Aide à domicile : rien ne va plus
Par Emmanuelle Stroesser
L'UNA (1) étaye son constat par les résultats de l’enquête annuelle confiée à Opinion Way auprès des directeurs de services d'aide et de soins à domicile, structures non lucratives adhérentes (2). Pour la présidente de l'UNA, Marie-Reine Tillon, ces résultats arrivent à point nommé pour « objectiver » ce que les associations observent dans une relative indifférence des pouvoirs publics.
Une demande sur cinq non prise en charge
Premier constat : une demande sur cinq ne peut être prise en charge complètement. Elle est soit réduite, soit reportée, soit refusée. Ces « ruptures de prise en charge », concrètement, cela veut dire « qu’on va réduire les passages du week-end, que des sorties d’hôpital ne seront pas accompagnées », illustre Marie-Reine Tillon. « Cela se reporte aussi sur les aidants qui se retrouvent parfois dans des situations dramatiques ». Elle fustige « ceux qui pensent que ce n'est pas grave, que ce sont des heures de ménage ». « Pas du tout ! Ca c'était dans les années 50 ! On n’est plus dans ce cadre là. Ce n'est pas du confort ni du superflu. »
La fuite du personnel
Le manque de personnel est la principale raison pour expliquer l'impossibilité de répondre à toutes les demandes. Cela conduit au deuxième constat : la pénurie de personnel s'est encore aggravée avec la crise. Plus d’un quart des structures disent avoir refusé des prises en charge faute de personnel. Autre chiffre éloquent : en moyenne, 31 % des postes sont non pourvus, la proportion était de 22 % lors de la précédente enquête en 2019. Au quotidien, la crise sanitaire a accentué l'absentéisme du personnel (cas contact, personnel prioritaire). Mais ce qui inquiète aujourd'hui les directeurs, c'est l'effet « concurrence » du Ségur de la Santé. La moitié des structures observent des départs d’aides soignantes (plus que d’infirmières) vers des EHPAD, des centres hospitaliers.
Les conditions de travail, qui se détériorent, et les faibles rémunérations expliquent ce double phénomène. Pour l'UNA, la solution passe par une revalorisation des salaires et une réforme de la tarification des services, réclamée de longue date.
Lueurs d'espoir
De ce point de vue, l'annonce par la ministre chargée de l'Autonomie, Brigitte Bourguignon, du prochain agrément par l’État de l'avenant 43 à la convention collective de branche offre des « lueurs d'espoir ». Même s'il aura fallu attendre de longs mois, modère Marie-Reine Tillon. Elle « ouvre notamment la voie à une revalorisation salariale des intervenants à domicile de 13 à 15% en moyenne ». Elle est d'application à compter d'octobre 2021. Mais tout dépendra des moyens supplémentaires dont disposeront ou non les structures pour l'honorer.
Mais sous certaines conditions
« L’avenant va s’imposer à toutes les structures de la branche, nous serons dans l’obligation de l’appliquer, que nous ayons ou pas le financement » explique Marie-Reine Tillon, « ce qui revient à dire qu’il faut que les financeurs prennent leur responsabilité, sinon les structures à domicile seront encore plus en difficulté qu’elles ne l’étaient déjà ». « Clairement, c’est la mort assurée d’un certain nombre de services, avec les salariés à la rue et des familles et personnes vulnérables non accompagnées » prévient-elle. Si le message est insistant, c'est que tout reste flou de ce côté-là. Qu'il s'agisse des conseils départementaux, principaux financeurs, ou des caisses sociales (CAF, CNAV) qui financent aussi des heures de prises en charge. Si la ministre « ne semble pas inquiète », l'UNA préférerait avoir « des assurances ». La période électorale n'est peut-être pas le meilleur moment, ou au contraire…
(1) L'UNA réunit 690 structures qui accompagnent à domicile des personnes et familles vulnérables par l’âge, le handicap ou la maladie longue durée. 20 % des adhérents de l'UNA sont des CCAS.
(2) Baromètre UNA AESIO MACIF CHORUM mené par OpinionWay. Étude auprès de 174 directeurs de structures du réseau UNA (un tiers des adhérents), complétée d'interviews du 11 janvier au 8 mars 2021.
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