Panneaux électoraux : des élus et des parlementaires appellent à en finir avec le « casse-tête »
Par Franck Lemarc
Avec 38 listes en présence, ces élections européennes ont battu un nouveau record de participation, dépassant le chiffre, déjà important, de 34 listes des élections de 2019.
Pour les maires, ce nombre important de listes pose tous les cinq ans le même problème : celui de l’installation des panneaux électoraux – d’autant plus qu’ils ne disposent que de peu de temps pour le faire : cette année, il a fallu tout installer entre le 18 mai, date de parution de l’arrêté notifiant le nombre de listes, et lundi 27 mai, début de la campagne électorale.
Inventivité
Comme toujours, les maires ont dû rivaliser d’ingéniosité pour faire face. Ceux qui le pouvaient – dans les plus grandes communes notamment – ont installé des panneaux métalliques classiques, mais tous ne le peuvent pas, lorsque l’on sait que le coût unitaire de ces panneaux approche les 150 euros, et que seule l’élection européenne nécessite d’en avoir autant. Se pose également le problème de l’emprise au sol : il faut avoir suffisamment de linéaire pour pouvoir installer côte à côte 38 panneaux, ce qui peut, selon le modèle choisi, approcher les 50 mètres ! D’autres communes choisissent d’installer les panneaux par trois, en triangle, pour réduire la surface occupée. Il était également possible de réduire le nombre de panneaux en délimitant deux, voire quatre emplacements sur chacun d’entre eux, comme la réglementation l’autorise.
Dans de nombreuses communes, les maires ont fait jouer la possibilité qui leur est donnée d’utiliser d’autres surfaces : panneaux de bois, murs, voire une bâche agricole dans la commune de La Lande-Chasles, dans le Maine-et-Loire, où le maire Christophe Rouxel a demandé à son premier adjoint de lui prêter « une bâche agricole d’asperges », qui fait « pile la hauteur d’un panneau électoral ».
Dans d’autres communes, d’autres solutions pour le moins originales ont été imaginées, comme ce maire qui a utilisé « deux tables de ping-pong » appartenant à la commune pour compléter les panneaux.
Élus agacés
Mais ce qui agace le plus les élus, c’est le fait que la plupart des panneaux ne servent à rien, puisqu’ils ne sont pas collés par les candidats. Comme l’expliquait récemment le président de l’AMRF, Michel Fournier, sur Franceinfo : « Un grand nombre de listes n'affiche rien, sauf que ça nous oblige, nous, quelle que soit la taille de la commune, à avoir ces fameux panneaux avec des dimensions codifiées. C'est un coût énorme pour rien, ça n'apporte absolument aucun avantage. » David Lisnard, président de l’AMF, s’est également ému de cette situation dans un twitt publié le 3 juin : « Installer dans chaque commune, pour chaque bureau de vote, 38 panneaux ! Dont certains pour des listes qui ne colleront pas une affiche, guidées par la facilité de l’accès au financement public généré par cette élection. Et les maires eux doivent assumer cela et se débrouiller. »
Beaucoup des partis qui se présentent n’ont en effet pas les moyens humains ni financiers de coller des affiches dans les plus de 34 000 communes du pays. Ce qui demande ou bien un très grand nombre de militants, ou bien l’assise financière de contracter avec une entreprise qui se charge d’apposer les affiches, mais pour une facture dépassant les 150 000 euros.
Résultat, de nombreux élus s’interrogent pour trouver des solutions à ce « casse-tête ». C’est le cas, par exemple, de Ludovic Rochette, maire de Brognon en Côte-d’Or et président de l’association départementale des maires, qui a publié mardi, dans La Gazette des communes, une tribune appelant à « en finir avec le casse-tête des panneaux électoraux ». Pour l’élu, les maires trouvent toujours des solutions pour installer les panneaux, et celles-ci sont légales, mais « bien peu valorisantes pour les élections et leur commune » – et « beaucoup d’élus se disent navrés de devoir présenter un tel spectacle de bric et de broc », alors que « les élections sont un rendez-vous sérieux ».
Ludovic Rochette estime que les règles sont « périmées », et demande qu’une réflexion soit menée à ce sujet entre l’État et les associations d’élus, en sachant qu’aucune solution n’est simple ni complètement satisfaisante. « Faut-il encore installer ces panneaux ? », demande-t-il. « Passer à des consultations numériques de la propagande électorale, au risque d’écarter (certains) électeurs ? » Il lance aussi l’idée de réduire la taille des affiches, ou encore de « filtrer le nombre de listes ». Quoi qu’il en soit, le maire appelle l’État à profiter de l’année 2025, qui ne devrait pas comporter d’élections, pour lancer cette réflexion.
Propositions de loi
De nombreuses initiatives parlementaires ont déjà vu le jour. Le Sénat, dans un rapport, avait par exemple proposé que soient sanctionnés financièrement les candidats qui n’apposent pas d’affiches sur les panneaux que les maires prennent la peine d’installer pour eux.
Plus récemment, trois propositions de loi ont été déposées au Sénat sur ce sujet.
La plus récente émane d’Olivier Paccaud (Oise), qui a déposé cette proposition le 4 juin, estimant qu’avec « 38 listes, farfelues pour les trois quarts, on ne frise plus le ridicule, on s’y vautre ». Le sénateur propose donc de mettre en place un système de parrainages, à l’instar de ce qui se fait à l’élection présidentielle, en mettant la barre à 250 soutiens issus de la moitié des départements. Il y ajoute un certain nombre de parrainages citoyens, à définir.
Une autre proposition de loi sénatoriale propose une condition de « 10 000 parrainages de citoyens » pour pouvoir déposer une liste.
Enfin, le sénateur du Tarn Philippe Folliot propose une autre approche : revenir aux circonscriptions électorales. En effet, l’une des raisons de la multiplication des listes est que l’élection européenne se déroule désormais sur une circonscription unique, ce qui permet de se présenter avec seulement 81 candidats à l’échelle nationale.
Sa proposition de loi vise à instaurer « 71 circonscriptions », certaines à l’échelle d’un département (les plus peuplés) et d’autres en regroupant des départements ruraux. Cette proposition permettrait de faire diminuer le nombre de candidats, mais le sénateur y voit un autre avantage : « rapprocher » les élections européennes des électeurs, ce qui, pour lui, pourrait contribuer à lutter contre l’autre grand fléau des élections européennes : l’abstention.
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