Indemnités des élus : ce qu'a dit la ministre Dominique Faure, ce que pensent les associations d'élus
Par Franck Lemarc
C’est le 18 août, dans une interview à plusieurs titres de la presse quotidienne régionale, que Dominique Faure a confirmé sa volonté de « porter les indemnités des maires à la hauteur de leur engagement ». Cette annonce fait suite à celle, le 13 juillet, de la création d’un groupe de travail gouvernement/AMF pour créer un véritable statut de l’élu, et de la réunion d’une Convention nationale de la démocratie locale probablement fin octobre, appelée à débattre de ce statut. La ministre annonçait déjà, alors, que la question des indemnités serait mise sur la table, notamment pour les petites communes.
« Toutes les tailles de communes »
Dans son interview du 18 août, Dominique Faure reconnaît que l’indemnité versée aux élus « n’est pas suffisante », et elle évoque une revalorisation pour les élus des communes de 3 500 à 100 000 habitants, ainsi qu’une réflexion sur celle des maires de villes de plus de 100 000 habitants, qui « ont de lourdes responsabilités et gèrent un personnel de plusieurs milliers de personnes ».
Ce qui a été retenu par les commentateurs, au lendemain de cette interview, est que les plus petites communes risquaient d’être les grandes oubliées de la réforme. La ministre a tenté de préciser son propos, dès le 20 août, dans une interview à BFM-TV, expliquant que la loi Lecornu de 2019, n’avait permis que d’augmenter les indemnités des élus des communes de moins de 3 500 habitants, mais qu’il était maintenant nécessaire « d’ouvrir ce débat pour toutes les tailles de communes ».
L’Association des maires ruraux de France (AMRF), a d’ailleurs immédiatement communiqué pour indiquer que la réflexion en cours concerne également les élus des communes rurales : « Dominique Faure me l’a confirmé par écrit, a indiqué Michel Fournier, le président de l’association, la réflexion concerne tous les élus locaux et donc tous les maires ».
La DPEL
Le problème de fond, sur cette question, n’est pas tant le montant de l’indemnité des maires elle-même que le niveau auquel l’État est prêt à la compenser. Comme l’a expliqué la ministre, pour un grand nombre de communes, l’indemnité des élus est prise en charge à 100 % par le budget communal. Seules les plus petites communes bénéficient d’une dotation permettant de compenser en partie la charge représentée par les indemnités : c’est la dotation particulière élu local (DPEL), de son nom complet « dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux ». « Cela fait partie du débat de voir comment nous allons nous organiser pour faire en sorte que les communes aient les moyens, si nous revalorisons les indemnités, de les porter dans leurs charges ».
Le fonctionnement de la DPEL est assez complexe : une partie est destinée à compenser partiellement le montant des indemnités, et une autre, beaucoup moins importante, à compenser les frais de garde d’enfants et l’assurance obligatoire protection fonctionnelle des élus. Seules les communes de moins de 1000 habitants et dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 950,40 euros par habitant (chiffres 2023) ont le droit de toucher la fraction de DPEL permettant de compenser les indemnités. Elle s’élève à 3 029 euros pour les communes de 500 à 999 habitants, à 4 544 euros pour les communes de 200 à 499 habitants, et à 6 058 euros pour les communes de moins de 200 habitants.
En revanche, la partie permettant de compenser les frais de garde et la protection fonctionnelle est touchée par toutes les communes de moins de 3 500 habitants, sans conditions financières.
Les propositions des associations d’élus
Le débat qui s’ouvre, dont les résultats doivent être dévoilés au congrès de l’AMF en novembre, va donc porter non seulement sur le montant des indemnités mais sur les conditions d’octroi de la DPEL. On ne sait pas au juste, à cette heure, ce que prévoit le gouvernement. Mais plusieurs associations d’élus ont, elles, déjà exprimé leurs revendications.
C’est le cas de l’AMF, qui, dans un communiqué du 22 août, a demandé que les indemnités soient augmentées dans « toutes les communes, y compris les communes rurales, ce qui suppose une revalorisation de la DPEL prévue dans le budget 2024 ». L’AMF a mis en place un groupe de travail spécifique pour travailler sur ces questions, présidé par Catherine Lhéritier, maire de Valloire-sur-Cisse (41) et Frédéric Roig, maire de Pégairolles-de-l’Escalette (34). Ses travaux ne se limitent pas à la seule question des indemnités, mais englobent les questions de « l’accès aux droits sociaux, la formation, l’assurance, la conciliation du mandat avec la vie professionnelle », etc.
On sait également que l’AMF défend l’idée de la suppression de la condition de potentiel financier pour pouvoir toucher la DPEL, ce qui coûterait environ 14 millions d’euros à l’État ; et celle de la création d’un « fonds financé par l’État » pour aider les communes à améliorer l’attractivité des mandats locaux.
Il conviendra également d’être attentifs, en cas d’augmentation de la DPEL dans le projet de loi de finances pour 2024, à ce que cette augmentation soit financée par de l’argent frais. Cela n’avait pas été le cas en 2019, où l’augmentation de la DPEL avait été payée par les collectivités elles-mêmes, puisqu’elle s’était faite à enveloppe de DGF constante (lire Maire info du 26 novembre 2019).
L’Association des petites villes de France (APVF) s’est également exprimée sur ce sujet : elle estime que les « très légères » avancées des dernières années ont surtout concerné les maires ruraux et ceux des grandes villes, et que les maires des petites villes ont été « les grands oubliés » de la réforme de 2019. Pourtant, écrit l’APVF, ceux-ci « ont souvent à traiter des problématiques similaires aux communes plus importantes sans disposer ni des moyens, ni de l’ingénierie adéquate ».
L’APVF demande donc « qu’une loi établisse une rémunération fixe des maires qui soit véritablement proportionnelle au temps et aux responsabilités attachées à l’exercice du mandat ».
Quant à l’AMRF, elle rappelle que « la charge des responsabilités n’est pas corrélée au nombre d’habitants ». Elle propose donc « le principe de la création d’une indemnité plancher pour que l’engagement au service de l’intérêt général soit associé à une non perte de revenu disponible pour l’élu qui consent à réduire son activité professionnelle ».
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