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Édition du lundi 23 septembre 2024
Gouvernement

Gouvernement : Michel Barnier fait la part belle au « partenariat avec les territoires »

Le gouvernement Barnier, dévoilé samedi, comprend un nombre important d'élus ou anciens élus locaux et donne une place prépondérante à un nouveau ministère du « partenariat avec les territoires et de la décentralisation ». Tour d'horizon des portefeuilles intéressant directement les collectivités locales. 

Par Franck Lemarc

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Après des tractations de dernière minute qui ont conduit à des changements de périmètres pour certaines ministres, le gouvernement de Michel Barnier a été dévoilé samedi soir. Marqué à droite, ce gouvernement ne laisse plus guère de place à la « société civile », chère à Emmanuel Macron, et comprend de nombreux élus ou anciens élus locaux. Une nouveauté est à noter d’emblée, qui ne pourra que réjouir les associations d’élus : les « territoires »  héritent d’un ministère dédié, très haut placé dans la hiérarchie gouvernementale. 

Un gouvernement essentiellement de droite

Comme on le savait depuis la fin de la semaine dernière, ce gouvernement est issu d’un savant dosage entre personnalités de droite et du camp macroniste (Renaissance, Horizons et MoDem). Les personnalités toujours membres des LR obtiennent 13 portefeuilles. Si l’on ajoute les ex-LR qui n’ont pas repris de carte dans un parti, on monte à 16. Et si l’on ajoute encore les ex-LR ayant adhéré à Renaissance, on arrive à 20 postes. La mouvance LR et ex-LR représente donc la moitié des 40 ministres, ministres délégués et secrétaires d’État. 

Les partis MoDem, Horizons et UDI étant placés au centre-droit, on peut encore ajouter huit portefeuilles dans l’escarcelle de la droite (2 Horizons, 3 MoDem et 3 UDI). Soit un total de 28 ministres que l’on peut clairement qualifier de droite. Sans compter les 7 membres du parti présidentiel Renaissance qui n’ont jamais adhéré précédemment à un autre parti, mais dont les prises de positions politiques sont clairement libérales… On voit que Michel Barnier n’a pas réussi à trouver pour constituer son gouvernement des personnalités venues de la gauche, à part deux Renaissance venus du PS et le ministre de la Justice, Didier Migaud, ancien député PS non affilié à un parti aujourd’hui.

Certes, symboliquement, Didier Migaud occupe la deuxième place dans l’ordre du gouvernement, juste après le Premier ministre – ce qui est rare pour un ministre de la Justice –, mais cela n’enlève rien au fait que la droite est ultra-majoritaire dans le gouvernement, très loin du « gouvernement de coalition nationale »  souhaité par le chef de l’État. 

« Partenariat avec les territoires » 

En troisième position dans l’ordre du gouvernement, on trouve Catherine Vautrin, chargée d’un ministère à l’intitulé entièrement nouveau : le ministère du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation. La création de ce ministère et sa place dans l’organisation gouvernementale semblent adresser un signal positif aux collectivités locales, à savoir que Michel Barnier souhaite placer le « partenariat »  avec elles au premier rang de ses préoccupations. Il reste évidemment à savoir si cette déclaration d'amour sera suivie de preuves d'amour – une première réponse à cette question sera donnée à l'occasion de la présentation du budget. 

On assiste par ailleurs à une rupture avec les récentes organisations gouvernementales, où la question des collectivités, de la décentralisation et de la « cohésion des territoires »  était rattachée à la transition écologique.  Ces deux dossiers sont à présent déconnectés. 

Catherine Vautrin (Renaissance ex-LR) est indiscutablement une bonne connaisseuse du sujet : ancienne présidente du Grand Reims (Marne), elle a été plusieurs années membre des instances dirigeantes de l’AMF. Bien que plusieurs fois ministre, sous Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin, puis dans le gouvernement Attal, c’est la première fois qu’elle occupe un portefeuille dédié aux collectivités. Il faudra maintenant attendre la parution du décret d’attribution pour connaître le périmètre exact de son ministère.

