection de notre environnement et donc de notre santé », a indiqué dans un communiqué l’association de défense de l’environnement Générations Futures. « À l'heure où on a l'impression que la République a abandonné la biodiversité, c'est un coup supplémentaire pour venir fragiliser toute l'approche de conservation », a de son côté regretté auprès de l'AFP Cédric Marteau, responsable de l'association de protection de la nature LPO et administrateur de l'OFB.
Le rapport divise aussi au sein même du Palais du Luxembourg. Dans un communiqué, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) « regrettent qu’une majorité des recommandations semble se borner à envoyer des gages à une partie du monde agricole et à remettre en cause le fonctionnement et le travail des agents de l’OFB sur le terrain ». Ils dénoncent une « volonté à peine voilée de proposer une réorientation des missions de l’OFB vers la prévention et l’accompagnement, au détriment d’un pouvoir de police pourtant indispensable pour protéger les milieux naturels ». Le groupe Écologiste, Solidarité & Territoires regrette de son côté des recommandations comme « la dépénalisation de certaines infractions et l’exonération de responsabilité en cas de bonne foi auto-proclamée ».
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