Hausse des prix de l'énergie : des mesures proposées, encore bien insuffisantes
Par Franck Lemarc
Adressée aux membres du gouvernement et aux préfets, la circulaire a pour objectif de pousser aux économies d’énergie – en particulier de gaz – dans les bâtiments de l’État et de ses opérateurs, mais Jean Castex demande aux préfets « d’inciter les collectivités territoriales à appliquer des mesures similaires ».
Baisse du chauffage
Dans le cadre d’une explosion des prix qui risque d’être durable, le chef du gouvernement demande à l’État de « réduire dès à présent » sa consommation, afin de préserver les réserves de gaz et réduire les risques de pénurie l’hiver prochain.
La première mesure demandée est la réduction de la température de chauffe dans les bâtiments – mesure qui ne devrait pas être effective très longtemps avec l’arrivée du printemps. Il est demandé de respecter strictement une « consigne de chauffe à 19 ° C » dans les bâtiments de bureau ou recevant du public, aux heures d’ouverture. En période d’inoccupation, la température doit être réduite de 2 ° C la nuit, fixée à 16 ° C si l’inoccupation dure entre 24 et 48 h, et à 8 ° C au-delà de 48 h.
Il est également conseillé de prendre des mesures de maintenance des systèmes de chauffage afin d’en améliorer l’efficacité (purge, désembouage, rééquilibrage des réseaux).
Pour l’été et les systèmes de refroidissement, il est demandé que la climatisation ne soit pas mise en marche en-dessous de 26 ° C dans les locaux.
Dans les bâtiments de l’État, le Premier ministre demande que soient strictement « proscrites les mesures de contournement », en particulier les chauffages d’appoint.
Accélérer les travaux
Au-delà des mesures de « sobriété », il est également demandé d’accélérer les travaux permettant de réduire les consommations – chantier qualifié de « crucial ». « Les préfets de région et de département s'assureront que l'ensemble des projets en cours contribuant à une baisse de la consommation en gaz des bâtiments publics, de l'État comme des collectivités locales, et qui pourraient être achevés d'ici l'hiver 2022-2023 sont conduits selon un calendrier de réalisation ambitieux dans l'objectif d'être mis en service aussi tôt que possible dans l'hiver. » Pour accélérer les travaux, les préfets devront faire en sorte de « fluidifier l’obtention des autorisations administratives ». Ces mesures portent aussi bien sur les travaux d’isolation ou de rénovation thermique que sur l’installation de « grandes chaufferies collectives » ou de raccordement à un réseau de chaleur.
« Absorber le choc »
Il est demandé aux préfets, dans cette circulaire, d’inciter les collectivités locales à adopter des mesures similaires et de réunir celles-ci, localement, non seulement pour leur faire part de ces recommandations mais également « pour leur présenter les mesures dont elles bénéficient ». En annexe de la circulaire figure une note relative aux « mesures mises en place et mobilisables par les collectivités territoriales en matière de hausse des prix de l’énergie ».
On peut se réjouir du fait que, pour la première fois, le gouvernement fasse autre chose sur ce sujet que faire comme si le problème n’existait pas – rappelons que l’AMF comme la FNCCR comme plusieurs parlementaires ont, à plusieurs reprises, interpellé le gouvernement sur le sujet des factures énergétiques qui explosent dans les collectivités, sans obtenir aucune réponse autre que « jusqu’ici, tout va bien ».
Mais les « mesures » annoncées en annexe de la circulaire n’ont rien de nouveau et, surtout, elles ne seront pas suffisantes pour permettre aux collectivités de faire face. Le gouvernement rappelle le « bouclier tarifaire » et la baisse de la TICFE « qui profitera aux communes dans les mêmes conditions que les autres consommateurs », avec un gain pour celles-ci estimé à « 400 millions d’euros ». Le gouvernement rappelle également que pour les collectivités qui ne bénéficient pas du tarif réglementé, « la hausse du prix de l’électricité sera diminuée grâce à la hausse du volume de l’Arenh » (accès régulé à l’électricité nucléaire historique). Grâce à ces mesures, peut-on lire dans la circulaire, la hausse du prix de l’électricité sera limitée autour de « 8 % », au lieu de 35 % sans ces mesures. Des affirmations qui restent à vérifier, les hausses constatées sur le terrain étant bien supérieures à ces chiffres.