Catherine Vautrin aura sous sa tutelle trois ministres délégués (mais pas de secrétaire d’État). Parmi eux, un nom bien connu des maires : celui de la sénatrice UDI Françoise Gatel. Ancienne maire de Châteaugiron et ancienne présidente des maires de l’Ille-et-Vilaine, Françoise Gatel est une alliée de longue date de l’AMF, dont elle a longtemps été vice-présidente. Ces dernières années, elle a notamment travaillé en très étroite collaboration avec l’association pour élaborer une loi sur les communes nouvelles. Françoise Gatel hérite d’un ministère délégué à la Ruralité, au Commerce et à l’Artisanat. 

Le nouveau ministre délégué aux Transports est lui aussi placé sous la tutelle de Catherine Vautrin. Le poste échoit à François Durovray (LR), lui aussi indiscutable connaisseur du sujet : l’ancien maire de Montgeron et président de la communauté d'agglomération Sénart Val-de-Seine (Essonne) puis président du conseil départemental de l’Essonne, présidait également la commission « Transports, mobilités et infrastructures »  de l’association Départements de France. Il était par ailleurs jusqu’à maintenant membre du conseil d’administration d’Île-de-France mobilités, l’autorité organisatrice des transports dans la région capitale. 

Enfin, le ministère délégué chargé de la Mer et de la Pêche a été confié à l’UDI Fabrice Loher, maire de Lorient (Morbihan) et président de sa communauté d’agglomération. 

Un maire à la « sécurité du quotidien » 

Autre ministère essentiel pour les collectivités locales, celui de l’Intérieur. Il a été confié au sénateur LR Bruno Retailleau. Celui-ci a également été député, conseiller général et président de conseil régional (Pays-de-la-Loire) mais, contrairement à son prédécesseur Gérald Darmanin, n’a jamais été maire. Bruno Retailleau, longtemps très proche collaborateur de Philippe de Villiers et catholique conservateur, sera certainement une des personnalités clivantes de ce gouvernement  – d’autant que son poste en fait le ministre des cultes. 

Bruno Retailleau aura sous sa tutelle un ministre délégué et un secrétaire d’État. Sera chargé de « la sécurité du quotidien »  – encore un intitulé nouveau – le maire de Valence (Drôme) et vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Nicolas Daragon (LR), qui était depuis 2020 vice-président de l’AMF. Événement inhabituel : Nicolas Daragon a annoncé hier, dans un message à ses collègues maires de la Drôme, avoir décidé de « garder les deux pieds dans la réalité en poursuivant (sa) fonction de maire ». 

Comme secrétaire d’État « chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations », on trouve Othman Nasrou, d’abord LR puis membre du parti de Valérie Pécresse Soyons libres. Il a été conseiller municipal de Trappes (Yvelines), vice-président de la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, et vice-président de la région Île-de-France. Othman Nasrou est notamment connu pour sa lutte contre le communautarisme et l’intégrisme musulman dans sa ville de Trappes. 

Le logement confié à une spécialiste

La transition écologique, qui a donc été déconnectée de la cohésion des territoires, a été confiée à Agnès Pannier-Runacher, l’une des rares ministres reconduites des précédents gouvernements. On notera que son portefeuille, outre la transition écologique, l’énergie et le climat, inclut « la prévention des risques », ce qui signifie qu’elle sera, au moins en partie, comptable du très épineux dossier de l’assurabilité des communes face aux risques. Agnès Pannier-Runacher, il faut le remarquer, n’est qu’en 9e position dans l’ordre du gouvernement, ce qui ne donne pas l’impression que le dossier brûlant de la transition écologique sera une priorité essentielle du nouvel exécutif. 

Auprès de la ministre, on trouvera la députée de l’Ain Olga Givernet au poste de ministre déléguée chargée de l’Énergie.

Bien d’autres ministres seront chargés de dossiers brûlants pour les collectivités locales, à commencer par ceux chargés de l’économie et des finances. C’est le jeune député macroniste de la Haute-Savoie Antoine Armand qui hérite, à 33 ans, de Bercy (économie, finances et industrie) Énarque, Antoine Armand est inspecteur des finances et aura été très brièvement président de la commission des affaires économiques d’une Assemblée nationale qui n’a jamais siégé. À 39 ans, macroniste venu du PS, Laurent Saint-Martin hérite du budget et des comptes publics. De façon inhabituelle là encore, son ministère est placé non sous l’autorité de Bercy mais sous celle de Matignon, puisqu’il est ministre « auprès du Premier ministre ». Laurent Saint-Martin va être particulièrement exposé dans les semaines à venir, puisqu’il va être chargé de l’exploit de concevoir, présenter et défendre un budget en une quinzaine de jours. Quel traitement ces deux profils très technocratiques vont -ils réserver aux collectivités territoriales ? La réponse va arriver rapidement. 

