Pneus neige : attention aux « fake news »
Par Franck Lemarc
Il y a quelques jours encore, la rumeur courrait sur les réseaux sociaux : le gouvernement avait décidé d’obliger, dans une cinquantaine de départements, tous les automobilistes à acheter des pneus neige. Avec, à la clé, la menace de la reprise d’un mouvement de contestation comparable aux Gilets jaunes, dont on se rappelle qu’ils sont nés, en 2018, de l’augmentation de la taxe sur les carburants.
Mais la loi et le décret qui sont ici en cause ne disent pas cela, et la nouvelle obligation est, de fait, nettement moins contraignante.
Pas d’obligation de pneus neige
Lors d’une séance de questions au gouvernement au Sénat, le 14 octobre dernier, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a eu l’occasion de s’exprimer sur ce dossier. En réponse à la question d’un sénateur des Vosges, le ministre a déclaré : « Permettez-moi également de corriger des informations qui sont dites et répétées, mais qui sont fausses. D'abord, il n'y a pas d'obligation d'utiliser des pneus neige. Les chaînes de montagnes suffisent. Je sais qu'un certain nombre d'entreprises essaient de faire croire à nos concitoyens qu'ils ont l'obligation de changer de pneus, mais ce n'est pas le cas. C'est ce qu'on appelle une fake news. Les chaînes qu'utilisent depuis très longtemps ceux qui se rendent à la montagne suffisent. Il suffit de les avoir dans son coffre et de les mettre quand c'est nécessaire. »
L’essentiel est dit : il n’y a pas d’obligation d’équiper son véhicule de pneus neige (même si cela est recommandé : l’obligation sera satisfaite si les automobilistes ont, dans leur coffre, des chaînes ou des « chaussettes ».
D’où vient cette disposition ?
C’est la loi Montagne II du 28 décembre 2016 qui a instauré cette nouvelle obligation : son article 27 dispose que dans les massifs montagneux, « le représentant de l'État détermine, après avis du comité de massif, les obligations d'équipement des véhicules en période hivernale » – les modalités de cette disposition devant être précisées par décret. Ce texte réglementaire a été publié au Journal officiel du 17 octobre 2020 : le décret a d’abord fixé la date d’entrée en vigueur du dispositif (1er novembre 2021) et définit les dispositifs qui deviendront obligatoires.
Tous les véhicules sont concernés : voitures individuelles, véhicules utilitaires, camions, cars, etc. Pour les voitures individuelles, le décret est parfaitement clair : deviendront obligatoires ou bien le port de quatre pneus « hiver » ; ou bien « la détention de dispositifs antidérapants amovibles permettant d'équiper au moins deux roues motrices ». Ces dispositifs amovibles, précise le site de la Sécurité routière, sont ou bien « les chaînes métalliques » ou bien « les chaussettes à neige textiles ». Les premières, plus onéreuses et plus difficiles à installer, sont aussi plus efficaces et recommandées pour un usage « fréquent » ; les secondes, moins chères et plus simples d’utilisation, sont aussi « moins efficaces en cas de fort enneigement ».
Quant aux pneus hiver (ou pneus neige), ils doivent être aux normes : le décret précise que sont autorisés les pneus « relevant de l’appellation « 3PMSF », c’est-à-dire à la fois portant le marquage « symbole alpin » et la marque « M+S », « M.S » ou « M&S ». Une tolérance sera mise en place jusqu’au 1er novembre 2024 : les pneus marqués « M+S » sans symbole alpin seront acceptés.
Il faut également bien noter que cette nouvelle obligation ne s’applique pas aux seuls résidents des territoires concernés, mais à tout véhicule qui les traverse. L’obligation sera en vigueur chaque année du 1er novembre au 31 mars.
Où l’obligation est-elle en vigueur ?
Le champ géographique d’application de ces dispositions est un peu plus compliqué. La loi et le décret mentionnent « les massifs mentionnés à l'article 5 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 », c’est-à-dire les massifs des Alpes, de la Corse, du Massif central, du Jura, des Pyrénées et des Vosges. L’ensemble de ces massifs couvre 48 départements. Pour autant, l’obligation ne couvre pas la totalité de ces 48 départements, la liste des communes concernées devant faire l’objet d’une concertation entre les préfets, les maires et le comité de massif.
Au final, il revient donc à chaque préfecture concernée de donner une liste des communes dans lesquelles l’obligation entre en vigueur. Aucune carte complète n’étant disponible à ce jour, il n’y a donc pas d’autre choix que de se référer aux sites des préfectures concernées, et en la matière, la plus grande diversité est de mise.
Dans certains départements faisant partie – tout ou partie – des massifs concernés, le préfet a fait le choix de n’appliquer l’obligation à aucune commune. C’est le cas par exemple de l’Hérault. Bien que le nord du département soit situé dans les contreforts du Massif central, l’arrêté préfectoral est clair : « Considérant la faible fréquence des épisodes de neige et de verglas dans le département (une dizaine de jours d’évènements significatifs sur les quinze dernières années) et le caractère exceptionnel des perturbations sur la circulation routière, le préfet de l’Hérault a décidé de ne pas imposer l’équipement systématique des véhicules. (…) Aucune commune du département ne sera concernée par l’obligation d’équipement. »
À l’inverse, la préfecture du Puy-de-Dôme a décidé de l’imposer « sur l’ensemble du département et toutes ses communes ». C’est également le cas dans le Cantal, l’Isère, la Savoie et la Haute-Savoie.
Entre ces deux extrêmes, certaines préfectures ont décidé d’appliquer la nouvelle règlementation à certaines communes, dont elles donnent la liste sur leur site : 42 communes en Aveyron, 57 communes dans la Drôme, 28 dans le Var, etc.
Dans ces conditions, il est évidemment bien compliqué pour un automobiliste de passage de savoir s’il traverse une commune où l’obligation s’applique ou pas, et inimaginable d’installer et désinstaller les équipements selon la réglementation ! Il ne peut donc qu’être conseillé, dès lors qu’un véhicule doit traverser un des 48 départements concernés, d’avoir systématiquement dans son coffre des chaînes ou chaussettes, à défaut de pneus neige.
Le gouvernement a néanmoins annoncé que pour la première année d’application de la loi, aucune sanction ne serait prise. Les amendes ne seront donc appliquées, en cas de manquement, qu’à partir du 1er novembre 2022. Sauf dans la commune de Gérardmer, dans les Vosges, où le maire, Stessy Speissmann, a décidé d'appliquer une tolérance zéro dès le 1er novembre : un arrêté impose une amende de 35 euros aux automobilistes qui ne respecteraient pas la nouvelle loi, et les contrôles de la police municipale débuteront « dès aujourd'hui ».
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