Fessenheim: le réacteur n°1 débranché, mécontentement à tous les étages
La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim a débuté dans la nuit de vendredi à samedi avec l'extinction d'un premier réacteur ; le second sera arrêté le 30 juin. Cette fermeture apparaît comme une hérésie pour les salariés et les habitants de la commune haut-rhinoise, et même les antinucléaires sont mécontents des projets de reconversion envisagés.
« Le réacteur a été débranché vers 2 heures du matin et il faut saluer le travail remarquable des équipes, ça a été un moment très fort en émotion dans la salle de commande », a-t-on précisé du côté d’EDF.
Mais samedi matin, salariés et habitants de Fessenheim se sont réveillés groggy.
Les élus de la communauté de communes ont déployé une grande banderole devant la centrale sur laquelle était écrit: « Fermeture exemplaire de Fessenheim... Le César de la promesse non tenue est attribué au gouvernement Macron ».« On a sacrifié cette centrale sur un autel politique », a résumé Gérard Hug, président de la communauté de communes.
Claude Brender, le maire du village, souligne que la centrale a représenté « un îlot de prospérité pour ce territoire ». « On est dans l’affichage politique, on veut fermer Fessenheim pour le symbole qu’elle représente, sans prendre en compte les besoins du territoire ».
« Une chance pour la France »
Ému, Jean-Luc Cardoso, un syndicaliste et salarié de longue date, a pris la parole au nom de ses collègues lors de ce rassemblement, devant la centrale. Il a remercié les élus de leur soutien.
« Nos collègues ont dû réaliser des actes pour lesquels on n’est pas programmé », a-t-il regretté, à propos de l’équipe de nuit qui a débranché le réacteur. « Il va y avoir un trou d’air de 10 ans (avant l’ouverture du Technocentre appelé à remplacer la centrale, ndlr), ça laisse pantois ! ».
Dans l’après-midi, environ 150 personnes, agents et anciens salariés de la centrale, mais aussi chercheurs et militants pro-nucléaire, se sont également réunies devant la centrale pour dénoncer sa fermeture. Une pancarte proclamait « L’énergie nucléaire, une chance pour la France ». Tous s’insurgent contre une décision purement politique, jouant sur la peur mais ne répondant à aucune considération sécuritaire ou écologique.
La centrale alsacienne, mise en service en 1977 à la frontière avec l’Allemagne, non loin de la Suisse, générait 2 000 emplois directs et induits.
Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, a insisté sur le fait que les 750 salariés de la centrale seraient reclassés sur d’autres sites EDF, ou accompagnés dans leur recherche d’un autre emploi.
Raphaël Schellenberger, député (LR) de la circonscription de Fessenheim, a pourtant regretté le peu d’implication de l’État. « Je n’ai vu aucune idée de reconversion qui vienne de l’État, toutes les idées viennent de nous », a-t-il insisté.
La ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne a confirmé vendredi la volonté de l’État de créer à Fessenheim « un centre d’excellence du démantèlement nucléaire, s’appuyant sur un Technocentre pour le recyclage des matériaux métalliques ». « C’est le seul projet industriel réaliste qui est sur la table », selon Claude Brender.
« Une balle dans le pied »
Un projet qui pourtant fait déjà bien des mécontents... Ainsi, si la fermeture à venir de la centrale est une victoire pour les antinucléaires, ceux-ci ne désarment pas et ils sont déjà vent debout contre ce projet de Technocentre.
« Nous nous battrons résolument contre » ce projet, a affirmé André Hatz, président de Stop Fessenheim et porte-voix des opposants à la doyenne des centrales françaises. « Si on veut attirer des entreprises de pointe, le projet de Technocentre, c’est se tirer une balle dans le pied. On fait sortir le nucléaire par la porte, on le fait rentrer par la fenêtre », s’est aussi insurgé Daniel Reininger, président de la fédération Alsace Nature.
De l’autre côté des frontières, en Allemagne et en Suisse, la fermeture prochaine de la centrale alsacienne reste une satisfaction. « Le démantèlement de la centrale nucléaire de Fessenheim rend également l’Allemagne plus sûre », a ainsi indiqué la ministre allemande de l’Environnement Svenja Schulze. « L’abandon progressif de l’énergie nucléaire en Allemagne est gravé dans le marbre mais nous continuerons à faire campagne pour que nos pays voisins abandonnent l’énergie nucléaire (...) Les énergies renouvelables sont clairement la meilleure solution ».
L’évacuation du combustible de la centrale sera normalement achevée en 2023. Ensuite doit se poursuivre la phase de préparation au démantèlement, processus inédit en France à l’échelle d’une centrale entière qui devrait commencer à l’horizon 2025 et se poursuivre au moins jusqu’en 2040. (AFP)
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