Autre dossier brûlant, alors que la crise de l’immobilier fait rage : le ministère « du logement et de la rénovation urbaine »  a été confié à Valérie Létard (UDI). L’ancienne sénatrice du Nord est devenue députée en juillet dernier, au sein du groupe Liot. Proche de Jean-Louis Borloo – elle a été son adjointe au maire chargée de la politique de la ville  –, elle est restée présidente de la communauté d’agglomération de Valenciennes. Elle a également été présidente de la commission politique de la ville au conseil régional, présidente du Conseil national des villes, membre du Conseil d’administration de l’Anru, et rapporteure de la commission Villes et territoires urbains à l’AMF (dont elle a été vice-présidente). Autant de fonctions qui en font une excellente connaisseuse des dossiers logement et politique de la ville – elle s’était d’ailleurs déjà vu proposer ce poste dans le premier gouvernement d’Édouard Philippe, en 2017, qu’elle avait alors décliné. Valérie Létard va très vite avoir l’occasion de se confronter aux difficultés de sa nouvelle fonction, puisque demain débute le congrès de l’USH, à Montpellier. 

Des novices à l’Éducation nationale et à la Fonction publique

Tout au contraire du cas de Valérie Létard, le très sensible poste de l’Éducation nationale a été confié à une personnalité dont rien, dans la carrière, ne laissait présager qu’elle obtiendrait ce portefeuille : Anne Genetet, députée Renaissance des Français hors de France, a une formation de médecin et de communicante, et a exercé une bonne partie de sa carrière à Singapour. À l’Assemblée nationale, elle était membre de la commission de la Défense. Auprès d’elle, Alexandre Portier sera ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel. Député LR du Rhône, Alexandre Portier est conseiller municipal de Villefranche-sur-Saône. 

La nomination de Guillaume Kasbarian au ministère de la Fonction publique constitue également une surprise. Rescapé du précédent gouvernement où il était chargé du Logement, le député macroniste de l’Eure-et-Loir, diplômé de l’Essec et consultant en stratégie dans divers cabinet de conseil, n’a pas d’expérience particulière du sujet fonction publique. 

Des maires aux Sports et aux Outre-mer

Le portefeuille des sports, de la jeunesse et de la vie associative a été confié à Gil Avérous, qui était encore, le jour de sa nomination, président de l’association Villes de France. Le maire (ex-LR) de Châteauroux (Indre) et président de la communauté d’agglomération doit sans doute en partie sa nomination au fait qu’il a réussi à faire de sa commune un site d’épreuves olympiques. Il va avoir à gérer, notamment, l’héritage des Jeux de Paris. 

Le portefeuille des Outre-mer échoit au sénateur LR du Rhône François-Noël Buffet, qui fut pendant 20 ans le maire d’Oullins et tenta, par deux fois, de se faire élire président du Grand Lyon. Au Sénat, François-Noël Buffet occupait jusqu’à présent la fonction de président de la prestigieuse commission des lois. Il est notamment l’auteur de plusieurs propositions de loi récentes dédiées aux élus locaux (proposition de loi pour rendre aux élus locaux leur pouvoir d’agir et proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local). 

Ce sera l’un des ministres qui sera le plus rapidement propulsé dans le grand bain, entre situation critique en Nouvelle-Calédonie et manifestations violentes contre la vie chère en Martinique et en Guadeloupe. Michel Barnier a choisi de placer le ministre des Outre-mer directement sous son autorité, et non sous celle du ministre de l’Intérieur comme c’est le cas traditionnellement, comme un signal adressé aux ultra-marins qui se sentent de plus en plus délaissés par la République.

On notera, enfin, que pour la première fois un élu mahorais entre au gouvernement : le sénateur de Mayotte Thani Mohamed Soilihi, ancien vice-président du Sénat, a été nommé secrétaire d'État à la Francophonie et aux Partenariats internationaux.  

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