Des privations qui persistent pour les deux millions de personnes âgées pauvres
Par A.W.
Des difficultés à se chauffer, à se soigner ou encore à se nourrir aggravées par l’isolement et le sentiment d’abandon. Dans son dernier rapport, publié ce matin, l'association Les Petits frères des pauvres dresse un état des lieux de la pauvreté des personnes de 60 ans et plus, et décrypte leurs conditions de vie et leurs privations.
Une pauvreté des personnes âgées en hausse
Et les constats sont « alarmants », selon elle. Après s’être stabilisé pendant plusieurs années autour de 8 %, « le taux de pauvreté des personnes âgées est en hausse depuis 2015 pour atteindre aujourd’hui les 11 % et jusqu’à 18 % pour les aînés vivant seuls », observe l’association caritative. Le fait de vivre à deux reste, toutefois, un rempart à la pauvreté puisque les couples ne sont « que » 6,4% à être dans cette situation, selon l'Insee.
Les auteurs de l’étude estiment ainsi, en 2024, à « environ 2 millions les personnes » de 60 ans et plus qui vivent sous le seuil de pauvreté (fixé à 1 216 euros pour une personne seule et à 1 824 euros pour un couple sans enfant) sur les 9,1 millions de personnes dans cette situation que compte la France. Les seniors étant moins touchés que la population générale.
Parmi elles, 69 % disent avoir dû se priver au moins une fois ces 12 derniers mois que ce soit en termes de lien social, de chauffage, d’alimentation ou bien de santé.
« Pour les plus fragiles, se nourrir, se soigner, se chauffer devient un luxe et profiter de moments de convivialité un lointain souvenir. La précarité matérielle se double par ailleurs très souvent d’une précarité relationnelle, exacerbant l’isolement social des plus âgés », expliquent les auteurs de l’enquête menée sur 755 personnes âgées de 60 ans et plus vivant sous le seuil de pauvreté (en France métropolitaine ainsi qu’en Martinique et Guadeloupe).
Solitude et difficultés à payer les factures
Les privations les plus importantes concernent, d’abord, les sorties au restaurant avec 43 % des personnes âgées pauvres qui s’en sont privées au moins une fois dans l’année. Suivent les déplacements et les vacances (41 %), le chauffage (25 %), la nourriture (17 %) et les produits d’hygiène de base comme du shampoing ou du savon (6 %). On peut aussi noter les difficultés pour recevoir des amis ou des proches chez soi, comme d'offrir des cadeaux lors des fêtes.
« Pour la nourriture, c’est un peu compliqué. Je déjeune le matin, le midi, mais le soir je ne mange pas. Je suis obligée pour l’instant », témoigne ainsi auprès des auteurs de l’étude Ombline, 72 ans, bénéficiaire de l'association, et qui encore récemment « n’avait pas mangé de viande rouge (depuis) un an ».
« Quand j’ai tout payé, je n’ai plus grand-chose. Donc je ne prends que des choses que je dois réchauffer, pas cuire à cause du gaz, ça consomme trop. Alors ce que je fais, j’achète des poêlées surgelées le soir et la journée du café au lait, et je tiens comme ça », explique, de son côté Martha, 66 ans.
Concrètement, ce sont 31 % des personnes âgées en situation de pauvreté qui déclarent faire face à des difficultés pour payer les factures du quotidien, quand une sur dix indique ne pas avoir de complémentaire santé. Une part qui double auprès de celles qui touchent moins de 750 euros par mois.
Un tiers des personnes âgées pauvres ressent, en outre, fréquemment de la solitude, mais aussi de la « stigmatisation ». « La solitude ce n’est pas facile. Mon amie est décédée. J’ai une fille dont je n’ai pas de nouvelles. Je suis seul malheureusement », explique Robert, 75 ans. Plusieurs personnes interrogées regrettent également l’absence de communication avec le voisinage : « C’est sauvage, c’est tout juste si les locataires vous disent bonjour », déplore Réné, 77 ans.
Les femmes plus vulnérables
Alors que les trois quarts des personnes interrogées sont mal à l'aise avec les démarches administratives en ligne, « plus d’une personne âgée pauvre sur deux ne bénéficie d’aucune aide et s’estime mal informée (58 %), mais seulement 31 % d’entre elles souhaitent être accompagnées pour connaître leurs droits », observe aussi l’association.
Plus généralement, 37 % des personnes âgées pauvres se sentent « abandonnées au sein de la société ». Un sentiment d’abandon plus fort en milieu rural (42 %), mais qui baisse en vieillissant. Au final, 55 % des 60 ans et plus en situation de pauvreté estiment que leurs conditions de vie se sont dégradées depuis cinq ans, quand 5 % pensent qu’elles se sont améliorées.
Par ailleurs, les femmes restent « plus vulnérables » face à la précarité avec une plus grande dépendance économique.
« Les femmes interrogées de cette génération ont vécu sous la double dépendance de leur employeur et de leur mari », avec souvent des carrières hachées et des temps partiels pour s'occuper de leurs enfants ou de leurs proches. « De sorte que dans leur vie professionnelle comme personnelle, elles ont souvent été l’objet d’une double fragilisation » et perçoivent désormais des retraites plus faibles.
Formation des secrétaires généraux de mairie
Dans ce contexte, l'association demande la revalorisation du minimum vieillesse, l’allocation destinée aux personnes âgées aux retraités les plus faibles, au niveau du seuil de pauvreté. Actuellement fixé à 1 012 euros, il est plus de 200 euros inférieur au seuil de pauvreté.
Elle réclame également la suppression de la récupération sur succession de cette prestation non-contributive, qui reste un « facteur de non-recours ».
Afin de renforcer l’accès aux droits, elle propose aussi d’améliorer la formation des agents France Services et des secrétaires de mairie à l’accueil des personnes âgées.
Alors que le comité d’évaluation des politiques publiques sur l’évaluation de l’accès aux services publics dans les territoires ruraux et un rapport sénatorial ont déjà jugé la formation des agents France Services insuffisante et « trop condensée », l’association estime « indispensable de proposer dans ce cursus un module spécifique dédié à l’accueil des personnes âgées, compte tenu du vieillissement de la population et des fortes difficultés que cette population rencontre avec les démarches dématérialisées, tout particulièrement concernant les personnes âgées aux revenus les plus modestes ».
Elle préconise aussi de dispenser ce module de formation aux secrétaires généraux de mairie qui « sont souvent les premiers interlocuteurs de proximité pour de nombreux habitants des communes rurales ».
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