Maire-info
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Édition du mercredi 4 décembre 2024
Agriculture

Le loup ne sera bientôt plus une espèce « strictement protégée » en Europe

Hier le Comité permanent de la Convention de Berne a adopté la proposition de l'Union européenne d'abaisser le statut de protection du loup de « strictement protégé » à « protégé ». Les loups pourraient, de façon limitée et réglementée, être abattus dans les États européens. Cela va-t-il changer quelque chose en France ? Éléments de réponse.

Par Lucile Bonnin

C’est un pas de plus qui a été fait hier vers une régulation moins stricte du loup en Europe. En septembre 2023, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait annoncé une campagne d’actualisation des données sur les populations de loups en Europe. 20 300 loups répartis dans 23 pays ont donc été recensés en 2023, dont 1 023 en France. 

Face à ces résultats, une proposition de révision de la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage en Europe a été publiée par la Commission européenne qui suggère de faire passer le statut de protection des loups de « strictement protégé »  à « protégé ».

Pour rappel, la Convention internationale de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe est un instrument juridique qui vise à protéger la faune et la flore sauvages d’Europe, mis en place par le Conseil de l’Europe en 1979.

Si jusqu’ici le loup était considéré comme espèce « strictement protégée » , le comité permanent de la Convention de Berne a adopté la proposition de révision hier visant à considérer le loup comme une espèce « protégée ». 

De strictement protégé à protégé

Le loup fait aujourd’hui partie des espèces listées à l'annexe II de la convention. Ils ne peuvent donc être « tués, capturés, détenus ou dérangés de façon intentionnelle, en particulier pendant la période de reproduction et de dépendance ». Il faut cependant souligner que des exceptions sont possibles comme la prévention de dommages importants au bétail. 

En devenant une espèce protégée, le loup figurera dans l’annexe III, qui a pour objectif d’assurer la protection simple des espèces, au moyen d’une réglementation qui permette de maintenir l'existence de ces populations hors de danger (instauration de périodes annuelles ou de zones de préservation, de modalités particulières de gestion, réglementation du commerce). La capture ou la mise à mort des espèces protégées par des moyens qui seraient non sélectifs ou localement dangereux pour la pérennité ou la tranquillité de l'espèce restent interdites. 

Pour que ce nouveau statut puisse s’appliquer dans les pays membres, la directive européenne « Habitats »  doit être modifiée et c’est cette procédure qui va être importante pour la France. En effet, la directive, si elle reprend quasiment mot pour mot la convention, prévoit aussi des exceptions. C’est ce texte qui, par exemple, permet aujourd’hui à la France d’employer des mesures de gestion de l’espèce alors que le loup est encore une espèce strictement protégée. 

Ainsi, en passant d’espèce strictement protégée à espèce protégé dans la directive « Habitat », le loup devra désormais être « compatible avec leur maintien dans un état de conservation favorable ». Une disposition assez floue, qui fait peser un risque de surinterprétation par les pays européen. Dans Le Monde, Guillaume Chapron, membre de l’Union internationale pour la conservation de la nature, explique que « tout reposera sur l’interprétation qui sera faite du statut de conservation favorable. » 

Des enjeux limités pour la France 

La position du gouvernement sur ces enjeux a toujours été claire et a été réaffirmée avec force lors de la présentation de son nouveau plan national d'actions « loup »  pour la période 2024- 2029 (lire Maire info du 19 septembre 2023). L’ancien ministre de l’Agriculture Marc Fesneau s’est d’ailleurs réjoui de la nouvelle sur X : « Cette décision adresse (…) un signal tant attendu pour nos éleveurs, avec la possibilité désormais accordée de réguler plus efficacement la population de loups, notamment grâce à l’instauration de quotas de tirs. C’est un élément important de la préservation de notre élevage et du pastoralisme, dont le rôle en matière de souveraineté alimentaire est essentiel ; qui vient renforcer et parachever les dispositions du Plan loup que j’avais présenté en 2023. » 

La réalité est en fait plus nuancée. Yann Laurans, directeur des programmes du WWF-France explique à l’AFP que ce changement de statut « voudrait dire qu'on généralise à l'Europe ce que la France pratique déjà par dérogation, soit la possibilité de tirer sur des loups en fonction de règles à déterminer nationalement ». En effet, en France, environ 19 % des effectifs de loups sont déjà tués chaque année, dans le cadre de dérogations. En réalité, ce déclassement permettrait surtout une simplification administrative pour faciliter les tirs contre le loup.

Dans un avis adopté par la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale, les députés français expliquent que ce changement de statut permettrait de passer « d’une logique de défense à une logique de gestion adaptative de la population, tenant compte du nombre d’individus mais aussi de la connectivité des populations pour déterminer la viabilité de l’espèce et de la tendance globale d’évolution des populations ».

D’ailleurs, même du côté des éleveurs, cette nouveauté ne constitue pas vraiment un changement majeur. La Confédération paysanne a indiqué que « pour certains, cette méthode de régulation [par la chasse] semble être la condition sine qua non pour faire face à la prédation. Seulement, le taux de prélèvement restera le même. Il nous paraît donc irresponsable de faire croire qu'abattre 200 loups au hasard sera efficace pour protéger les troupeaux ».

Débats sur l’état de conservation 

La décision divise. D’un côté, il y a ceux qui estiment que la situation du loup a radicalement changé depuis l’adoption de la Convention de Berne en 1979 lorsque les loups avaient disparu en Europe occidentale. De l’autre, on pointe le manque de justification scientifique quant à la prise de cette décision.

« Cette décision, motivée par la volonté de l'Union européenne d'affaiblir la protection des loups, est une grave erreur, dénuée de tout fondement scientifique solide, explique le Bureau européen de l'environnement (BEE). Les populations de loups se sont à peine rétablies après leur extinction dans la plupart des régions d'Europe, et l'affaiblissement de leur protection pourrait compromettre cette fragile reprise. Au lieu d'apaiser les tensions, cette décision pourrait exacerber la polarisation et éroder la confiance dans les efforts visant à gérer efficacement les populations de loup. » 

D’autres estiment que l’état de conservation de l’espèce est indéniablement positif et que face à l’intensification des attaques, le statut de protection du loup doit être conforme à cet état de conservation de l’espèce. Dans son discours sur l’état de l’Union européenne en septembre 2023, Ursula von der Leyen avait elle-même déclaré que « la concentration de meutes de loups dans certaines régions d’Europe est devenue un réel danger pour le bétail et, potentiellement, pour l'Homme ». Selon les derniers chiffres de l’Inrae, la prédation occasionne en France plus de 15 000 victimes d’élevage par an (ovins, bovins, caprins, équins...).

En tout état de cause, la modification de la convention de Berne entrera en vigueur dans trois mois « sauf si au moins un tiers des parties à la Convention de Berne (17) s’y oppose, auquel cas elle ne prendra pas effet. Si moins d’un tiers des parties s’y oppose, la décision entrera en vigueur uniquement pour les parties qui n’ont pas formulé d’objections », peut-on lire dans le communiqué de presse européen. 

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