10 mai : Journée nationale des commémorations de l'abolition de l'esclavage
Par Franck Lemarc
« La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité. » C’était le 10 mai 2001, il y a vingt ans jour pour jour : le Sénat adoptait définitivement, à l’unanimité, la loi Taubira, l’une des quatre « lois mémorielles » adoptées entre 1990 et 2005. Pour la première fois, l’État français portait au rang de crime contre l’humanité le commerce des esclaves qui, entre le XVe et le XIXe siècle, a permis la déportation, de l’Afrique de l’Ouest vers les Amériques, d’au moins 11 millions de personnes.
Commerce triangulaire
C’était l’époque du « commerce triangulaire » : des bateaux, affrétés par les grandes compagnies de l’époque – pour partie financées par la monarchie française – partaient des grands ports de l’Atlantique vers l’Afrique de l’ouest, chargés de produits manufacturés qu’ils échangeaient contre des esclaves. Dans des conditions d’une cruauté inouïe, les esclaves étaient ensuite acheminés vers l’Amérique du Nord, les Caraïbes ou le Brésil pour y être vendus aux propriétaires des grandes plantations. Avec l’argent de la vente des esclaves, les négriers remplissaient leurs cales de canne à sucre, de coton, de tabac, qu’ils rentraient enfin vendre en Europe, avec des taux de profits faramineux.
Ce cycle, qui a connu son apogée dans la seconde moitié du XIXe siècle, a fait la fortune d’un certain nombre de familles françaises et de plusieurs villes de la façade atlantique, dont Nantes et Bordeaux.
Rappelons que la Révolution française, même si elle professait que les hommes naissaient « libres et égaux en droit », n’a pas mis fin au commerce des esclaves – déclaré « légal » par l’Assemblée nationale en 1790. La Convention ne l’a aboli une première fois qu’en 1794, avant son rétablissement par Napoléon en 1802. Après des décennies d’hésitations, il faudra attendre la IIe République, en 1848, pour qu’un décret d’abolition soit définitivement adopté – le 27 avril – et appliqué : le 5 mars 1848, les plus de 250 000 esclaves que comptaient les colonies françaises des Caraïbes étaient enfin émancipés.
Le décret du 27 avril, 150 ans avant la loi Taubira, désignait l’esclavage comme « un attentat à la dignité humaine ». En conséquence, écrivaient ses auteurs : « L’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises. »
C’est pour commémorer l’adoption de ce décret, porté par Victor Schœlcher, que le Mois des Mémoires débute chaque année le 27 avril. Schœlcher écrivait en 1847, un an avant l’abolition : « Le seul, l'unique remède aux maux incalculables de la servitude c'est la liberté. Il est impossible d'introduire l'humanité dans l'esclavage. Il n'existe qu'un moyen d'améliorer réellement le sort des Nègres, c'est de prononcer l'émancipation complète et immédiate. ».
Un guide pour les commémorations
Les commémorations de ce sinistre épisode de l’histoire de France sont aujourd’hui portées par la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, présidée par l’ancien Premier ministre et maire de Nantes Jean-Marc Ayrault. Avec un objectif : « Construire une mémoire apaisée, pour un avenir partagé. » C’est cette fondation qui pilote les commémorations, notamment la Journée nationale des mémoires de la traite le 10 mai et la Journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage le 23 mai.
En février dernier (lire Maire info du 17 février), l’AMF et la Fondation ont signé une convention de partenariat en se donnant pour objectif de multiplier par cinq le nombre de communes qui organisent des cérémonies ou des événements pendant le Mois des Mémoires.
Le 16 avril, une circulaire du Premier ministre est venue rappeler aux préfets qu’il était proposé aux maires d’organiser « une cérémonie ou toute autre initiative, notamment culturelle, soit le 10 mai soit le 23 mai ».
Pour les y aider, la Fondation a élaboré un guide (Kit commémoration à l’usage des collectivités) contenant de nombreux éléments utiles : conseils pour organiser une cérémonie, déroulé-type, protocole ; exemples d’initiatives locales (expositions, conférences-débats, spectacles, ateliers) ; et de nombreuses ressources pour enrichir les initiatives : livres, films, grands textes de l’abolitionnisme, expositions à télécharger, etc.
Autant de ressources utiles pour les maires qui souhaitent s’associer à cette démarche et « faire en sorte que cette mémoire, longtemps enfouie, occultée, avec la tentation de l’effacer, puisse être pleinement reconnue », comme le disait en mai 2017 le président François Hollande. Parce qu’il faut se souvenir, comme l’a écrit le poète réunionnais Axel Gauvin, « qu’en ce temps, (…) ils criaient et claquaient leurs fouets sur notre dos, en ce temps, nous étions les bœufs de ces gens-là ».
Télécharger le Kit commémoration à l’usage des collectivités.
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