Le gouvernement estime par ailleurs que la santé financière des collectivités locales leur permettra « d’absorber ce choc », mettant en avant, notamment, fin février, une « hausse de l’épargne brute des communes de l’ordre de 14 % par rapport à 2020 ». Si la comparaison avec 2020 fait certes apparaître de fortes progressions, l’année 2020 est aussi l’année de la crise sanitaire. Mais en réalité, les chiffres montrent que l’épargne brute a retrouvé en 2021 son niveau d’avant crise (+ 1 % par rapport à 2019). La circulaire omet cependant de signaler que ce rattrapage ne concerne pas les dépenses d’équipement qui augmentent de 6,5 % en 2021 après l’effondrement de 14,4 % en 2020. Elle ne permet pas de savoir si la hausse du prix de l’énergie a ralenti les investissements en 2021.
La circulaire indique aussi que les dépenses d'énergie pour les communes de 500 à 3 500 habitants s'élèvent à 667 millions d'euros à la fin décembre 2021, soit une hausse de 5,9 %. Cependant, le poids relatif de ces dépenses dans les dépenses de fonctionnement est quasi stable par rapport à la situation fin décembre 2020 et plus faible qu'à fin décembre 2019. Mais cette analyse reste incomplète : la stabilisation de la part des dépenses d’énergie dans les dépenses de fonctionnement est aussi due à la fermeture des services publics locaux pendant les derniers confinements, réduisant ainsi d’autant la consommation d’énergie.
Enfin, la hausse du prix de l’énergie se poursuit en 2022. Les investissements seront-ils, une fois encore, la variable d’ajustement pour maintenir les équilibres ? L’enquête de la FNCCR révèle en effet que les augmentations de coût de fourniture d’énergie pour les collectivités s’échelonnent entre 30 à 300 % pour l’électricité et le gaz pour des périodes de contractualisation de trois années sur plusieurs centaines de milliers de points de livraison. Les difficultés d’approvisionnement en matières premières auxquelles doivent faire face les collectivités mais aussi les entreprises du BTP notamment, pourraient venir freiner la reprise. La hausse des coûts de chantiers cumulée à la hausse du coût de l’énergie pourrait conduire au report de certains projets devenus trop onéreux.
Mesures d’accompagnement
Enfin, le gouvernement rappelle les mesures « d’accompagnement » de l’État aux collectivités pour réduire leurs consommations : dispositif Éco-énergie Tertiaire, dans lequel l’État « finance l’ingénierie et les investissements », programme Actee destiné à « accélérer massivement la rénovation énergétique du parc des collectivités locales », porté par la FNCCR et « soutenu par l’État » … Ou encore le soutien via les dotations d’investissement de l’État (Dsil et DETR).
Il est également fait mention du Fonds chaleur de l’Ademe (lire Maire info du 18 mars 2022), et des Certificats d’économie d’énergie (CEE). Pour ce dernier cas, le gouvernement rappelle qu’un dispositif spécifique appelé « Coup de pouce chauffage des bâtiments tertiaires » est en place depuis 2020. Il prévoit des « bonifications » pour le remplacement des équipements de chauffage ou de production d’eau chaude en favorisant les systèmes faisant appel aux énergies renouvelables.
Tous les détails sur ce dispositif sont exposés dans une note publiée cette semaine par le ministère de la Transition écologique, accompagnée de plusieurs fiches pratiques.
Toutes ces mesures sont certes intéressantes, mais elles ne répondent pas à l’urgence que connaissent certaines collectivités qui ont subi une augmentation des factures de l’énergie pouvant dépasser les 300 %, et dont certaines ont déjà été contraintes de fermer des équipements, notamment sportifs.
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