Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 23 septembre 2024
Aménagement numérique du territoire

Déploiement de la fibre : pendant ce temps, les retards s'accumulent

Alors que le gouvernement s'est engagé à apporter la fibre dans tous les territoires d'ici fin 2025, la faible cadence d'exécution des déploiements, dans certaines zones privées, pourrait repousser à plus de quatre ans l'échéance initialement fixée, selon l'Avicca. Une réponse politique est toujours et encore attendue.

Par Lucile Bonnin

Au premier trimestre 2024, l’Arcep recensait 38,7 millions de locaux raccordables à la fibre optique et 5,5 millions restent à rendre raccordables. Trois mois plus tard, 39,3 millions de locaux sont raccordables à la fibre optique et 5,1 millions restent à rendre raccordables. 

Concrètement, 89 % des locaux du territoire national sont désormais raccordables à la fibre. La couverture en fibre progresse donc, mais cela ne représente que 655 000 locaux supplémentaires rendus raccordables au FttH, « soit 25 % de moins que le deuxième trimestre de l’année dernière ». 

Certes une baisse du rythme global des déploiements FttH est observée depuis quelques années notamment car les derniers déploiements se font davantage dans la douleur que les premiers, car ils sont plus complexes et plus coûteux.

Cependant, « s'il était attendu que le rythme des déploiements décélère (…), la diminution observée depuis plusieurs trimestres est un peu trop forte », alerte l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca). 

Zones publiques : des progrès et des retards 

Les Réseaux d’initiative publique (Rip), portés par les collectivités, apparaissent comme les bons élèves dans la course aux déploiements. Pour rappel, « les réseaux d'initiative publique du Plan France Très Haut Débit projettent pour la plupart une fin des déploiements entre 2022 et 2025, selon les réseaux. » 

Comme l’observe l’Avicca, les déploiements en zones publiques vont bon train : « Au total, 39 départements sont donc intégralement couverts en FttH, contre 15 seulement en zone d'initiative privée. Les projections indiquent qu'à ce rythme, ce ne sont pas moins de 11 nouveaux départements qui devraient voir leurs déploiements achevés à la fin de l'année. ».

Le rythme de déploiement en zone Rip a d’ailleurs été très élevé dans la Creuse (+ 11%), en Côte-d'Or, Dordogne et Loire-Atlantique (+ 9 %) ou encore dans la Somme (+ 7 %).

Toutefois, des retards sont constatés et il est désormais certain que « les Rip ne seront pas tous achevés à fin 2025 », selon l’Avicca. Le problème n’est pas cette fois-ci le rythme de déploiement mais la construction de prises. « Le volume de prises construites en 2023 était déjà de 350 000 prises inférieures aux prévisions de l'Avicca et d'InfraNum. Au regard de la tendance observée depuis le début de l'année, non seulement ces 350 000 prises ne seront pas rattrapées, mais le retard pourrait même s'accentuer légèrement. » 

Par ailleurs, on constate un trop faible nombre de mises en chantier dans les communes au second trimestre. Sur 27 927 communes en zone Rip, 25 924 travaux ont commencé au premier trimestre 2024, « de quoi ajouter un peu d'inquiétude quant aux près de 2 000 communes de la zone publique qui n'ont toujours pas enregistré de déploiements FttH. » 

Zones privées : des inquiétudes qui se cristallisent 

Le ralentissement des déploiements de la fibre est préoccupant dans deux zones particulièrement.  Le point noir se situe surtout au niveau des zones très denses où il reste 500 000 locaux à rendre raccordables. « On pourrait copier/coller les mêmes commentaires d'un trimestre à l'autre tellement il ne se passe rien sur cette zone », ironise l’Avicca, taclant au passage des opérateurs de plus en plus désintéressés par ces zones. 

Les zones moins denses d’initiative privée sont aussi concernées par le ralentissement des déploiements. Aussi appelées zones Amii (Appels à manifestation d'intention d'investissement), elles se situent en dehors des agglomérations contrairement aux zones très denses mais connaissent aussi une baisse des déploiements :  « Seulement 130 000 locaux »   ont été rendus raccordables au deuxième trimestre 2024. 

Alors qu’un accord a été signé entre l’État et l’opérateur Orange en début d’année visant notamment à relancer le déploiement de la fibre dans les zones où le déploiement a ralenti ou s'est stoppé net, l’association d’élus ne relève « aucun signe tangible d'un redémarrage des déploiements en zone Amii ». « Au rythme actuel, c'est courant 2029 que la zone Amii sera intégralement rendue raccordable », prévient l’Avicca. 

Soulignons néanmoins que dans la zone d’Appels à manifestation d’engagements locaux (Amel), l’Avicca estime que « la complétude avance désormais bien voire très bien »  et qu’il « est raisonnable de penser que ce sera la seule zone privée à être intégralement achevée en 2025 »  et donc à respecter le calendrier initialement fixé. 

Absence de réponse politique 

En 2024, les regards des acteurs de la filière étaient davantage tournés vers l’État pour obtenir des réponses notamment sur ce retard des déploiements qui inquiètent dans les territoires. Par ailleurs, l’État a fait l’objet de nombreuses mises en cause concernant sa politique dédiée au numérique et donc au grand chantier fibre. 

En effet, dans le cadre du plan de 10 milliards d'euros d'économies annoncé en février 2024 par Bruno Le Maire, le plan France très haut débit (PFTHD) a perdu 40 % de ses crédits. Le Plan a subi une annulation de 38 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 117 millions d'euros de crédits de paiement du programme 343. Cette coupe budgétaire avait été dénoncée par six associations d’élus dont l’AMF (lire Maire info du 27 février 2024) car elle représente un danger pour la généralisation de la fibre.  

Clara Chappaz, qui a été nommée ce week-end secrétaire d'État à l'Intelligence artificielle et au Numérique, sera-t-elle chargée de ces questions capitales pour les élus et citoyens au sein du nouveau gouvernement ? Il faudra attendre la publication des décrets d'attribution pour le savoir. Cette dernière dépendra non pas du ministère de l'Économie et des Finances, comme c'était le cas auparavant, mais du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Il reste à espérer que la place qu'occupe Clara Chappaz dans la hiérarchie gouvernentale – la dernière – n'est pas le reflet de la place du numérique dans la hiérarchie des préoccupations de Michel Barnier. 

Voilà plusieurs années que les élus et acteurs de la filière appellent de leurs vœux à la création d'un fonds de péréquation des réseaux optiques estimé à plusieurs centaines de millions d’euros à fiscalité constante (lire Maire info du 15 mars 2023) pour réussir le défi de la complétude. Une demande qui ne cesse d’être rejetée par l'État jusqu’à aujourd’hui et qui le sera probablement une nouvelle fois dans le cadre du projet de loi de finances 2025.
 

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