Majoration des indemnités des élus locaux : les collectivités d'outre-mer désavantagées, juge le Conseil constitutionnel
Par Lucile Bonnin
Le 26 juillet 2021, le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État par la voie d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Cette question a été posée pour la commune du Port, par maître Éric Dugoujon, avocat au barreau de Saint-Denis de La Réunion. « Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 5 ° de l'article L. 2123-22 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique » , est-il précisé sur le site du Conseil constitutionnel.
Des conditions strictes et inégales
La disposition en question définit notamment les profils des communes qui peuvent voter des majorations d’indemnités de fonction de leurs élus. On compte parmi elles les communes chefs-lieux de département, d’arrondissement et de canton (avant le redécoupage cantonal de 2014) ou sièges du bureau centralisateur du canton, les communes sinistrées, les communes classées stations de tourisme, les communes dont la population a augmenté à la suite de la mise en route de travaux publics d’intérêt national et enfin les communes qui, au cours de l’un au moins des trois exercices précédents, ont été attributaires de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale.
Déjà particulièrement encadrée, cette disposition excluait indirectement les communes d’outre-mer. En effet, les communes ultramarines n’étant pas éligibles à la DSU mais à la dotation d’aménagement des communes d’outre-mer, elles sont privées, de fait, de la faculté de bénéficier de cette majoration. La commune du Port à la Réunion ne répondant donc à aucun des cinq critères, le tribunal administratif de l’île a annulé la délibération du 2 juin 2020 majorant les indemnités du maire et des adjoints. C’est alors que la commune relève une injustice dans la loi : seules les communes de métropole sont éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale. « Une différence de traitement injustifiée » est alors décelée puis dénoncée par la commune ultra-marine.
La disposition déclarée inconstitutionnelle
Après examen, le Conseil constitutionnel a reconnu que « la différence de traitement contestée, qui n'est pas non plus justifiée par un motif d'intérêt général ou par des caractéristiques et contraintes particulières aux collectivités d'outre-mer, est donc contraire au principe d'égalité devant la loi. »
« Il résulte des travaux parlementaires qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre aux communes confrontées à des difficultés particulières de développement social de compenser, par une majoration de leurs indemnités de fonction, les contraintes et sujétions auxquelles sont soumis, de ce fait, leurs élus » . Aucune différence de situation entre les communes de métropole et les communes d’outre-mer n’est à prendre en compte dans ce cadre précis. Par conséquent, le 21 octobre dernier, le 5 ° de l'article L. 2123-22 du code général des collectivités territoriales a été officiellement déclaré contraire à la Constitution.
Une abrogation prévue pour octobre 2022
Souvent, une disposition déclarée inconstitutionnelle est abrogée dès la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Or la date d’abrogation peut être également choisie pour une application ultérieure. Et cela a été le cas pour cette décision d’abrogation dans un souci d’équité et de préservation des droits, « pour éviter de priver les conseils municipaux des communes attributaires de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale de la possibilité de majorer les indemnités de fonction de leurs élus » .
Les élus des communes de métropole qui bénéficient de cette majoration « DSU » la conservent donc mais le législateur a jusqu’au 31 octobre 2022 pour rectifier la loi et permettre aux communes d’Outre-mer de bénéficier d’une majoration équivalente.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Loi Engagement et proximité : ce que les maires doivent retenir (20/12/2019)
De nouveaux outils pour comprendre la loi Engagement et proximité (23/01/2020)
Pneus neige : attention aux « fake news »
Construction de logements : les 24 nouvelles propositions de la commission Rebsamen
Formation des élus à l'exercice de leur mandat : rappel des règles